nathan_guedj (avatar)

nathan_guedj

Militant écologiste

Abonné·e de Mediapart

9 Billets

1 Éditions

Billet de blog 20 juin 2024

nathan_guedj (avatar)

nathan_guedj

Militant écologiste

Abonné·e de Mediapart

Antisémitisme et (nouveau) Front Populaire

nathan_guedj (avatar)

nathan_guedj

Militant écologiste

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis bientôt 6 ans, c'est à dire depuis mes 18 ans, je chemine aux côtés et au sein de l'écologie politique. J'ai été de toutes les campagnes, autonomes comme unitaires, et j'en suis encore ces semaines ci pour faire gagner le Nouveau Front Populaire.

Celles et ceux qui me connaissent le savent, je suis aussi intimement attaché à la lutte contre l'antisémitisme, sans compromis ni compromission. D'abord, parce que juif, et donc victime de ce racisme encore, puisqu'il faut malheureusement le répéter, bien présent dans toutes les sphères et tout les pans de la société française. Ensuite, parce que sensible et sensibilisé aux questions antiracistes, j'ai dû depuis quelques années me confronter à la pauvreté doctrinaire et idéologique des écologistes et plus globalement des forces de gauche sur la question. Avec des camarades, dont plusieurs fatiguées de mener cette lutte trop seules ont fini par lâcher, nous sommes depuis quelques années au travail pour que nos partis dépassent les bonnes intentions et les slogans et luttent de manière conséquente et précise contre ce fléau.

Depuis l'annonce du (nouveau) Front Populaire, même si en réalité ce petit bruit on l'entendait déjà avant, pas un tractage, pas une discussion de groupe ne peut se tenir sans qu'on me questionne sur la question de l'antisémitisme, surtout et avant tout de la France Insoumise. Je refuse de considérer que cette question est illégitime et sans fondement. Cela serait bien trop facile et cela serait parfaitement inconséquent. Plus encore, je comprends l'émoi de nombreuses personnes, alors que des personnalités insoumises comme Jean-Luc Mélenchon ont multiplié depuis quelques années les sorties tapageuses à caractère plus ou moins ouvertement antisémites. Cette séquence du Front Populaire me persuade, d'ailleurs, d'une chose : on ne résoudra pas cette "crise de confiance" sur la question de l'antisémitisme en mentant aux juives et juifs de France, ni même aux citoyennes et citoyens qui font de cette question une ligne rouge. On ne résoudra rien en agitant le chiffon du "c'est pire le FN/RN" ou plus pitoyable encore du "Darmanin a dit une fois un truc vaguement antisémite". Il y a besoin de vérité, de transparence, de sincérité. Il faut crever l'abcès, dire les choses. Les choses, parce qu'en réalité il y a bien différentes vérités à dire, qui loin de se soustraire s'additionnent et qu'on doit dire conjointement sans en oublier aucune, au risque d'instrumentaliser cette lutte si fondamentale.

1/ La gauche n'a jamais été particulièrement à l'avant garde du combat contre l'antisémitisme, elle n'a jamais été, non plus, le camp des antisémites les plus virulents ou politiques (Drumont...). Toute la gauche n'était pas dreyfusarde, la citoyenneté des juifs d'Algérie n'allait pas de soit, la Résistance comptait non seulement des antisémites mais aussi de nombreuses personnes pas particulièrement de gauches. La France Insoumise n'est pas un épisode malheureux de l'Histoire de la gauche : elle s'inscrit dans une Histoire complexe du rapport de la gauche/des gauches à l'antisémitisme.

2/ Toutes les forces politiques du nouveau Front Populaire sont concernées par un problème, plus ou moins grave et plus ou moins visible, d'antisémitisme, y compris la mienne. Tout simplement parce que ce problème traverse la société entière. De la même façon pour les violences sexistes ou sexuelles, les ambitions personnelles dévorantes ou la cupidité financière, il n'y a aucune raison que l'on soit immunisés de fléaux structurels et peut être même structurants de notre société.

3/ Le traitement politique de la question de l'antisémitisme est indigent sur l'ensemble du spectre politique. Si l'on dépasse l'écume du débat politique, les slogans, les tweets, les hashtags... quelles sont les propositions concrètes mises sur la table ? En réalité, ni les macronistes, ni LR, ni personne n'a sérieusement travaillé la question. Il faut à ce titre saluer les premières propositions dans le programme du nouveau Front Populaire.

