Cet article n’a pas pour but de revenir sur ce scandale, mieux expliqué et détaillé par d’autres (notamment par l’article du magazine Frustration « Tout comprendre au scandale McKinsey en 6 points et 10 minutes ») mais de poser un constat sur le bilan de Macron et d’en arriver à la conclusion que ce scandale n’a absolument rien d’étonnant au vu de la vision et de l’idéologie d’Emmanuel Macron. Il est question ici de revenir sur certains points déjà annonciateurs de la catastrophe économique et sociale dans laquelle l’ancien ministre de l’économie allait plonger la France.
Les prémisses : Macron, ministre de l'économie
Avant même d’être président, en tant que ministre de l’économie, le jeune Manu affichait déjà ses ambitions particulièrement néo-libérales et « à l’américaine ».
Personne n’a oublié « la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances » dite "Loi Macron" qu’il porte en tant que ministre de l’économie sous le quinquennat de François Hollande. Cette loi avait pour but de « déverrouiller l’économie française », joli euphémisme qui avait pour traduction dans les faits :
- Le changement de la réglementation du travail le dimanche (entendez faire travailler les gens le dimanche qu’ils le veuillent ou non)
- Faciliter le travail de nuit (entendez faire travailler les gens la nuit en les payant moins)
- Le plafonnement des indemnités de licenciement, de dommages et intérêts en cas de licenciement abusif (entendez permettre aux employeurs de licencier plus facilement et à moindre coût)
- La suppression du monopole de la SNCF sur le transport public (entendez faire passer le transport public dans le secteur privé et donc faire gagner de l’argent aux actionnaires et évidemment faire payer plus cher les usagers)
Les dégâts de l'article 49.3, alinéa 3
Évidemment, cette loi avait créé à l’époque un nombre de manifestations considérables et craignant qu’elle ne puisse avoir la majorité au parlement, Manuel Valls, alors premier ministre décida d’utiliser son arme favorite de l’époque, l’article 49.3 alinéa 3 de la constitution qui stipule « l’engagement de responsabilité sur un texte qui permet au gouvernement de forcer l'adoption d'un texte, sauf si l'Assemblée est prête à le renverser par le biais de la motion de censure ». En d’autres termes, qui permet de faire passer une loi « en force », sans le vote du parlement. Cet article est normalement cantonné aux situations de crise ou d’état d’urgence, notamment lorsqu’il y a des attentats mais ça c’était avant le trio Manuel Valls, François Hollande et Emmanuel Macron qui n’ont eu de cesse de l’utiliser pour faire passer des lois impopulaires comme « la Loi Macron » ou « la Loi travail/El Khomry », les deux lois ont évidemment pour point commun de faire nettement reculer les droits des travailleurs.
Manu (Macron, pas Valls, lui a entre temps disparu, encore heureux) nous annonçait donc déjà la couleur avant même d’être président.
Lors de sa campagne de 2017, toujours dans la même lignée néolibérale féroce il annonçait déjà vouloir « libérer le travail et l’esprit d’entreprise », joli euphémisme qui a pour traduction dans les faits :
- Un nombre records de radiation à pôle emploi (52 300 radiations par mois en décembre 2021, le taux le plus haut depuis 25 ans)
- Une réforme de l’assurance chômage (entendez durcissement de l’accès à l’allocation chômage par une série de mesures restrictives à souhait)
- Une réforme de la retraite à 65 ans. Cette mesure n’est pas encore passée mais c’est une promesse de Macron s’il est réélu.
- Une explosion de la précarité étudiante
- La suppression de milliers de lits d’hôpitaux avant la crise du Covid
La république en Marche pour les milliardaires, à l'arrêt pour la population
Pour parler en chiffres concrets, il faut savoir que le coût de la vie a augmenté à tous les niveaux sous le quinquennat d’Emmanuel Macron.
Même si tout n’est pas dû à lui et que le Covid ainsi que la guerre en Ukraine sont passés par là, à l’heure où nous parlons le carburant a augmenté de 58 %, le gaz de 7 %, les frais hospitaliers de 15 %, le prix de l’électricité de 18 %, la cantine scolaire de 19 %, les frais scolaires de 17 %, les procès verbaux de 67 % (!), l’assurance de 4 % et le contrôle technique de 12 %. Dans le même temps, les 5 milliardaires les plus riches de France qui possèdent autant que 40 % de la population ont vu leurs profits augmenter de 86 % depuis le début de la pandémie.
