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Billet de blog 11 août 2011

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Les dindons de la farce

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Que d’hypocrisie !

Alors que les animateurs sont en charge de la sécurité de ce que nous avons de plus précieux : nos enfants, on ose soulever la polémique autour d'une décision de la Cour de Justice Européenne qui soulève l’amplitude de travail des animateurs. On exige d’eux, qui sont pourtant les véritables garants de la sécurité de nos enfants, de se résigner à un système archaïque construit autour du bénévolat et du volontariat, on leur demande d’être corvéables à merci et pourtant des sociétés purement commerciales investissent des millions d’euros dans des campagnes de pub afin d’appâter toujours plus de jeunes clients. On achète des fichiers clients afin de mieux cibler les envies et les tendances du moment afin de créer des séjours à thèmes. Les colonies de vacances ont rejoint l’industrie du tourisme, on part loin et pour très cher mais contrairement au tourisme pour adultes les colonies de vacances bénéficient d’un personnel bénévole qui ne dépend pas du droit du travail conventionnel.

Ce contrat a été dénoncé par l’Union Syndicale SOLIDAIRE 38

Les animateurs sont rémunérés sur la base de 2 fois le smic horaire par jour, soit 18 euros brut pour une journée de travail, sans limitation de durée.

Refuser aux animateurs le bénéfice de la directive de la Cour de Justice de l'Union Européenne qui a enjoint à la France de faire respecter un délai de onze heures de repos entre deux journées de travail au prétexte de contingences financières contestables, revient à jouer délibérément avec la sécurité de nos enfants.

Alors même que France Soir a consacré le 18 juillet dernier une page entière à une PME spécialisée dans les colonies de vacances qui prend en charge 12 000 enfants chaque été et qui revendique un chiffre d’affaires de 14 millions d’euros on vient nous dire que tout le système repose sur les animateurs ?

On occulte complètement les sacrifices demandés au personnel d’encadrement. Ledit personnel, par sa « vocation », participe activement à satisfaire les ambitions du PDG polytechnicien.

Le comble est atteint lorsqu’on retrouve ce PDG aux 14 millions de CA (pour 1 de ses sociétés seulement !) s’exprimer dans bon nombre de quotidiens (Le Figaro)

pour nous expliquer l’incidence économique qu’engendrerait l’application de la décision de la Cour Européenne de justice en matière de Contrat d’Engagement Educatif…

L’impact immédiat serait bien évidement le prix des colos !! Les enfants des familles défavorisées n’auraient plus accès aux jolies colonies de vacances !!!

Cela justifierait donc que les animateurs continuent à assumer une cadence de travail infernale, afin que les organismes puissent proposer des séjours « abordables financièrement ».

Dans Libération on peut lire :

Aujourd’hui, un animateur suit la même équipe d’enfants toute la journée. Conséquence: l'emploi du temps de ces jeunes est plutôt chargé, «de 8h30 à minuit et demi minimum, puisqu’une fois les enfants couchés, il y a des réunions pour organiser la journée suivante», raconte Jules, qui a travaillé comme animateur à Bois-le-Roi. Si le conseil d’Etat tranche en faveur d’une période de repos minimal de 11 heures, il va falloir mettre en place des roulements. Donc employer plus d’animateurs. «Est-ce que ces animateurs existent?», se demande Cédric Javault, président de Telligo, une société organisatrice de colonies de vacances. «Ce n’est pas sûr. Il faudrait 30% d’animateurs en plus!» Sans parler des problèmes de place qui s’ensuivraient. «Il faudra accueillir moins d’enfants pour pouvoir loger plus d’animateurs. Il y aura plus de salaires à payer pour moins d’enfants. C’est ce qui se passe sur le long terme à force de mettre des normes: les prix augmentent.»

On anticipe l’impact financier à venir mais on occulte complètement ce que les conditions de travail dénoncées par la Cour Européenne de Justice peuvent représenter en termes de danger pour l’enfant !

Le séjour meurtrier qui a coûté la vie de Léa et Orane, a été organisé par la SAS Cousins d’Amérique dont le président aime préciser qu’elle est « la sœur » de TELLIGO (la colo des intellos !). L'animatrice qui transportait les adolescents s'est endormie au volant à 10 h 00 du matin le samedi 22 août 2009.

Interrogée immédiatement après le drame, dans les instants où l’émotion, le choc, la culpabilité vous rendent encore honnête et franche, l’animatrice a expliqué qu'elle n'avait pas pu dormir, que le groupe s'était couché tard vers 2 h du matin et avait établi son campement à même le sol derrière une station service. L’animatrice s’est plainte que les jeunes faisaient du bruit, elle n’a pas pu dormir, elle a pris le volant épuisée… lorsqu'elle a ouvert les yeux il était trop tard... (Extrait du rapport de police). Il est vrai que sur 20 jours de voyages il n’était pas prévu de périodes de repos, 10 jours ont suffit pour parvenir au drame, peut être n’avons-nous pas eu la chance d’avoir une animatrice suffisamment endurante ?

