Année charnière pour le Festival de Locarno, vivier depuis une dizaine d'années de certaines des découvertes et des consécrations les plus réjouissantes de la cinéphilie internationale: le départ pour la Berlinale du directeur artistique Carlo Chatrian et de son équipe de programmation (notamment Mark Peranson, rédacteur en chef de l'indispensable revue canadienne Cinema Scope) et son remplacement par Lili Hinstin, précédemment aux Entrevues de Belfort, marque un seuil. La fin d'une époque et le début d'une autre, avec tout ce que cela implique : la nouvelle équipe doit relancer la machine et renouveller les orientations, mais aussi faire ses preuves face à un public exigeant. L'exercice est d'autant plus difficile que ce n'est sans doute que l'an prochain, une fois la presse et les sponsors rassurés, que cette équipe pourra donner une meilleure mesure de son talent. Évaluer ce travail relève donc de la prospective autant que de l'analyse : les pistes ouvertes cette année seront-elles fertiles à terme, quels que soient les résultats immédiats ? Autrement dit, que donnent donc les films, à mi-chemin du parcours?
Même s'il est d'usage qu'un festival ne grille pas ses meilleures cartouches au début, force est de constater que le résultat est pour l'instant décevant, même si nombre de films passionnants ont pu être vus. La compétition, surtout, pêche par une remarquable faiblesse : Douze Mille joue sur le registre de la fantaisie sociale mais oublie que la condition sine qua non d'un bon fantastique est un ancrage rigoureux dans le réel, et agite donc ses deux personnages dans un monde de la précarité dont ils ignorent manifestement tout ; A Girl Missing se veut un drame familial sur l'hystérie médiatique au Japon et se perd dans des effets de manche inutiles à base de sautes spatio-temporelles censées communiquer une intériorité troublée ; Fi al-thawra (During Revolution) présente un intérêt historique, dessinant l'arc de la révolution syrienne depuis l'espoir jusqu'à la discorde, mais s'écroule, comme tant d'autres films sur les printemps arabes, sous l'idée que filmer les événements suffit à construire un regard, et que les mettre bout à bout suffit à construire un récit historique.

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Le constat devient l'expression d'une réelle frustration devant le demi-succès que représente Terminal Sud, de Rabah Ameur-Zaïmèche, pourtant un des meilleurs cinéastes français des dernières années, qui livre ici un condensé théoriquement pur de ses thèmes de prédilection : la violence de l'État face à la communauté et à l'individu, la solidarité des marges permettant seule d'y faire face. Terminal Sud suit un médecin dans un pays imaginaire, relevant en partie de la France (Marseille et ses environs) et en partie de l'Algérie (l'arabe, l'héritage de la lutte pour la décolonisation, les milices armées des années 1990...). La police s'y comporte en toute impunité comme une milice para-militaire, tandis qu'une guérilla armée tente sans grand succès de s'y opposer. Assassinats de journalistes et enlèvements s'y succèdent et la vie du médecin se décompose sous les coups de boutoir du réel. Obligé sous menace de mort de soigner un des leaders de la guérilla, il est arrêté et se voit torturé dans une cave par un officier de police français, dans un face-à-face qui forme le coeur de film et sa raison d'être la plus évidente. Seule la solidarité d'un contrebandier et d'un de ses amis lui permettra de se munir de faux papiers et de s'embarquer à bord d'un bateau lui permettant de fuir le pays.
