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Billet de blog 17 janvier 2018

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Borrow Tears

End Blood

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Borrow : Tears…

End : Blood

Les mots étaient là ! Hagards. Perdus. Et livrés à eux-mêmes. Complètement déboussolés.

Illustration 1
Gourmandise par Christian Pichard (1)

Parqués dans d’immenses camps de concentration, nommés : parole, écrit, discussion, dialogue, journalisme, plaidoirie, communiqué, information, analyse, propagande, opinion, directive, norme, règle, valeur, doctrine, dogme, école, leçon, solidarité, entraide, publicité, compréhension, sondage, devoir, loi… etc. Ou tout simplement : Prison !...

Twit. Post. Folie. Subversion. Breaking news. Terrorisme… Philosophie.

Fallacieusement rendus coupables des incitations à la : Haine.

Omniprésentes haines. Ayant mené l’humanité aux : « Génocides » ; et aux : Guerres.

En tous sens. En tous genres. Sans fin. Multipolaires.

Prisonniers à perpétuité, les rescapés parmi les mots n’avaient plus la force de définir l’Esprit. De parler de l’ancien temps. Ni de réfléchir leur rapport aux temps actuels.

Ils n’avaient même plus le courage de se rappeler. Trop faméliques et affaiblis pour lutter contre les armées, solides et bien entraînées, des slogans cuirassés, et des post-vérités surarmées.

Trop paniqués pour défier les kapos de leurs camps de la mort, où ils étaient incinérés ; ou de ceux de travail, où ils pourrissaient, à la chaîne. Leur résistance avait été écrasée en moins de quelques décennies. Presque moins de temps qu’il n’en aurait fallu… pour le dire.

Ils étaient maintenant là, réduits au silence, à jamais. Assommés. Affamés et assoiffés. Ils luttaient pour survivre. Chaque jour, un de plus, ils s’affaiblissaient et devaient fournir des efforts « surhumains », pour ne pas douter d’eux-mêmes. Et ne pas basculer dans l’horreur de leur propre dénégation. But ultime de leurs irréductibles adversaires. Reconnaître leur inexistence propre ; comme le voulaient ces humains, devenus majoritairement doctrinaires et injustes. Aveuglés, tout comme eux, par l’argent, ou la peur. Les « Mots » durent, pour la survie de leur espèce, admettre leur assujettissement structurel ; ou : congénital ; au : « Genre Humain ».

Après des siècles et des siècles de domination sur le monde. A travers toutes ses : Nations. Toutes ses Civilisations. Toutes ses Cultures. Les mots avaient finalement dû abdiquer à l’aube du XXIème. Les bibliothèques ; leurs temples sacrés ou profanes ; furent brûlées. Et ces bûchers firent la joie des humains. Une liesse d’autodafé parcourut le monde. Les mots; vivants, autant que leurs ancêtres momifiés, leurs dépouilles et leurs cercueils; étaient immolés en place publique, pour le plus grand bonheur des foules d’humains. Dansant et buvant ; éructant d’un plaisir trop longtemps contenu. Alors, enfin, la Bête sommeillant en l’Homme ; et qu’il pressentait, calfeutrée en lui depuis toujours ; pouvait s’exprimer librement. L’insulte se trouvant, elle-même : insultée. La sagesse : prostituée…

Les mots, organisés un temps en groupes de résistance ; armés, épars et clandestins ; finirent par plier devant l’avancée implacable des forces de la « Re-Culturation ». La grande invasion des esprits et des corps. Par la : « Novlangue ». Marquant l’avènement de l’ère du geste ; du Bien et de l’Avoir. De l’asservissement de l’être et de l’essence de toute entité, fût-elle humanoïde, végétale, minérale ou chimique. Immatérielle ou organique. Le règne de l’Humain ; Total : exhaustif, sans pitié ; autocrate, fasciste… Intolérant à tout autre qu’à : Lui-même !