Il est nécessaire de rappeler le coût du séjour de 2600 euros pour 20 jours. L’hébergement était en camping pour le ¾ du séjour lorsque ce n’était pas sur le bord d’une route. L’alimentation était composée essentiellement de sandwichs élaborés par les animateurs, ou de fast-food, le transport des mineurs était effectué par les animateurs, une enveloppe contenant de l’argent liquide et des traveller’s chèques a été remise à l’animatrice directrice du séjour, à elle, de se débrouiller et de gérer au mieux !

Aussi que le Président fondateur de TELLIGO, Président de Cousins d’Amérique aujourd’hui rebaptisé COUSINS puisse ne pas tirer les leçons qui s’imposent sur un sujet si sensible que l’amplitude de travail des animateurs décrédibilise tous ceux qui souhaitent faire barrage à la décision de la Cours Européenne de Justice qui représente pourtant une avancée sociale pour la profession d’animateur et surtout un gage de sécurité renforcée pour nos enfants.

Du personnel qui rappelons-le paye sa formation BAFA pour finalement travailler quasiment gratuitement.

Il faut arrêter l’hypocrisie qui tend à dire que la situation actuelle profite à nos enfants car cela est faux… le CEE permet des dérives extrêmement graves.

Pensez-vous que l’enfant soit la véritable priorité des organismes de « colos » aujourd’hui ?

On discute, parlemente, s’émeut et pourtant l’enfant est un « rejeton » que l’on cible et les parents des « géniteurs » qu’il faut convaincre et pour cela on investit des millions d’euros.

Des organismes comme celui-ci bénéficient du Contrat d’Engagement Educatif c’est une aberration incroyable !!

A la lecture de ce document on se demande qui engraisse le poisson rouge ? En revanche on ne se pose pas la question de savoir qui sont les dindons de la farce ??

Voilà ce que le CEE permet, on abuse toujours et encore… pour faire un maximum de profit. L’animateur conduit, l’animateur cuisine, l’animateur anime, l’animateur encadre, l’animateur console les enfants, rassure les parents, l’animateur soigne les bobos, gère les budgets, l’animateur peut tout faire et d’ailleurs il fait tout.. pour environ 20 euros par jour !!

Mais pour Pierre-Christophe Baguet, le député UMP à l'origine de la proposition de loi

qui permettrait aux colonies de vacances d'échapper à la législation européenne, l'urgence n'est pas aux débats de fond. Il faut d'abord «sauver les meubles», dit-il à Médiapart. «Ensuite, on pourra engager une réflexion globale.»

Pierre-Christophe Baguet est Député des Hauts-de-Seine mais également Maire de Boulogne Billancourt.

La politique du Maire de Boulogne Billancourt en faveurs des enfants de ses administrés a un coût il est compréhensible que son maire en bon gestionnaire tente de gérer au mieux son budget mais celui ci ne doit pas prendre le pas sur la sécurité des enfants or l'enjeu du repos accorder ou non aux animateurs concerne cette sécurité cela est difficilement discutable.

Que faut-il comprendre que Monsieur le Député Maire Pierre-Christophe Baguet pour satisfaire les intérêts des organisateurs ainsi que ceux de la Mairie qu'il dirige est prêt à sacrifier la sécurité des enfants ?

Les administrés sont-ils informés du vrai visage de sa proposition de loi ? Il est fort probable que non, car aucun parent ne souhaite confier son enfant si les conditions de sécurité ne sont pas optimales et au regard de l’amplitude de travail dénoncée la question ne se pose même pas…

Quelle honte qu’en 2011 on puisse se permettre de polémiquer sur un tel sujet. La sécurité d’un enfant n’a pas à être confiée à du personnel non qualifié et épuisé, le métier d’animateur doit être reconnu en tant que tel, la reconnaissance d’un métier, sa valorisation, passe par une rémunération décente et les mêmes droits que tout autre travailleur. Dès lors personne n’aura de mal à trouver des animateurs motivés pour encadrer les séjours.

Aujourd’hui nos enfants sont confiés à des gens de passage dans l’encadrement des mineurs, certains recherchent des vacances à bon compte (témoignage sur Europe 1 le 10 août 2011), d’autres mangent des grives faute de manger des merles et ceux qui ont une vraie vocation finissent pas se lasser puisque de toute façon ils ne peuvent en vivre décemment ! Chaque année voit arriver son lot d’animateurs plus ou moins jeunes, plus ou moins compétents, plus ou moins motivés, c’est une sorte de tombola…

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