Quand la République cogne, viole et nie : Adil, les femmes, les racisés… et l’impunité policière
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Il s’appelle Adil. Il est étudiant en droit. Il a 25 ans, il vient d’Algérie. Dans la nuit du 10 au 11 avril 2025, à Drancy, il est interpellé, frappé, insulté, agressé sexuellement par des policiers. Dix jours d’ITT. Un traumatisme profond. Une phrase comme une gifle symbolique :
« Ne vous inquiétez pas madame Bourdelle, c’est la police française. »
C’est cette police, précisément, qui mutile, humilie et tue protégée, sanctuarisée, couverte par l’État.
C’est cette police qui a tué Nahel, qui a éborgné Zineb Redouane, qui a laissé mourir Cédric Chouviat, qui a tabassé Adama Traoré, qui a abattu Amine Bentounsi d’une balle dans le dos, qui a ôté la vie à Rayana simple passagère d’une balle dans la tête, qui met à genoux 151 lycéens, mains dans le dos à Mantes-La-Jolie, qui a tabassé à mort Malik Oussekine en 1986, qui a mis 2 balles dans la tête de Houari, 17 ans, sans aucune raison, en 1980, qui a tabassé à mort Malika, 8 ans en 1973, qui a soumis Ahmed Selmouni à des “actes de torture” (qualification de la CEDH en 1991), et tant d’autres
C’est cette police aussi qui, selon une enquête exclusive de Disclose, viole, agresse, harcèle, en toute impunité. Police raciste, police sexiste : une violence systémique.
Longtemps, on a parlé de « bavures », de « dérapages », d’« affaires isolées ».
Mais les faits s’accumulent, les rapports s’alignent. Ce n’est plus un faisceau d’indices : c’est un système de domination raciale et patriarcale.
Les jeunes hommes noirs et arabes sont jusqu’à 20 fois plus contrôlés que les autres (Défenseur des droits, 2017).
Plus de 134 morts lors de contrôles routiers depuis l’adoption de la loi de 2017 sur la légitime défense, qui permet à la police de tirer au moindre refus d’obtempérer.
Et désormais, Disclose documente 429 victimes de violences sexuelles policières depuis 2012, dans une base de données inédite.
Des victimes : des femmes en garde à vue, des adolescentes sans ressources, des collègues policières, des femmes venues porter plainte.
Des agresseurs : des policiers, des gendarmes, des supérieurs hiérarchiques.
Des complices : l’administration, les syndicats, la hiérarchie, l’État.
Impunité organisée, loi du silence garantie
L’uniforme ne protège pas les victimes. Il protège les agresseurs.
Les policiers accusés de violences sexuelles ne sont ni suspendus, ni mutés, ni jugés dans les délais. Cinq condamnés sont encore en poste.
Pas de circulaire d’interdiction. Pas de texte encadrant les rapports entre policiers et plaignantes. Pas de mécanisme de signalement indépendant.
Du côté des violences racistes et physiques, le tableau est tout aussi accablant :
- 1,8 % des plaintes aboutissent à une condamnation.
- L’IGPN classe près de 7 affaires sur 10.
- Les familles des victimes sont harcelées, les avocats mis sous pression, les lanceurs d’alerte réprimés.
Une République schizophrène : #MeToo d’un côté, matraque de l’autre
Le gouvernement Macron le clame haut : l’égalité femmes-hommes est la “grande cause du quinquennat”.
Mais derrière les slogans, il y a la réalité : Gérald Darmanin a été accusé de viol en 2017, une plainte a été déposée et une information judiciaire a été ouverte. Il a toujours nié les faits et la justice a rendu un non lieu en 2022. Il est resté ministre de l'intérieur durant toute la procédure et est devenu ministre de la justice. Les policiers violeurs restent en poste. Et le ministère protège ses troupes à tout prix, quitte à piétiner les droits fondamentaux.
C’est la même logique que pour les violences racistes : la priorité est à la police, pas à la justice.
Adil est Algérien. Les femmes victimes de policiers sont pauvres, précaires, souvent racisées.