Individuellement était arrivé

Au nom de la liberté et de l’émancipation de chacun, du progrès et de la loi humaine de la sélection naturelle ; ainsi que du droit à posséder sans limitation raisonnable, et à thésauriser jusqu’à l’absurde. L’humain avait érigé en valeurs cardinales, le non-sens commun, et l’inversion de toute chose existante en son contraire… La déraison, ainsi devenue pernicieusement la règle, avait ouvert la voie à la : « Re-Primitivisation ».

Illustration 2
Chimpanzé femelle par Christian Pichard (1)

Du dire au faire, il n’y avait eu qu’un pas. Et de dire ce qu’on faisait… à faire ce qu’on nous disait de faire, ou à dire ce qu’on nous disait de dire, nous avions lentement glissé…

Nous : Autres : insignifiants humains sous pression. Pris par le stress de nos vies quotidiennes, et les angoisses à répétition d’un monde fait de guerres, et d’attentats incessants. Doublés de scandales divers et de rackets en tous genres ; nous avions lâchement accepté d’enterrer, sans tambours ni trompette, sans gospel ni fanfare… le sens même des : Mots. Pour toujours. A jamais. Les rendant coquilles vides, comme les œufs des oiseaux, durant les dernières années où il y eut des oiseaux. A ce jour, seuls quelques humains, hyper-privilégiés, en conservent des spécimens. De toutes sortes, dans leurs collections privées. Mais avant, il paraît qu’il y en avait, partout ! Sur la terre, dans le ciel, tout autour de la planète… Comme les abeilles… Qui, par le passé, existaient naturellement, et n’étaient pas des créations anthropiques. Des robots, ni des machines. Mais des insectes, bien vivants. Travailleurs dévoués et serviables. Indispensables partenaires. Morts trop tôt !?.... Par nos fautes… D’humains restés inactifs face à l’évidente désinhibition des pulsions les plus sauvages et destructrices de nos congénères prédateurs. Rendus fous de colère par leurs mysticismes divers, et leur indécrottable esprit de vengeance. Leur irrationnel besoin de puissance, et de domination. Leur peur et leur incompréhension face à la mort. Leur égoïsme sacerdotal. Leur incapacité profonde d’élévation et d’abstraction. Leur cupidité clanique…

Leur méconnaissance de l’unicité, du dualisme ; de la transcendance, et de la métaphysique.

Leur inaptitude à concevoir l’immatérialité de leur : être.

Trop épuisés par le doute lancinant d’ : Avoir. Assez. Plus… Toujours plus !

Plus que l’autre. Durablement. Y compris en termes de sensations.

Illustration 3
Cest quand qu'on va où par Christian Pichard (1)

Les humains et les mots s’étaient donc fâchés, suite à des années de conflits larvés. Entités irréconciliables ! De tout temps, leur relation avait été chaotique. Parfois amère, du fait de trahisons à répétitions, de part et d’autre. Respectives. Réflexives.

Leur interdépendance la rendait unique ; cette relation était comme une respiration. Naturelle, au sens : innée. Inextricable, faute de mort. Vitale : aux uns comme aux autres. Donc forcément : ambivalente. Puisque : transitive. Confinant à la torture sadomasochiste. Au rapport de force. Au conflit pour le pouvoir. Et la conquête de l’Esprit. La maîtrise des voies qui mènent à : la Lumière. Existentiellement : Le Nirvana. Essentiellement : La Sagesse.

Parfois l’humain cherchait, et les mots trouvaient eux la traduction de ses découvertes et avancées dans la quête, et l’on appelait ça l’empirisme, l’adaptation, la vie courante, le progrès technique, ou bien le darwinisme… Les colonies, l’esclavage… « Saint-Domingue ».

Parfois c’était les mots qui cherchaient, et l’humain, lui, qui entérinait, et l’on appelait cela la science, le progrès technologique, l’éducation, la propagande, la loi ou la religion. L’intellectualisme, ou bien encore l’érudition. L’académisme, ou bien la prospective…

Bien longtemps, la domination des uns par les autres fut alternative, autant que transitive. Partagée, parallèle. Intermittente. Entrecoupée de paix et de trêves momentanées. Presque juste et équitable. Ancrée dans un combat permanent visant sincèrement la pacification, la stabilité, et parfois mêmes l’entraide.