L'état en mode Start-up
Avec une vision néolibérale agressive et sans foi ni loi, Macron a non seulement tout fait pour torpiller les acquis sociaux des travailleurs et des français mais a pour cela été aidé par un cabinet de conseils, en l’occurrence McKinsey, qui a été payé avec des sommes astronomiques de l’argent public pour mettre à mal ce même service public et le reste de la population. Cerise sur le gâteau ou comble de l’horreur, chacun choisira la meilleure expression, le président de la filiale française de McKinsey s’appelle Karim Tadjeddine, ami intime d’Emmanuel Macron avec qui il a notamment contribué au livre « L’état en mode Start-up » (ça ne s’invente pas) de Yann Algan et Thomas Cazenave sorti en 2016. Si il y a une chose qu’on ne peut pas leur enlever, c’est que le duo a bien réussi à mettre en place la vision qu’ils avaient de l’état, malheureusement au détriment des citoyens. En payant le cabinet de son copain pour des missions qui n’ont jamais eu lieu (ça s’appelle tout simplement du détournement de fonds, au cas où) ainsi que pour massacrer les acquis sociaux et pousser les travailleurs dans une plus grande précarité, Emmanuel Macron va au bout de sa logique de « Start up nation », concept aussi ridicule que dangereux.
Sa majesté Macron et ses phrases "chocs"
À ce bilan catastrophique chiffré et vérifiable en quelques clics sur internet s’ajoute l’attitude et le mépris affiché par un président qui d’années en années se prend pour Napoléon, notamment par des phrases marquantes nauséabondes comme :
- « Je traverse la rue, je vous trouve du travail » le monsieur est encore en face du trottoir à attendre que Sa majesté Macron traverse la rue.
- « On met un pognon dingue dans les minimas sociaux et les gens sont quand même pauvres » comme si la cause principale de leur pauvreté n’était pas les mesures que sa majesté Macron met en place pour les appauvrir.
- « Une gare c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et ceux qui ne sont rien » cette phrase ne mérite aucun commentaire.
- « Vous n’allez pas me faire peur avec votre t-shirt, la meilleure façon de se payer un costard c’est de travailler » Sa majesté Macron face à un jeune en 2016 (il était encore candidat) une phrase à faire pâlir les comptes Instagram de développement financier.
- « Le kwassa kwassa pêche peu, il amène du comorien » en référence au kwassa kwassa, embarcation de fortune que des migrants comoriens prennent chaque année pour aller sur l’île de Mayotte et qui fait de nombreux morts. Cette phrase ne mérite aussi aucun commentaire tellement elle est abjecte.
La France de la répression
Au delà de son bilan économique catastrophique et de son attitude princière, la France a rarement été aussi répressive que sous Macron, si dès le départ de son mandat le virage avait été amorcé notamment avec la répression des gilets jaunes, le Covid a donné un prétexte sans précédent pour restreindre les libertés et mener une politique virulente qui comme d’habitude touche toujours les couches de la population les plus défavorisées, notamment dans les quartiers populaires.
Le nombre incalculable d’agressions (Les gilets jaunes, Michel Zecler) et de meurtres de la police (Cédric Chouviat, Zineb Redouane, Ibrahima Bah, Mohamed Gabsi) sous son mandat sont maintes fois épinglés par des rapports d’organisations internationales.
Sa politique d’harcèlement envers les migrants notamment l’affaire des lacérations de tentes par les forces de l’ordre sont autant de scènes horribles qui ont été rarement vues même sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy, pourtant l’un des présidents les plus répressifs depuis des années.
Avec comme fer de lance Gérald Darmanin, version plus jeune et moins bling-bling du dit Sarkozy, les intimidations envers le monde associatif et les militants anti-racistes notamment musulmans ont aussi marqué ce mandat qui de jour en jour nous a montré à quel point ce gouvernement pouvait aller plus loin dans la honte notamment par la dissolution du CCIF ou par sa volonté de vouloir museler les mosquées et les associations par sa « Charte des principes de l’Islam de France » qui consiste tout simplement à couper les vivres à tout organisme musulman qui ne serait pas d’accord avec le gouvernement Macron.
Lister toutes les injustices et les scandales de ce mandat serait bien trop long et il faudrait y consacrer au moins une dizaine d’articles.
L'extrême droite en guise d'épouvantail
Il est évident que de par son bilan, son mépris et l’état dans lequel Emmanuel Macron a plongé la France, sa réélection serait une anomalie. Le scandale de McKinsey n’est que la goutte de trop qui fait déborder le vase et la suite logique d’une américanisation et d’une ubérisation de la société voulue dès le départ par un président acquis au néolibéralisme le plus brutal et le plus cynique qui soit. Son désir de ne participer à aucun débat avant le premier tour n’est qu’un caprice de plus du petit prince qui se considère au-dessus de la mêlée et qui espère plus que tout un scénario identique à 2017 où il se retrouverait face à Marine Le Pen et où les gens seraient « obligés » de voter Macron pour faire barrage à l’extrême droite. Extrême droite que les médias et Macron lui-même ont propulsé de plus en plus au devant de la scène durant ce quinquennat pour exacerber les tensions dans une société à cran.
Du côté de la gauche désunie, Mélenchon fait office de seul candidat sérieux pour le deuxième tour mais miné par des candidats à l’égo trop démesurés pour appeler à voter pour lui, le scénario catastrophe d’un deuxième tour Macron-Le Pen est malheureusement trop probable même s’il est toujours délicat de faire de la politique fiction.
Espérons pour l’avenir de la France et de toute l’Europe que les français n’aient pas à choisir entre la peste et le choléra lors de ce second tour.