L'expérience est décevante pour qui a vibré aux films précédents d'Ameur-Zaïmèche, dont la force a souvent été de dépeindre les moments de flottement, de liberté et de solidarité qui liaient ses différents personnages, ce qui donnait d'autant plus de poids aux irruptions de violence étatique dans leur univers. Ici, le film se vide par la préférence accordée à la métaphore politique aux dépens de l'expérience spécifique. RAZ, à vouloir généraliser son propos, le vide de toute substance, et fait de chaque situation un symbole plutôt qu'une expérience concrète. Plus aucun des personnages n'existe autrement que comme fonction : le médecin voit son beau-frère mourir sous ses yeux et sa femme le quitter sans qu'aucun de ces événements ne semble avoir la moindre incidence sur sa vie. Le spectateur n'en ressentira pas grand-chose de plus, puisque ces personnages n'existent que pour marquer un palier dans la descente aux enfers du personnage : son beau-frère pour mourir, sa femme pour se faire réconforter puis le quitter. Loin donc du partage d'une situation d'oppression, serait-elle imaginaire, le film se rapproche plus de l'exécution d'un programme. D'où sa part d'échec inévitable : en l'absence de l'étincelle d'incarnation qui nous permettrait de voir à l'écran non pas un médecin-symbole mais un médecin spécifique, seule subsiste la part métaphorique du récit. Malheureusement, on tremble ou on rêve toujours moins pour une métaphore que pour un être humain.

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Pour l'instant, seul Das freiwillige Jahr d'Ulrich Köhler aura donc su créer sa propre dynamique, modeste certes, mais capable d'accomplir les objectifs qu'il se donne : une comédie dramatique familiale dressant le portrait d'un père dont la bienveillance dynamique se révèle névrose du contrôle et incapacité d'empathie. Alors que sa fille s'apprête à partir en année sabbatique, un concours de circonstances empêche Urs de la conduire à l'aéroport et l'oblige à la laisser entre les mains de son petit copain, dont la présence lui donnera au final envie de rester sur place. Le film suit alors les conséquences de cet avion non pris, entre fugue amoureuse et mise à jour des conflits familiaux (entre Urs et son frère ou son amante aussi bien que sa fille). La maîtrise de Köhler s'exprime non seulement dans l'enchaînement des situations, d'une logique implacable dans le dérèglement grandissant, mais aussi et surtout dans sa capacité à révéler au détour d'un geste ou, le plus souvent, d'une remarque, le ressort pulsionnel qui vient contredire les beaux discours du personnage. Ici aussi, il est question de programme : Urs tient absolument à accomplir le sien, et se retrouve confronté au fait que ceux qu'il prétend protéger ou guider apprennent désormais à affirmer le leur. Nul chef-d'oeuvre ici – Ulrich Köhler n'est pas Maren Ade – mais la destruction réussie d'un système et d'une fiction de soi qui le soutenait.
Rendez-vous obligatoire de Locarno, la rétrospective est cette année consacrée à un thème aux contours flous, Black Light, qui vise à étendre une première définition de « cinéma noir » au-delà de l'idée de présence noire à l'écran. L'expérience en est étrange : le manque de précision de l'objet (ni cinéma africain, ni cinéma noir-américain, ni cinéastes noirs puisque nombre d'entre eux sont blancs...) empêche toute vision cohérente et unifiée, et semble justement tirer une certaine force du fait que les critères de sélection soient plutôt relâchés. Tant pis pour les définitions précises: nombre des films choisis sont excellents, et la rétrospective a d'ores et déjà permis plusieurs redécouvertes clés.

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Ainsi de Putney Swope (1969), de Robert Downey. Satire de la publicité, le film suit le personnage éponyme, seul membre noir du comité d'administration d'un consortium de relations publiques qui, à la suite d'un concours de circonstances loufoques, en est élu PDG et qui décide promptement de virer tous les employés blancs, d'engager tout ce que la contre-culture noire de l'époque peut comprendre de représentants, et de couler la boîte de la manière la plus spectaculaire possible. Downey filme dans un noir et blanc qui est celui de toutes les nouvelles vagues de l'époque, avec des focales grand-angle qui dilatent l'espace architectural neutre des bureaux d'affaire. Le film entier est construit autour d'un mélange d'humours juif et noir-américain au cynisme affiché (Putney Swope obtient un contrat avec le président des États-Unis, un nain conseillé par un ancien nazi), dont les deux éléments clés sont le running gag qui répète sous toutes sortes de variations la même situation et la remarque cassante à l'humour outrageant (« Sonny Rollins a été arrêté dans une chambre d'hôtel en compagnie d'une fille de treize ans. – Au moins il n'est pas superstitieux... »). Le ton y est grinçant, résolument anarchiste, sans pitié à l'égard de toutes les autorités constituées, politiques comme commerciales (quelques-unes des monstrueux spots crées par l'agence de Swope sont insérés dans le film, seuls passages en couleur soulignant par exagération la bêtise crasse des principes publicitaires qui demeurent reconnaissables aujourd'hui). Cerise sur le gâteau : l'acteur jouant Swope est doublé par Downey lui-même, son accent juif new-yorkais créant une dissonance cognitive permanente qui achève de couronner l'importance de la tchatche et l'autonomie de la réplique cinglante dans l'économie du film.
