De la méritocratie 3.0
Le foot et le rap ont cela en commun avec le trafic de drogue, le commerce en général ou la politique, de fournir à certains jeunes, plus sportifs, malins, ou débrouillards que d’autres, des opportunités de devenir millionnaires en euros, avant même d’avoir trente ans. Là où pour d’autres, de bonnes études ou de bons parents suffiront. Et pour d’autres encore : l’espoir n’est pas de mise en la matière… Tant il est vrai qu’on ne fait pas le même usage d’une cuillère en argent, ou en inox. Et qu’on n’a pas tous de jolies dents blanches, bien pointues.
Beaucoup de ces jeunes sont : issus des quartiers populaires, et de l’immigration, aime-t-on à nous répéter. Alors qu’ils sont bien tous, avant tout : des français, parmi tant d’autres. Mais remarquables. Pas vraiment comme les autres. Plutôt des exceptions. Marginaux statistiques des grandes lignes de nos tendances ethno-sociétales, archaïques. Stratifiées. Sédimentaires… La question est donc : qui, pourquoi, comment… ?
Ou : comment devenir un « winner » soi-même ?...
Qui a vécu dans une cité quelque peu défavorisée, voir carrément dans l’un des ghettos qui pullulent sur notre territoire, sait qu’il n’est pas donné à tout le monde de tenir le « Terrain » - ou « ter-ter »… Ou de s’en sortir par le haut. Darwin, Attila, Gengis Khan… autant que Ben Laden, Keynes ou Friedman, s’invitent implacablement dans tous les mécanismes internes à la cité, comme dans toute Société. Libéraux, voir Néo, qu’ils sont, les forts et les faibles sont voués à s’entredéfinir, dans un organigramme et une hiérarchie qui n’ont rien à envier à une salle des marchés de Wall-Street, ou à une troupe de la Légion Etrangère. A un ring de MMA, ou à un théâtre de guerre asymétrique… Genre : Matrix.
Ainsi, d’où que l’on se place dans la néo-dichotomie sociale ambiante, et dans notre ère anthropologiquement schismatique, force est de constater qu’il existe de chaque côté, et pour chacun, d'où qu'on soit, qui qu’on soit, riche ou pauvre, des « zones de non-droit », et des « territoires perdus de la République ». Des droits et des devoirs aux applications fluctuantes, voir aléatoires, selon les types de profils auxquels ils s’adressent. Ne s’en encombrent d’ailleurs, la plupart du temps, que les « faibles »… Les forts ayant, semble-t-il, bien d’autres chats à fouetter que de s’en préoccuper… Encore moins s’en soucier…
Outre-mesure.
La vie est ainsi faite qu’il y a bien : des Dominants, et des dominés. Tous : hominidés.
En matière de régulation, ou de relégation sociale, la Loi de la cité, et de la société même en général, est bien celle de la jungle. N’acceptent le leste de scrupules outranciers que les faibles, destinés aux gémonies de la médiocrité, voir de l’échec le plus mortel qui soit.
Alors certes, on peut postuler que ce soit la vie elle-même qui soit eugéniste, raciste, fasciste, sadique, amoraliste voir anthropophage…. Au sens métaphysique, systémique, bien davantage encore qu’au point de vue de la conjoncture politique, des mœurs, ou des conditions matérielles dans lesquelles on naît et on grandit. Car tout grand Charles qui vaille privilégiera toujours L’ : Essence, sur les existences, quelles qu’elles soient. De France, ou de Bretagne.
Si tel est le cas, et que pour la majorité des gens, surtout chez les pauvres, la vie est bien une « garce » sans nom, une nymphomaniaque infidèle, doublée d’une psychopathe-tueuse en série (ceci dit sans sexisme aucun, mais pour respecter la féminité du champ lexicale qui y est associé, juste pour l’image…), il peut être intéressant d’observer comment se développent sur le long terme, les règles arithmétiques, philologiques et statistiques qui caractérisent son évolution.
Sur les Champs-Elysées, et jusqu’au Palais de la Présidence, ce qui s’est exprimé en juillet dernier va ainsi au-delà de la fierté due à la victoire de notre équipe nationale. Car bien plus qu’un grand moment de communion, réunissant tous les français dans la joie surréaliste d’avoir obtenu une deuxième étoile à leur maillot de foot, se jouent en sous-main de nombreuses données psychosociologique qu’il serait bon de ne pas sous-estimer.
La France se voit souvent insultée par le manque de respect des sauvageons et autres « racailles » des cités ; brandissant même parfois des drapeaux étrangers ; qui eux-mêmes se pensent abandonnés à leur triste sort par une Nation dévolue religieusement à la pérennisation, et la reproduction à l’identique des systèmes de castes, et de classes. Des Inégalités. Une nation-TGV, qu’on ne saurait prendre… En Marche.
