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Billet de blog 14 août 2011

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Les colos un bon business ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Lettre à Mesdames et Messieurs les Députés

Assemblée Nationale
126 rue de l'Université
75355 Paris 07 SP

Objet : Proposition de loi n° 3685 ayant trait aux repos des
animateurs de colonie de vacances rapporteur Pierre-Christophe BAGUET

La sortie de route consécutive à l'assoupissement au volant d'une
animatrice conductrice qui coûta la vie de 2 adolescentes en
Californie en 2009 confirme si besoin était : la fatigue est
accidentogène.
Alors que ce drame largement commenté par les médias français et américains aurait dû inciter
les organisateurs de séjours pour mineurs à revoir les amplitudes de
travail qu'ils imposent aux animateurs, il n'en est rien, elles sont
toujours aussi indécentes que dangereuses.
Selon nos sources il n'est pas rare que les animateurs de colonies de
vacances soient contraints à des services quotidiens de 15 à 17 heures
consécutives avec cumul de fonctions autres que l'animation et l'encadrement.
Leur refuser le bénéfice de la directives de la Cour de Justice de
l'Union Européenne qui a enjoint à la France de faire respecter un
délai de onze heures de repos entre deux journées de travail au
prétexte de contingences financières contestables revient à jouer délibérément
avec la sécurité de nos enfants.
Il s'agit là d'une responsabilité, qui au cas d'accident engage tout
autant les organisateurs associatifs et commerciaux impliqués que les
pouvoirs publics, si ces derniers contre raison avaient l'imprudence
de s'exonérer de tenir compte de la décision de la Cour de Justice
Européenne.
Les parents contestent les arguments des organisateurs de séjours
1- Evoquer comme le font les organisateurs de séjours pour mineurs les
3 millions d'enfants qui ne partent pas en vacances pour justifier
leurs refus d'accorder aux animateurs qu'ils emploient un temps de
repos prévu pourtant par la directive européenne de 2003 sur le temps
de travail est un argument démagogique indigne de mouvements se
référant a l'éducation populaire
Il suffit de lire les documents publicitaires que publient ces
organismes ou visiter leurs sites pour comprendre que le public visé
n'est pas ces 3 millions d'enfants défavorisés qu'ils mettent
complaisamment en avant mais bien la minorité solvable grâce à la
prise en charge financière de tout ou partie de leur séjour par les
collectivités locales et les CE.
2-L'estimation à la « louche » d'un renchérissement de 20 à 25% du
prix du séjour au cas de respect des temps de repos est un argument
tout aussi fallacieux.
Compte tenu qu'une large partie de l'implication réel des
organisateurs sur le terrain se résume à un assemblage d'activités
produites et encadrées par des prestataires tiers ce qui grève les
budgets des organisateurs ce ne sont pas les coûts salariaux, ni les
cotisations sociales dont l'assiette est plafonné à 14 euros/jour,
mais le recours effréné à la solution de facilité qu'est la
sous-traitance.
3-Alors que le potentiel de clientèle existe, 13 millions de mineurs
sont scolarisés en France, les organisateurs de colos n'en intéressent
qu'un million et ce malgré l'effet d'aubaine que constitue les aides
au départ des collectivités locales, CE, CAF.
C'est cette incapacité à conquérir un nouveau public qui leur
permettrait de rationaliser leurs offres et l'industrialiser comme le
pratique avec succès les acteurs du tourisme social avec leurs
villages vacances qui pose problème et non l'accroissement les associations de l'éducation populaire ou les sociétés à but lucratif s vendent au même prix, ont les mêmes coûts, font les mêmes brochures attractives pour vendre leurs séjours".

Une telle similitude de contraintes conduit en toute logique au présupposé suivant "les associations de l'éducation populaire ou les sociétés à but lucratifs font les mêmes bénéfices" la seule différence entre elles réside non pas dans leurs finalités - l'obligation d'être rentable - mais dans le mode de redistribution des dits bénéfices.

Préserver sa marge ou la partager avec les personnels et les clients ?

