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Billet de blog 24 juin 2022

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Paul Kagame, l’antithèse d’un développement panafricain

Si depuis quelques années, le Rwanda est vanté pour son développement économique spectaculaire depuis 20 ans, la réalité est-elle aussi rose que le régime de Paul Kagame veut nous le montrer notamment à travers une propagande de plus en plus visible en Europe ?

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Tout amateur de football n’a sûrement pas pu rater les « visit Rwanda » floqués sur les maillots d’Arsenal et du Paris Saint-Germain depuis quelque temps, si effectivement il n’y a rien de mal à promouvoir le tourisme dans son pays (ce n’est ni la première ni la dernière fois qu’un état le fait à travers le sport), ce simple flocage fait partie d’une propagande plus large du régime de Paul Kagame, président du Rwanda depuis 2000 et qui a développé son pays au prix de terribles pertes humaines et d’assassinats d’opposants politiques.

Kagame et le FPR

Tout commence en 1996, deux ans après le génocide au Rwanda perpétré par les Hutus contre les Tutsis, les troupes du FPR (Front Patriotique Rwandais) dirigés par Kagame prennent le contrôle du pays et mettent fin au génocide après un bilan horrible de 800 000 à 1 million de morts et chassent les anciens génocidaires à l’est du pays, au Zaïre, principalement dans la région du Nord-Kivu.

L’alliance pour renverser Mobutu

Dans la foulée, Laurent-Désiré Kabila, opposant historique de Mobutu, au pouvoir en RDC depuis 1965 et dont l’autorité commence à sérieusement vaciller, se décide à prendre le pouvoir par les armes avec l’aide de Kagame et de Museveni, le président ougandais. Face à une armée congolaise totalement désorganisée de par la mal gouvernance de Mobutu depuis des années, le trio ne tarde pas à prendre rapidement le pouvoir et en moins d’un an, le 20 mai 1997, Laurent-Désiré Kabila accède officiellement au pouvoir et renomme le Zaïre « République démocratique du Congo ». C’est la première guerre du Congo.

Le problème dans ces alliances aussi inattendues que soudaines, c’est qu’aucun des 3 dirigeants n’avaient les mêmes objectifs. Si pour Laurent-Désiré Kabila l’objectif était de prendre le pouvoir, pour Kagame et dans une moindre mesure Museveni l’objectif était double.

  • Traquer les génocidaires présents à l’est du Congo, malheureusement sans faire aucune distinction et en massacrant des centaines de milliers de civils Hutus ou supposés Hutus
  • Asseoir leur influence sur l’est du Congo et la région du Nord-Kivu, dont les sols sont remplis de matières première notamment de cobalt et de coltan

Si dans un premier temps, Laurent-Désiré Kabila essaie de manœuvrer pour garder ses « alliés » près de lui, en nommant notamment James Kabarebe, un rwandais proche de Kagame chef d’état-major (James Kabarebe a d’ailleurs réussi l’exploit d’avoir des hautes fonctions politiques dans 3 pays différents de la région, au Rwanda, au Congo et en Ouganda), les tensions ne tardent pas à faire surface et en août 1998 l’alliance éclate pour devenir un duo Kagame-Museveni versus Laurent-Désiré Kabila, les deux premiers considérant que ce dernier essaie de les mettre sur la touche et n’a pas été assez « reconnaissant » de leur soutien. C’est le début de la deuxième guerre du Congo, qui a officiellement pris fin en 2003 mais qui a perduré à l’est du Congo jusqu’à aujourd’hui et qui fait des millions de morts.

Le coltan, nerf de la guerre 

Principalement de par son pillage de l’est du Congo et son financement du M23, une milice coupable de crimes contre l’humanité au Nord-Kivu, Paul Kagame a développé son économie autour des exportations de coltan, passant premier pays exportateur de cette matière en 2020 sans en être producteur (!).

S’il est indéniable que le Rwanda (surtout sa capitale Kigali) s’est développé économiquement de manière spectaculaire, c’est au prix également d’une répression extrêmement féroce, d’emprisonnements et d’assassinats politiques incalculables.

Parmi les faits les plus médiatisés, en 2021, l’un de ses opposants, Paul Rusesabagina, le héros qui a inspiré le film « Hôtel Rwanda » est victime d’un détournement de son vol en direction du Burundi par le régime rwandais qui le font atterrir de force à Kigali et l’emprisonne, accusé de financer une structure terroriste opposée à Kagame. Dans une parodie de procès, Paul Kagame le condamne à 25 ans de prison pour terrorisme.

À l’élection présidentielle de 2017, la candidate Diane Rwigara est victime d’une ignoble campagne d’harcèlement de la part de l’équipe de Kagame, qui en vient à faire fuiter de fausses photos nues d’elle pour la discréditer.

Paul Kagame est aussi l’un des principaux alliés d’Israël en Afrique avec Mohamed VI, il se félicite d’ailleurs d’avoir des relations commerciales de plus en plus poussées avec le pays. Les mauvaises langues diront qu’entre génocidaires ils ont le sens des affaires.

L’impunité en échange des matières premières

Malgré toutes ses exactions, Paul Kagame n’est pas inquiété par la communauté internationale. Allié du vrai « axe du mal » (comme disait l’autre), Grande-Bretagne, États-Unis et Israël, le régime de Paul Kagame est une aubaine pour les multinationales sauvages de l’Occident qui achètent des matières premières à moindre coût et donc ferment les yeux sur la manière dont celles-ci sont extraites. Nombres de multinationales sont d’ailleurs épinglées dans des rapports pour avoir acheté « des minerais de sang » sans que ça n’aille plus loin que des rapports.

De par son despotisme, ses meurtres de civils, d’opposants, ses manœuvres de déstabilisation d’un pays voisin qui entraînent des millions de morts, Paul Kagame est l’anti-thèse d’un développement africain et panafricain juste et soucieux de son continent. Il ne pourra jamais être érigé en exemple, qu’importe le développement économique que puisse connaître le Rwanda.

Dans une Afrique indépendante depuis une soixantaine d’années, des dirigeants comme Sankara, Lumumba, Sylvio Olympio, Kwame Nkrumah ou des intellectuels comme Frantz Fanon ou Cheikh Anta Diop se retourneraient dans leurs tombes s’ils voyaient ce que Kagame est en train de faire depuis 20 ans.

La façade de ses discours contre la France

S’il est vrai que Paul Kagame a en horreur la France à cause de sa lourde responsabilité dans le génocide au Rwanda et notamment l’opération turquoise, ses discours anti-français ne sont qu’un leurre pour faire oublier qu’il est tout de même un valet d’autres puissances tout aussi nocives pour l’Afrique et que lui-même est tout aussi despotique que l’Occident, ces derniers ne pouvant pas piller l’Afrique si ils n’avaient pas d’alliés comme Kagame qui leur en donne l’occasion.

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