Sans billet…
Et pourtant, là où les grandes lignes, et le recul historique peuvent justement aider à comprendre et pacifier la situation actuelle et à venir, c’est lorsqu’on s’intéresse à cette émergence de nouveaux riches, sortis des grilles barbelées de leur ghetto natal. Venus d’outre-Atlantique, Jay-Z et Beyoncé chantent : « I can’t believe we made it...», au Louvres... Ici, PNL : « J’aimerais leur tendre la main... mais ces salauds me la couperaient... mettraient ça sur le dos de la faim »… Vianney et Maître Gims, eux, nous invitent à ne pas les juger, car ils sont trop des oufs. Des déglingos même…
Voilà donc que les notions de morale, ou d’éthique, voir de respect des lois et des codes, sont directement constitutives des facteurs d’émancipation, ou non, des populations les plus misérables de notre pays. Autant que de nos pontes et de nos édiles, dits : élites. Au sommet, dans les dorures, autant que dans la fange des caves, rotatives, de notre édifice national, on ne s’encombre que peu de considérations autres que pragmatiques et rationnelles. Voir cyniques. Privilégiant la réussite personnelle, à tout prix, et l’arrivisme en général, face à toute faiblesse de caractère induisant une relation sage et empathique au reste de groupe d’animaux au sein duquel nous vivons, et évoluons. Dit : le Troupeau. Ainsi il n’est aucun frère, ni aucune sœur, qui ne soit potentiellement un adversaire, ou une future ennemie. Dans un Game (of Thrones...) dont on ne peut sortir que les pieds devant. Comme à Marseille. Quartier-Nord. Ou Chicago.
Ici comme ailleurs : « Un geush restera toujours un geush !… ». Dit : On.
S’il est vrai que cet édifice précaire, d’une ploutocratie séculaire, ne s’effondrera pas en deux semaines, c’est sûr, il est intéressant de penser que la Vie a tout de même prévu des mécanismes de rééquilibrage. Même si, comme l’aura bien vite compris Kounta Kinté, par quelque beau spectacle de son et douleur, quelques claquements de fouets et lacérations, il n’est pas si évident que ça de s’enfuir d’un champ de coton ancestral. M’bappé, lui, plus heureux, plus actuel, aura bien su faire rouler la baballe, pour y arriver… Cependant, rares sont ceux qui, comme lui, y parviendront également. Plus ou moins discrètement, brillamment, ou violemment, selon l’exercice qu’ils font de leur déterminisme, de leurs compétences et attributs physiques, ou de leur « moralité ». Là est la clef de la réussite. Comme me disait un jour un ancien, au pays de mes ancêtres : « … du moment que c’est dan ton intérêt, tu peux bien t’allier avec le Diable… ». Lui musulman !… Du dimanche. Voir : plutôt Musulin, à ses heures. A l’heure où moi, athée de carton-pâte, je prévoyais de travailler dans le domaine sociale. Pour prétendre aider à la libération de populations asservies, lui, vieux briscard, réaliste, me faisait l’éloge de toutes les compromissions nécessaires à la seule réussite qui vaille sur cette Terre : Financière. Seul levier. Seul moteur. Seul carburant. Seul : boîte de vitesse… Je ne fus pas immédiatement convaincu pour autant. Aussi suis-je toujours pauvre.
Toutes les vedettes issues de l’immigration, ou de minorités ethniques, et devenues des stars, millionnaires, auront compris bien mieux et plus vite que moi, ou que « Nous autres » qui n’avons pas su prendre le train du progrès, qu’il n’y aura de changement digne de ce nom que par la maîtrise du Commerce, des flux financiers, et de la masse monétaire. Du Cash, tel qu’on le voit s’effeuiller dans tous les clips de gangsta rap à travers la planète. Et qui s’écoule loin de nos yeux incrédules, en de doux Paradis. Des billets verts, des culs de strip-teaseuses, et des voitures de courses hors de prix… étant les attributs universels de la réussite et du pouvoir, - cf. Strauss-Khan -, il ne nous resterait qu’un seul chemin à emprunter si nous souhaitions, nous aussi, participer de l’orgie que se réservent nos nobles Princes, en leurs luxueuses villas, et autres salons sectaires, ou arrières salles de clubs, aux rituels d’un autre âge.
Eden in Back-Room…
La meilleur preuve de tous ces renoncements nécessaires est peut-être l’image d’un certain comique, anciennement considérable comme une « racaille » lambda, ayant réussi à s’élever au rang des Grands de ce monde, au point de faire ami-ami, dans la tribune présidentielle du Parc des Princes, avec un Président qui avait pourtant pour programme de le « karchériser », lui et les siens. Ou avec un autre Président, qui ; ennemi déclaré de la Finance et adepte des scooters ; les aura tous fait rêver jusqu’à les endormir comme Messmer. Ou bien encore, avec un certain Roi, dont il est bien peu prudent de critiquer le règne…
De Machiavel à Nietzsche, et de Nostradamus à Darwin, ou Einstein, en passant par le Marquis de Sade, l’évolution du vivant, autant du point de vue politique que biologique, ne se soucie que peu de quelque moralité que ce soit. Ainsi, qu’on le veuille ou non, et qu’on le comprenne ou pas, la suite sera marquée par des revanches amères. Souvent même armées. Des parcours sans pitié. Des renversements de régimes. Et des nouveaux-riches, « nègres de maisons », ou autres « bicots des stades », ou quelques Robinsons-olé-olé des îles désertes, qui pensent ainsi agir dans le sens d’une inversion des schémas de l’Histoire. Faut-il y croire ? Oui ! Plus d’un peuple fut libéré de ses jougs, par la puissance et l’appétit des faibles. Misérables, aidés par une forme de Providence qui ne supporte jamais les dominations éternelles. Sans sourciller. Comme sinus appelle co…
Sinus ou Caïn-e.
Alors à charge à nous d’accepter, voir de valoriser ou de promotionner, des inversions souhaitables des ordres qui nous animent. Et des règles qui nous lient. Dans les limites qui nous paraîtront à chacun être celles de L’ : Ethique. Propre.
Ou sale !... Comme dit Moha.
Paix à sa Mère. Et à tous les quartiers de France. De Navarre. Et de Bamboulie.