Un principe comptable veut qu'au cas d'augmentation des coûts de production l'entrepreneur soit confronté au choix de prendre pour partie ou totalement à sa charge ces dites augmentations ou de les répercuter sur le consommateur afin de préserver sa marge.
L'action de lobbying des associations de l'éducation populaire pour que soit rejeté au prétexte de contingence financière la directive de la Cour de Justice de l'Union Européenne qui a enjoint à la France de faire respecter un délai de onze heures de repos entre deux journées de travail révèle que c'est cette seconde solution qui a leurs faveurs.
Il s'agit là d'un choix managérial et non d'une fatalité comme les éléments de langage mis en œuvre par les signataires voudraient le faire croire :
"Si ces mesures compensatoires étaient mises en œuvre, il en résulterait une augmentation de la masse salariale et les coûts devraient être répercutés sur les familles. Des séjours risquent d’être annulés dès 2011. La fréquentation des Accueils Collectifs de Mineurs (ACM) baissera et des structures fermeront les années suivantes. Les licenciements se multiplieront. L’impact sur les territoires sera important, sans compter les personnes en situation de handicap qui n’auront plus d’offres de séjours. La continuité éducative serait aussi mise à mal car il n’y aurait plus les mêmes référents pédagogiques 24h/24h".
Au vu des excellents résultats commerciaux obtenus par les organisateurs lucratifs de séjours pour mineurs, les associations de l'éducation populaire ne peuvent prétendre ne pas avoir la capacité financière d'absorber sur leurs bénéfices les charges supplémentaires que génèrerait le respect du Code du travail.
Le tableau apocalyptique qu'elles dressent n'a qu'un seul but, celui de désinformer les parents et les élus pour préserver leurs marges.

Entente tacite du secteur

Ce qui incite un producteur ou un distributeur à minorer sa marge ce n'est pas l'empathie qu'il éprouve envers ses clients, mais la pression concurrentielle qui s'exerce ou non sur son secteur d'activité.
La grande distribution est un excellent exemple de ce principe économique, les prix pratiqués ne sont pas les mêmes sur l'ensemble du territoire mais modulés en fonction de l'environnement commercial ou l'enseigne est implantée.
La dure loi du marché conduisant à une guerre de prix, compte tenu que celle-ci a pour désavantage de réduire d'autant les bénéfices de ceux qui s'y livrent, la tentation de tout producteur ou distributeur est de s'y soustraire grâce à une entente formelle ou tacite avec ses principaux concurrents.
Sylviane Halphen en affirmant que les associations de l'éducation populaire et les sociétés à but lucratif vendent au même prix, révèle que le "modèle économique commun à toutes les organisations, qu'elles aient ou non un but lucratif" est la non concurrence.
Dans une économie libérale ou tout secteur confondu le prix est un argument majeur de vente sinon l'unique, cette indifférenciation tarifaire malgré des charges structurelles différentes laisse supposer une entente tarifaire tacite entre les associations de l'éducation populaire et les sociétés à but lucratif.
Une entente qui se ferait au détriment des souscripteurs des séjours pour mineurs - collectivité locale, collectivité territoriale, CE, CAF, parents - et par voie de conséquence au détriment des enfants et notamment les 3 millions qui ne partent pas en vacances.

La cherté des colos n'est pas une fatalité

Sauf à mettre en œuvre une politique familiale rendant le droit aux vacances des enfants obligatoire qui n'est d'actualité dans aucun programme des partis de gouvernement, le concept de vacances pour tous est une utopie.
Par contre il est parfaitement possible de baisser le prix de la journée de séjours qui se situe à environ 63 euros de moyenne hors transport, alors que dans le tourisme adulte avec des prestations hôtelières supérieures et une restauration plus élaborée le prix de la pension complète se situe dans la fourchette des 35 à 40 euros.
Pour se faire il faudrait comme dans le tourisme social faire des économies d'échelle qui permettraient d'en réduire les coûts.
Malheureusement, alors qu'existe un gisement de clientèle - les 13 millions de mineurs scolarisés dont 5 millions d'entre eux fréquentent déjà les centre aérés - les offres des organisateurs de colonies de vacances secteurs associatif et commercial confondus n'en intéressent qu'un million et ce malgré l'effet d'aubaine que constitue pour les parents les aides au départ.
Notre expertise en matière de tourisme nous conduit à dire que les colonies de vacances ne sont pas menacées par l'accroissement des coûts salariaux qu'induirait le respect par la France de la directive de la Cour de Justice de l'Union Européenne mais par l'incapacité des organisateurs à conquérir un nouveau public qui seul leur permettrait de rationaliser leurs offres, les rendre plus compétitives et attractives au bénéfice du plus grand nombre.

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