Le résultat des dernières élections européennes montre une gauche dans un état catastrophique, avec un peu plus de 30% des voix même en y incluant (par charité) le Parti "Socialiste".
Pour le Front de Gauche, il s'agit d'une triple déception, voire une triple défaite, puisque aucun de ses objectifs n'a été atteint :
- le FDG voulait être le premier parti de la gauche, il est le troisième derrière P"S" et EELV ;
- le FDG voulait rassembler la gauche hors PS, il fait moins bien que EELV ;
- le FDG voulait fédérer l'opposition à l'Europe libérale, il est loin derrière le FN et ne fait que le double des voix de DLR.
Ces résultats intervenant dans un contexte de forte abstention, les réactions se sont focalisées sur la question suivante: pourquoi ces abrutis les électeurs de gauche déçus par le PS ont-ils préféré l'abstention au vote FDG ?
Plusieurs explications ont été proposées. En vrac :
- la politique de droite menée par le P"S" au nom de la gauche entraîne toute la gauche dans la chute ;
- la guerre conduite par le P"S" contre le FDG, appuyée par ses journaux liges (Le Monde, Libé, l'Obs...) ;
- le rôle de chien de garde de la presse mainstream, qui occupe ses jours et ses nuits à répéter le mantra TINA ;
- la division du FDG au moment des municipales, qui a brouillé son message ;
- et même la personnalité de Jean-Luc Mélenchon, qui rebuterait ceux qui pourraient adhérer au projet du FDG.
Je suppose qu'il y a du vrai dans chacune de ces explications.
Mais ce qui me semble intéressant, c'est que cette recherche d'explication part du postulat qu'il serait naturel pour ces abrutis les électeurs de gauche déçus par le PS de voter FDG.
Et si on renversait la question ? Pourquoi ces abrutis les électeurs de gauche déçus par le PS devraient-ils préférer le vote FDG à l'abstention ?
La première réponse, évidente, est que le Front de Gauche propose un programme, l'Humain d'abord, qui vise à répondre aux grands défis de notre temps que sont les crises sociale, écologique et institutionnelle, et que je ne détaillerai pas ici.
Le premier bémol est qu'en gros personne ne lit les programmes des partis politiques. On en perçoit quelques bribes via les médias ou les discussions, mais ça ne va guère plus loin.
Le deuxième problème, bien plus important, est que des partis qui ont proposé d'alléchants programmes de gauche pour mieux ne pas les appliquer une fois au pouvoir, qui ont, comme dirait Amir Khadir, "clignoté à gauche avant les élections pour mieux tourner à droite après", on en a plein d'exemples. Je ne voudrais pas citer l'actuel locataire de l'Élysée - en fait si, ce mec doit être le plus cynique de tous les dirigeants de la Vème République.
Comment, donc, convaincre le peuple que les promesses d'avant élection seront les actions d'après élection ?
Et bien, justement, l'Humain d'abord adresse la question : la deuxième mesure d'un gouvernement FDG (la première étant l'augmentation du SMIC) sera de convoquer une Assemblée Constituante qui établira la Constitution d'une VIème République. Cette Constitution interdira le cumul des mandats et instaurera un "référendum révocatoire de mi-mandat" permettant au peuple de contrôler l'action de ses élus.
D'ailleurs, les slogans de la campagne présidentielle n'étaient-ils pas "Mélenchon, présidons" et "Prenez le pouvoir" ?
Bon, évidemment, l'idée même d'une Constituante interdit de préjuger de ce que serait le contenu de la Constitution qui en sortirait. Non cumul et référendum révocatoire seraient ainsi des propositions, rien ne dit qu'elles seraient adoptées.
De toutes façons, ces propositions ne décrivent que le monde d'après victoire électorale. Quelle est la distance entre le fonctionnement pratique, actuel, du FDG et ces propositions ?
- le PCF avait reporté à après les élections législatives de 2012 sa décision de participer ou non au gouvernement. Votez pour nous, nous déciderons ?
- j'ai appris avec surprise que les députés FDG disposent de l'autonomie de vote. Élisez nous, nous déciderons ?
- le FDG est contre le cumul des mandats ? Alors pourquoi est-ce que ses élus cumulent des fonctions de direction de partis avec leur mandat républicain ? Pourquoi est-ce que les têtes de listes aux dernières européennes étaient des sortants ?
- à ma connaissance, aucune des organisations du FDG ne comporte de référendum révocatoire dans ses statuts.
Lorsque j'ai proposé, sur Twitter, l'instauration d'un référendum révocatoire au FDG, la première réponse que j'ai obtenu a été "pour quoi faire ?"
Comme si les élus de la République étaient, par nature, soupçonnables et devaient être contrôlés de près, alors que les dirigeants de partis seraient, par nature, des personnes intègres et uniquement soucieuses du bien commun. Comme si nous n'avions pas, au seins des partis et entre les partis du FDG, des luttes pour conquérir et conserver des postes.
Face à la crise de la démocratie représentative, le FDG prétend "faire de la politique autrement". Cool. Et s'il commençait par adopter pour son propre fonctionnement le modèle qu'il promeut, au lieu d'utiliser celui qu'il combat ?
Une manière de démonter le mouvement en marchant.