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Billet de blog 7 août 2025

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L'Arabie saoudite accueille le plus grand marché de faucons au monde

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Sous le ciel brûlant d’août, les caisses silencieuses ont commencé à s’accumuler sur le tarmac de l’aéroport international King Khalid à Riyad. À l’intérieur, des passagers de prestige : plus de cent faucons, venus d’Europe et d’Amérique du Nord, convoyés dans un ballet logistique minutieusement orchestré par le Club des Faucons Saoudiens.

Du 5 au 25 août, le Royaume d’Arabie saoudite accueille la nouvelle édition de ce qu’il qualifie volontiers comme le plus grand marché de faucons au monde : l’International Falcon Production Auction 2025. Un événement au croisement du patrimoine, du prestige et du positionnement géopolitique.

Parmi les premiers arrivés : 58 faucons de l’élevage canadien de John Lagun, incluant des Gyr falcons de race pure — une espèce aussi prisée que fragile. S’ajoutent à cela 28 oiseaux venus d’Autriche (élevage Jürgen Silber) et 14 autres de la ferme tchèque BG Falcons. Transportés par des vols affrétés spécialement pour eux, ces rapaces sont immédiatement transférés à Malham, dans un centre dédié, où les attendent vétérinaires et experts.

Le Club saoudien veille à chaque détail. Un protocole strict est appliqué à l’arrivée : bilans de santé, acclimatation, environnement contrôlé. L’objectif : garantir la « stabilité » des oiseaux avant leur mise aux enchères. Mais derrière ce discours technique se dessine un projet politique plus vaste.

Car en Arabie saoudite, la fauconnerie n’est pas une simple tradition. Elle est instrumentalisée comme un levier d’influence, un outil diplomatique ancré dans une vision d’“affirmation culturelle” façonnée par la stratégie Vision 2030 du prince héritier Mohammed ben Salmane. L’animal devient symbole — à la fois de puissance ancestrale et de modernité contrôlée.

Ce marché mondial, où l’on ne parle pas seulement de conservation mais de génétique, de traçabilité et de performance, reflète une nouvelle économie de la tradition. On y achète des lignées comme on collectionne des œuvres rares, dans une mise en scène parfaitement calibrée.

Dans les jours à venir, d’autres élevages rejoindront le royaume. Le message est clair : Riyad veut s’imposer non seulement comme capitale du Golfe, mais comme carrefour mondial de la fauconnerie. Une vitrine de prestige dans laquelle les oiseaux — jadis compagnons de chasse dans le désert — sont désormais vecteurs d’image, d’influence, et de diplomatie douce.

Mais à quel prix ? Car si la tradition est invoquée, l’enjeu est aussi écologique, économique et éthique. Le monde de la fauconnerie, en pleine mutation, devient le théâtre d’un récit plus large : celui d’un pouvoir qui, pour se réinventer, instrumentalise jusqu’au symbole le plus noble du vent et du ciel.

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