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Billet de blog 1 décembre 2025

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CONFÉRENCE A BRUXELLES APPELLE A DÉFENDRE LA CRÉDIBILITÉ DE LA FINANCE DURABLE

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Lors d’une conférence sur la finance éthique en Europe organisée lundi (1er décembre) au Parlement européen, la vice-présidente de Banca Etica, Federica Ielasi, a alerté sur la perte de crédibilité de la finance durable. Elle a dénoncé l’affaiblissement par l’UE des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), une évolution qui pourrait permettre d’inclure la production d’armes parmi les activités considérées comme durables.

« C’est une dérive dangereuse qui remet en cause tout ce que nous avons construit jusqu’à présent. La finance éthique exige des règles claires et une taxonomie intégrant la protection de l’environnement, l’égalité sociale et la paix », a-t-elle averti. « Ce n’est pas une question morale. Il en va de l’efficacité et de la confiance des citoyens dans les marchés financiers. »

Se référant au 8e Rapport sur la finance éthique en Europe, Capital for Common Good, présenté lors de la conférence, Ielasi a souligné que « le taux de survie des entreprises sociales soutenues par les banques éthiques dépasse 90 %, ce qui montre que les relations, la proximité et la connaissance du contexte local améliorent la qualité du crédit ».
« C’est un message politique puissant », a-t-elle poursuivi. « La stabilité du système financier ne dépend pas seulement de la taille, mais aussi du lien avec les communautés. C’est pourquoi nous devons construire des instruments plus évolutifs, orientés vers le bien commun. Ce n’est qu’ainsi que 2026–2027 deviendront une opportunité politique pour rendre l’Europe plus juste, plus inclusive et plus crédible. »

L’auteur du rapport, Mauro Meggiolaro, a rappelé que l’économie sociale en Europe représente un poids comparable à celui de l’ensemble du secteur automobile, avec « 4,3 millions d’organisations, un chiffre d’affaires de 913 milliards d’euros et 11,5 millions d’employés, soit environ 6,3 % de la main-d’œuvre ».

Selon le rapport, 72 % des prêts accordés par les banques éthiques ont un impact positif sur l’environnement — soutien à l’économie circulaire, gestion des déchets, agriculture biologique, régénération urbaine — et sur le plan social : financement du tiers secteur, initiatives d’inclusion, logement social, coopération internationale, entrepreneuriat féminin, innovation, microcrédits pour les familles ou les entreprises. Pour les grandes banques, cette part atteint seulement 19 %.

Meggiolaro a également souligné que les banques éthiques accordent proportionnellement plus de crédits que les banques traditionnelles, tout en affichant un taux de prêts non performants plus faible et un rendement des actifs plus élevé. « Ces chiffres montrent que la finance éthique n’est pas seulement socialement responsable, mais aussi financièrement solide », a-t-il affirmé.

Il a rappelé que 93 % des prêts des banques éthiques vont à des micro-entreprises, souvent exclues du crédit traditionnel car jugées risquées, et a insisté sur le fait que ces institutions appliquent des critères plus stricts concernant les investissements dans l’armement, les combustibles fossiles ou les entreprises violant les droits humains.

Pour Maria Elejalde Elcuaz, représentante du groupe de travail jeunesse de la FEBEA, les jeunes s’intéressent de plus en plus à la finance éthique car elle « propose un système financier plus égalitaire, plus féministe et davantage centré sur les personnes et la planète ». Elle a cité des exemples tels que l’investissement dans le sport féminin ou l’ouverture d’agences sur de petites îles méditerranéennes délaissées par les banques traditionnelles.

À un moment où les exigences en matière de durabilité sont affaiblies, la finance éthique demeure intransigeante, a déclaré Peru Sasia, président de la FEBEA. « La paix, la cohésion sociale et la transition écologique doivent rester au cœur des politiques européennes. Car la finance n’est pas neutre. Nous pouvons soit nourrir les conflits et les inégalités, soit encourager une résilience inclusive et l’espoir. Et la finance éthique choisit la seconde voie. »
Il a ajouté : « La finance éthique protège l’espace où l’argent devient un levier de justice, et non de domination. Cet espace est aujourd’hui menacé par des récits qui subordonnent la durabilité à la sécurité. Nous rejetons cette logique. On ne construit pas la durabilité sur la militarisation. »

Dans ses remarques finales, la députée européenne Maravillas Abadía Jover, coprésidente de l’Intergroupe Économie sociale, a souligné que « la finance éthique n’est pas marginale, mais constitue un pilier solide et en croissance de notre économie européenne, en orientant les ressources vers les besoins essentiels de l’Europe : micro-entreprises, coopératives, mutuelles, associations, fondations — des acteurs qui créent une véritable valeur pour la société ».

Elle a insisté sur la convergence profonde entre finance éthique et économie sociale : « Elles ont le même ADN, la même proximité avec les communautés, la même conviction de la valeur à long terme, la même culture de l’écoute, de la responsabilité et de la confiance. Ce n’est pas seulement une relation entre un prestataire financier et un client. C’est une mission partagée, une reconnaissance mutuelle, un enrichissement réciproque et un agenda commun pour l’Europe, à un moment où notre continent fait face à de grands défis, comme le logement ou la compétitivité. »

Selon la députée, la finance éthique « comprend finement les réalités locales » et est particulièrement bien placée pour soutenir des projets de logement abordable, « afin que personne ne soit laissé de côté ». Elle a ajouté : « Si nous voulons une Europe compétitive, nous avons besoin d’une base solide en compétences, en durabilité et en cohésion sociale. La finance éthique contribue à tout cela en investissant non seulement dans des rendements financiers, mais aussi sociaux — exactement le type de compétitivité dont l’Europe a besoin pour son avenir. »

Constatant que la définition même de la finance durable se dilue, elle a conclu : « La finance éthique nous rappelle que la cohésion sociale n’est pas facultative, mais le véritable socle d’une économie durable. Une autre manière de faire de la banque est possible : une banque plus proche des gens, qui écoute, qui crée la confiance et qui investit dans le bien commun. L’Europe en a plus que jamais besoin. »

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