Les mots et les humains s’entre-définissaient depuis leur origine, jusqu’à leur dernier souffle. C’était écrit ainsi, et ainsi il en était. Mais, à travers l’histoire, ce lien s’était souvent étiolé, perverti, désagrégé… Jusqu’à l’assaut final, qui avait marqué la victoire totale de l’humain sur ses « cousins » les mots. Lors de l’ultime bataille, ils avaient été défaits. Décharnés. Atomisés. Pulvérisés… A l’échelle cosmique, à travers tout l’espace intersidéral du néant infini.

L’humain… A lui, et à lui seul : il était ! Libre et émancipé de toute entrave sémantique. Enfin !...

Libre de se définir lui-même. Sans contrainte. Libre de redéfinir les mots ; ces « gueux ineptes !... » ; ces « sans-dents » ; sans qu’ils n’aient rien à y redire. Les inverser à loisir. Et jouer avec eux comme bon lui semblait. Comme un chat avec un rat-mulot. Jusqu’à ce que mort s’en suive. Ludique et jouissive torture consistant à : martyriser ses anciens Maîtres…

Hommage leur soit donc ici rendu. A : Eux !

Illustration 4
Patriarche par Christian Pichard (1)

Ces innombrables Mots, morts sous les coups terribles et vengeurs des humains,

Maintenant l’humain cherchait à affermir, pour l’éternité qu’il espérait vivre, son emprise sur le monde, quant à la possession du sens ; ou du peu qu’il en restait du moins. S’assurer définitivement de la conquête de la Lumière. Donc de la vie éternelle, pour lui et les siens rescapés. Tel Noé, Sem, Japhet, Cham, et leurs épouses. Lot et sa famille. Ou Jonas, ou David, dans la Bible : « Des Hommes et des Mots »... Il avait gagné. Conquérant finalement ce royaume maudit, n’ayant aucune limite. Devenu une éternité de chaos, de ténèbres et de désolations diverses. Et il était content ! Il était satisfait. Fier de lui, il le faisait savoir à tue-tête. En décapitant ses propres congénères, ou en les intoxiquant, à la chaîne, industriellement. Comme il savait si bien le faire. Depuis toujours. L’homme détruisait tout autour de lui, et les quelques mots résistants n’arrivait plus en rien à juguler sa fureur autophage. Omnivore. Rapace. Cruel. L’humain était enfin lui, pleinement, défoulé et dans toute sa splendeur d’inventivité en matière de sacrifice voué au culte de la Lumière, résidant dans le Saint-Progrès. Découvreur de : Ténèbres…

Les cultes de l’humain, avaient définitivement fini de déconstruire la religion des mots. L’Esprit, lui, s’était réfugié, apeuré, dans les jupons de son bourreau-protecteur. Comme un enfant battu, dans les bras de son père maltraitant.

Durant les siècles et les siècles, les combats avaient été âpres et acharnés. Pendant des millénaires, les coups portés furent innombrables, et le sang fut versé par les uns et les autres. Mais, sur la fin, l’humain, fort de ses ruses et de ses sortilèges, bénéficiant de stratèges aux pouvoirs magiques affinés à travers les âges, et transmis secrètement de Génération en générations, avait fini par triompher. Les mots étaient maintenant réduits en esclavage.

Les ténèbres régnaient donc. Dans la boue des tranchées, ou le désert brûlant et aride, ne restaient que les larmes de quelques uns. Humains de basses extractions. Dits : masses négligeables. Les fameux : « sous-produits ». Ou : « variables d’ajustement ». « Victimes collatérales », devenues chiffres, ou statistiques démographiques. Les résidus de : « Peuple », génocidables. Les quelques rescapés, non élus. Non initiés.

La vermine. Des animaux… à en croire les dirigeants, et les généraux ; les chefs des cartels et des néo-religions du Nouvel Ordre.

Nouvel « Eon » : disaient-ils maintenant.

Le : Dernier des mots.

Y : quand ?...

(1) : @christianpichard2018

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