Il faut ici saluer le geste que constitue cette inclusion au sein de la rétrospective de ce film : selon les analyses de la théorie filmique en vigueur, il n'est pas difficile de faire la critique politique de Putney Swope. La voix du réalisateur blanc se substitue à celle du personnage noir et l'empêche donc de parler avec sa propre voix : l'affaire est close. De plus, les mouvements de libération noir-américains sont allègrement parodiés dans le film, et l'équipe noire, si on veut lui accorder une signification politique, est plus un principe d'anarchie qu'une contre-société positive. C'est oublier que le Comité d'Administration classique constitué de blancs, montré dans la première scène, s'en sort à peine mieux. Mais surtout, c'est admettre que la politique de la représentation n'épuise pas la richesse de ce sujet aux contours flous qu'est « le corps noir à l'écran ». Putney Swope serait impossible à réaliser aujourd'hui, mais marque un moment où un cinéaste blanc juif peut faire appel à l'humour noir-américain dans le but de démonter la culture capitaliste dominante et son corollaire idéologique qu'est la publicité, car il voit dans cet humour une vitalité qui fait de lui un allié. Loin de toute stérile volonté de proposer une « contre-représentation positive » du corps noir à l'écran, la projection de Putney Swope permettait d'affirmer que la rétrospective brasserait large, et sur des critères esthétiques.

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Non pas que les ambitions politiques s'inscrivant clairement dans les luttes anti-racistes ou anti-coloniales aient été absentes de la rétrospective. Ainsi du West Indies de Med Hondo, qui traite sur le mode allégorique de la colonisation française dans les Antilles, et de la répression qu'y subit la population noire jusqu'au moment de la réalisations du film (en 1979, sous Giscard dont la tête orne plusieurs posters aperçus dans le film). Med Hondo y adapte une pièce de Daniel Boukman, Les Négriers, en accentuant volontairement la dimension théâtrale, musicale, et chorégraphique de son film pour fournir une folle comédie musicale brechtienne sur l'histoire des ravages du colonialisme. Le film se déroule dans un décor en bois représentant un vaisseau négrier, dont les étages représentent les différentes strates de la société : les représentants de l'état français, leurs alliés locaux, les bas-fonds exploités. La trame principale suit une tentative du gouvernement français de neutraliser un mouvement indépendantiste en vidant les Antilles de leur population partie travailler en France, mais ce n'est là qu'un fil rouge duquel partent plusieurs tangentes, retraçant en chansons et en chorégraphies fourmillantes l'histoire des vaisseaux négriers, de la conquête des Antilles, ou du racisme auquel font face les Antillais partis en France. Le film vaut avant tout pour son énergie débordante : la caméra longe les groupes dansant aux couleurs bariolées ou isole les représentants implacables de l'État français et leurs affidés, tandis que la musique vient sans cesse relancer l'activité à l'écran et les affrontements entre les différents groupes. Si l'ensemble n'atteint pas tout à fait au chef-d'oeuvre, c'est sans doute que Med Hondo se limite à filmer les groupes en activité sans utiliser sa caméra pour isoler ou opposer les espaces, comme avait par exemple su le faire Miklos Jancso dans cet exemple indépassable de l'allégorie politique musicale qu'est Ah, ça ira ! Hondo filme principalement frontalement, s'exprime sur le mode du foisonnement plutôt que sur celui de l'analyse : il perd en précision et en force de la mise en scène ce qu'il gagne en énergie et en enthousiasme.