4/ L'antisémitisme aujourd'hui n'est pas exclusivement ou principalement le fruit de l'extrême-droite. Il a infusé dans l'ensemble de la société et en particulier dans certaines communautés issues de l'immigration, notamment celles ayant vécu la décolonisation de manière conflictuelle avec les juifs indigènes. Cela ne veut pas dire que les arabes/les musulmans sont des antisémites, cela veut simplement dire que les gens que vous voyez dans la rue, qui qu'ils soient, le sont sans doute un peu, et qu'il semble selon les rares études à disposition plus virulents chez des groupes sociaux vivant de manière intime les enjeux de (dé)colonisation. Il faut, d'ailleurs, aussi dire que l'islamophobie est particulièrement implantée dans les communautés juives françaises, en raison, notamment, aussi de la conflictualité née de la décolonisation de l'Afrique du nord et d'une partie du monde arabe.

5/ Une partie de la gauche française, et plus généralement occidentale, a sombré moralement et intellectuellement en faisant le choix conscient et réfléchi d'abandonner la lutte contre l'antisémitisme, notamment en considérant que cela était incompatible avec la lutte contre l'islamophobie ou d'autres formes de racisme. J'ai vu et entendu des responsables politique faire ce choix et exprimer clairement qu'il fallait la mettre en veilleuse pour gagner des voix dans les quartiers. Comme si, les habitants des quartiers étaient incapables d'entendre articuler lutte contre l'islamophobie/la négrophobie et la ségrégation dont ils sont victimes et lutte contre l'antisémitisme.

Poser ces cinq constats permet, je crois, de dépassionner le débat et l'analyse. La question ne débute ni ne finira à Mélenchon ou à son mouvement politique. Elle est bien plus globale, plus ancienne, que cela. Poser ces cinq constats permet, aussi, je crois d'avancer vers des solutions.

Il faut, d'abord, saluer le réveil d'une partie des sphères juives autour d'initiatives extrêmement salutaires comme celle de GOLEM. Il faut, ensuite, saluer le retour dans le débat public d'une social-démocratie clairement républicaine tout en étant clairement de gauche, à la manière de personnalités comme Jérôme Guedj, Ariel Weil... Enfin, il faut saluer la prise de conscience, je crois progressive, de nouvelles voix, qu'elles viennent de l'écologie politique comme Sandrine Rousseau ou Yannick Jadot ou d'une partie des insoumis à l'insoumission comme Raquel Garrido.

Une gauche antiraciste partout et tout le temps, pour les juifs, les arabes, les noirs, les rroms, les asiatiques... est possible. Elle se reconstruit sous nos yeux. Il faut voter et faire voter pour ces dizaines, peut être centaines, de candidates et candidats du Front Populaire qui affrontent cette question avec clarté et lucidité, parfois et même souvent dans l'adversité de leur camp, de leurs amis. Il y a aussi des dizaines de candidates et candidats pour lesquels jamais je ne glisserai un bulletin dans l'urne et qui me font honte. Et alors ? Le Nouveau Front Populaire n'est pas parfait ? Quelle nouvelle bouleversante !

Personne, ou en tout cas certainement pas moi, ne vous demande de vous compromettre. Je ne le ferais moi même pas. Il s'agit au contraire d'un appel au combat : vous qui croyez aux valeurs de la gauche, à la transformation sociale, à la transition écologique, n'abandonnez pas le nouveau Front Populaire à celles et ceux qui jouent avec le feu ou théorisent le conflit lutte contre l'antisémitisme vs lutte contre l'islamophobie. Les anti-dreyfusards ou les collabos de gauche n'ont jamais empêché des dreyfusards ou des résistants d'être non seulement de gauche mais aussi et surtout de se battre pour elle et au sein d'elle.

Aux appareils partisans, aux futurs parlementaires, aux militants de base aussi, de se saisir de ce combat. C'est tout autant l'essence de la gauche que de la République qui s'y joue.

Les 30 juin et 7 juillet, soyons intelligents, refusons les caricatures et les simplifications et envoyons à l'Assemblée les meilleurs candidats pour faire face aux grands défis du monde et de notre société, et en particulier celui de la lutte contre l'antisémitisme !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.