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Billet de blog 7 mai 2017

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macron chez mediapart à deux jours du scrutin : vous avez dit "alliage" ?

l'invitation ambigüe de macron sur le plateau de mediapart : comment convaincre d'un vote-barrage en donnant la parole à macron ?

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Il s’est passé quelque chose d’ahurissant vendredi soir sur mediapart. Cette convocation de macron la veille du scrutin sur ce plateau qui se conçoit comme un contrepouvoir. Macron que mediapart appelle à élire depuis le début de l’entre deux tours pour faire barrage au fn, et non par adhésion. On suppose donc que cette invitation travaille dans le même sens, à asseoir les intentions de vote anti lp, à convaincre les derniers incertains qu’on peut voter macron tout en entrant en résistance.

Mais comment les convaincre en donnant la parole à macron ? en le laissant parler pendant deux heures, détendu, sur le plateau intimiste de mediapart ? la parole de macron serait donc convaincante ? et si non, pourquoi prendre le risque de le laisser parler, là, deux jours avant le premier tour ?

Drôle d’alliage, pour reprendre le terme fétiche de macron. Qui demandera, après demain, à être déplié, questionné avec précision.

On s’est pourtant pris à rêver mediapart en journal héroïque, poussant le gars dans ses retranchements ou au pied de son mur deux jours avant l’élection, histoire de donner à notre vote consistance et lucidité, histoire de voir clairement formuler le contrat d’opposition qui nous déliera du nouveau pouvoir en place. 

Mais, de fait, ils l’ont laissé parler. Dérouler sa conception de l’assurance chômage et des banlieues. Etaler sa vision de l’alliage, donc, comme nouveauté politique (pourtant déjà le dada de mitterrand 2 et de sarkozy, c’est leur vieux rêve à tous cette fin de l’histoire, ce dépassement de l’opposition gauche-droite qui invalide et ringardise l’éculée lutte des classes). Alliage d’ailleurs que même edwy plenel appellerait de ses vœux, « c’est exactement ce que vous appelez de vos vœux » lui glisse macron, mon alliage qui ira des républicains aux socialistes.

Ils l’ont laissé énoncer sa philosophie de la justice comme si elle était imparable, incontestable : un euro cotisé = un euro de droit ouvert, c’est celui qui paye qui a droit, la solidarité est une poussière morte.

Pourquoi est-ce aujourd’hui à l’état de piloter l’assurance chômage, et plus aux partenaires sociaux ? mais « les travailleurs ne travaillent plus, ils sont au chômage, donc ils ne cotisent plus, ce ne sont donc plus les cotisations qui financent l’assurance chômage mais les impôts, c’est à dire (premier saut sublime) l’état, et donc, puisque l’état paye (deuxième saut sublime), c’est à l’état de tenir les commandes ». C’est à moi, ça, plus à toi.

Ou alors : « je suis pour la liberté, c’est ma conviction profonde. Il est anormal, monstrueux même, qu’une usine qui fait des bénéfices licencie et mène un plan social, mais puisqu’ils sont libres, qu’est-ce que vous voulez que je leur dise ? »

Rien de neuf, non vraiment. Juste quelques nouveaux mots-masques, « les gens veulent de l’action », « il faut de l’efficacité », pour habiller cette poursuite tête en avant du projet de société mis en œuvre depuis 83, ces valeurs qui n’en sont pas, ne signent que leur disparition. La vie comme une compétition. Les mots morts.

Très ressemblant à sarkozy, dans le fond. Perversion balancée vaguement différemment, c’est tout. 

Au début de l’émission on s’est pris à croire que quelque chose se passait, il y avait un effet de réel inédit, un télescopage des espaces possible, une rencontre des langues, à poil macron chez mediapart, dis nous ce qu’il y a dans ton ventre. Mais très vite ils l’ont laissé réenfiler son harnais langagier, son vocabulaire technico-légal écrasant et auquel ils ne comprennent rien, pas plus que lui qui a juste merveilleusement appris à le manier.

Si seulement ils avaient placé en face de lui un philosophe, un poète, un historien, un économiste. Quelqu’un qui le prenne en transversal, le révèle, et non le laisse parler depuis là où il est maître. La question des migrants, malgré la présence en face de lui de la journaliste qui la traite avec urgence chez mediapart, n’a même pas été évoquée.

Peut-être ne sont-ils simplement pas armés en face d’une telle domination. Moi non plus, d’ailleurs je n’y connais rien dans le fond à la lutte des classes, je vais aller me coucher, demain ça ira mieux, avec quelques cachets et une fois lepen foutue dehors jusqu’à nouvel ordre, je devrais bientôt pouvoir reprendre mes activités normales (je n’ai pas pour vocation de devenir une militante à plein temps après tout).

On a du boulot.

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