Tout autre est le projet de Sara Gomez dans De Cierta Mañera (1977), film essentiel du cinéma cubain qui reste bien plus connu que vu. Ici, le corps noir n'est pas problématisé en tant que telle, société métissée oblige : à aucun moment la race ne fait débat, seule compte la classe, et si le programmateur Greg de Cuir affirme avoir voulu projeter le premier film réalisé sur le continent américain par une réalisatrice noire, c'est aussi au risque de plaquer sur cette oeuvre une grille qui n'est pas la sienne. Peu importe : De Cierta Mañera est une des oeuvres les plus toniques et les plus fortes de la rétrospective. C'est l'unique long métrage de Sara Gomez, qui dut batailler pour le faire financer par la prestigieuse école de cinéma cubaine ICAIC encore fortement dominée par des hommes, et qui mourut au moment du mixage son. Elle y suit la relation qui se construit entre Mario, issu des bidons-villes et de la culture de la rue qui y régnait, mais désormais en pleine intégration sociale grâce aux acquis de la révolution, et Yolanda, prof venue enseigner dans les quartiers résidentiels qu'a construit le gouvernement pour loger les habitants des bidons-villes

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Le film mêle allègrement plusieurs registres : des séquences documentaires viennent interrompre le récit pour donner des informations sociologiques ou historiques sur l'environnement urbain ou les personnages, une voix off vient différencier les personnages fictifs de ceux qui existent réellement, des séquences montrent Yolanda au travail, apprenant à faire face au contexte défavorisé de ses élèves et à naviguer les nouvelles institutions qui tentent de remédier à leurs problèmes, d'autres montrent Mario dans son rôle de chef de brigade de travail... Les images d'Épinal du cinéma révolutionnaire s'attardent sur le moment de l'insurrection. Le sujet du film de Gomez est autre : le dépassement de l'ancienne société par la nouvelle une fois le pouvoir pris, le travail qu'implique la construction de structures visant au progrès historique, les tensions entre code moral nouveau issu de la révolution et code moral ancien correspondant à la culture masculine de la rue dans les bidons-villes. Mêlant l'intime et le collectif ou, mieux encore, montrant leur imbrication dans une société en plein chamboulement, Sara Gomez livre avec De Cierta Mañera un film qui a l'honnêteté de concevoir la révolution dans le travail qu'elle implique dans la longueur : sans doute un des rares films authentiquement révolutionnaires qui soit.

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On le voit, la Compétition Internationale aura pêché en comparaison avec la rétrospective. Si tout n'est pas perdu pour le cinéma contemporain, c'est dans d'autres sections qu'il aura fallu aller chercher les pépites qui brillaient dans les salles sombres cette année. Ainsi, c'est hors-compétition qu'a été projeté le court-métrage De una isla de José Luis Guerín, plus grand cinéaste espagnol en activité, dont le dernier long métrage, L'Académie des muses, avait été projeté à Locarno en 2015 avant d'avoir droit à une sortie parisienne confidentielle. De una isla dresse le portrait de l'île de Lanzarote à la manière d'un film muet. Les plans d'ouverture, montrant les vagues, renvoient à la fascination de tout un pan du cinéma muet français (Jean Epstein, Dimitri Kirsanoff) pour l'eau mouvante, mais le choix des sous-titres plutôt que des intertitres pour raconter l'histoire de l'île et de sa colonisation vient clarifier le projet de Guerin. Là où des intertitres accentueraient l'effet de pastiche du muet, ils interrompraient aussi le flux des images ; pour Guerin, il ne s'agit donc pas d'imiter une période du cinéma mais de l'utiliser comme registre, comme forme la plus appropriée à son propos : le filmage de forces (et de formes) naturelles telluriques, dont l'humain est presque entièrement absent, et dont les changements d'échelle ou la fluidité (l'eau, la vapeur, le sable) permettent une infinie permutation du regard. C'est seulement à la fin que ce qui pourrait être l'étincelle d'inspiration du film apparaît : une oeuvre d'un artiste de Lanzarote qui reconfigure le paysage volcanique comme fluidité entre l'espace extérieur et l'espace domestique. Le film de Guerín mène tout entier à cette oeuvre, dont il semble construire grâce aux moyens propres du cinéma les antécédents visuels: la formation d'un paysage, d'une plastique des éléments et des formes changeantes. En vingt-six minutes de noir et blanc accompagnées au piano par Béla Bartók, il enfonçait tous les films de la Compétition Internationale.