Ce n’est pas un hasard. C’est une ligne politique. C’est un choix de classe, de race et de genre.
Nous exigeons une rupture
Pour Adil, pour toutes les victimes invisibles, nous refusons l’indignation sans lendemain. Nous exigeons des actes politiques clairs. Voici nos revendications :
- Abrogation immédiate de la loi du 28 février 2017, qui a transformé le refus d’obtempérer en permis de tuer.
- Création d’un organe de contrôle civil et indépendant des forces de l’ordre, avec pouvoir de sanction.
- Suspension automatique des policiers mis en cause pour des faits graves (violences, racisme, agression sexuelle).
- Mesures immédiates et fermes pour garantir l'intégrité et la sécurité des personnes sous leur protection, en sanctionnant sévèrement toute relation sexuelle impliquant des individus gardés à vue ou venus porter plainte, afin de restaurer la confiance du public et de prévenir de futurs abus.
- Interdiction du profilage racial, avec contrôle effectif et sanctions.
- Réforme de la formation policière, intégrant les droits fondamentaux, les biais raciaux et sexistes, et les principes d’éthique publique.
- Mise en place d’un registre national public des violences policières, anonymisé mais accessible à la presse, aux chercheurs et aux citoyens.
« Ce n’est pas seulement que j’avais peur de mourir. C’est comme si j’en étais proche. J'avais peur d’être jeté dans la Seine. »
Les mots d’Adil, comme ceux de tant d’autres, accusent la République. Ils disent l’effroi, l’isolement, l’absence de recours.
Nous refusons de détourner le regard.
Ce que la République a fait à Adil, à ces femmes, à ces victimes oubliées, elle l’a fait en notre nom.
Nous ne voulons plus être complices.
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Sources : Disclose (2025), StreetPress, Défenseur des droits, CNRS, ONU, Le Monde, Basta!, Libération
Affaire Adil :
https://x.com/streetpress/status/1935744386723463488?t=4z3QAcbxS2fgQlTuwlTkFw&s=19
Violences sexuelles policières – Disclose
« 429 victimes, 215 agents mis en cause »
Loi du 28 février 2017 – usage des armes par la police
Texte officiel : LOI n° 2017‑258 « relative à la sécurité publique » (article L. 435‑1 du Code de la sécurité intérieure)
348-1 https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000034104023
Hausse des morts lors de refus d’obtempérer
Enquête de Flagrant Déni : mortalité accrue depuis la loi de 2017, 3 décès en 2023, 13 en 2022
Basta! : tirs mortels multipliés par 5, 6 décès la première année, 3‑4 fois plus que précédemment
Débat et rapports parlementaires
Rapport d'information Assemblée nationale (n° 2692, mai 2024) sur les refus d’obtempérer et usage des armes
1181-1 https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion_lois/l16b2692_rapport-information
Article du Club des Juristes sur la nécessité de réécrire la loi
Cas emblématique – Nahel Merzouk
Article wikipédia : contexte de la mort lors d’un contrôle à Nanterre, relance du débat sur la loi 2017
1678-1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Mort_de_Nahel_Merzouk
Mon article, écrit à ce sujet au lendemain de ce meurtre : https://drive.google.com/file/d/1-TyyHS6PnPmbGu7qYLsCpx9boZW3pSsX/view?usp=drive_link
Compléments & analyses
La Croix / LCP (via l’info vidéo) sur l’usage d’armes et nahel
Mode d'emploi (LDH) sur usage des armes et recommandation d’abrogation
2165-1 https://www.ldh-france.org/wp-content/uploads/2025/02/Note-usage-des-armes-nov-2023.pdf
Sur france.tv disponible en replay jusqu’au 18 juillet 2026 : Sommes‑nous tous racistes ? – France TV
Concept : 50 volontaires sont soumis à des expériences sociales inspirées de recherches scientifiques, le tout capté à leur insu, afin d’observer des mécanismes inconscients de préjugés ou discriminations.” On apprend à discriminer culturellement ”