Et c'est aussi dans une section parallèle, la section Cineasti del presente consacrée aux premier, deuxième, ou troisième films de jeunes réalisateurs, qu'était projeté 143 rue du désert, de l'algérien Hassen Ferhani. Son précédent film, Dans ma tête un rond-point, avait été primé au FIDMarseille avant d'avoir droit à une sortie parisienne, et suivait le quotidien de jeunes travailleurs algériens dans les abattoirs d'Alger. Ferhani y filmait non pas les bêtes ou la viande mais les hommes, trouvant une temporalité qui permettait à ses sujets de se livrer graduellement, et construisait des cadres précisément composés mais ouverts, lui permettant toujours d'accueillir un imprévu qui relevait parfois de l'alignement des astres. Les réalisateurs font leur deuxième film contre le premier, c'est bien connu : au centre d'Alger succède le désert, aux jeunes hommes succède une vieille dame, au travail de nuit succède le jour, au rouge des abattoirs succède le bleu. Dans 143, rue du désert, Ferhani filme la bicoque de Malika, vieille Algérienne venue tenir un relais au bord de la Nationale Une qui va d'Alger au Niger. Ferhani la cadre seule ou avec les camionneurs ou voyageurs qu'elle accueille, recueille leurs conversations ainsi que ses moments de silence, et reste dans un premier temps à l'intérieur, ne filmant les gens qui arrivent ou qui repartent que dans le cadre de la porte. La lumière du désert, atténuée par le bleu pâle des murs, devient un dégradé apaisant, et une torpeur légère en vient à rythmer le film. Mais dans le temps qui passe, les rencontres se font plus surprenantes : un homme improvise un sketch avec Malika, faisant d'elle sa mère qui doit la tirer de prison ; un imam tente de faire la conversation et s'attire les commentaires assassins de Malika une fois parti ; un groupe de musique improvise un concert ; de l'autre côté de la rue se construit une station service dont Malika craint qu'elle lui prendra sa clientèle...
La portée politique du film semble moins évidente que celle du précédent, dont les ouvriers discutaient des printemps arabes, des opportunités en France ou de flux migratoires. Mais dans les portraits des routiers se forme petit à petit un aperçu en mosaïque de l'Algérie contemporaine ; et dans les réactions de Malika à l'imam, ou à la lecture d'un journal par un des hommes qui s'arrête chez elle (« Je m'en fiche qu'ils me donnent des droits, je suis autonome ! »), pointe la méfiance toujours renouvellée du peuple vis-à-vis du pouvoir sous toutes ses formes. Dans une séquence clé, Malika semble se livrer sur son passé, avant d'accuser son interlocuteur d'avoir menti, et lui affirmer avoir menti elle-même ; dans ce volte-face déroutant se livre toute la problématique du film, du rapport du cinéma documentaire à la vérité, acceptée initialement mais indécidable une fois mise en doute. Ce qui importe cependant est moins la réalité des confessions que celle que capte la caméra de Ferhani : celle d'interactions sociales bigarrées, de trajectoires qui se croisent, de temps qui passent dans l'échange, l'écoute, ou l'attente. Ferhani travaille la petite forme plutôt que la grande, l'intime plutôt que l'épique ; mais ses films contiennent des mondes. Voilà, à la mi-chemin du festival, où est le cinéma à Locarno.

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