Pas simple d’attirer à soi le « vote musulman »: il ne prend pas toujours « le même visage ». Le député-maire UMP de Villiers sur Marne, Jacques-Alain Benisti, l’a appris à ses dépens. En 2010, lors de la fête religieuse de l’Aïd, le maire apparaît aux côtés de cheikh Béchir Ben Hassen, imam salafiste. Lors de cette visite, le prédicateur recommande aux fidèles de voter pour le « bienfaiteur de la communauté » acquis à l’extension de la mosquée. Simple ignorance des courants religieux islamiques ou opportunisme électoral de la part de l’élu ? La stratégie s’avère peu concluante, une vidéo rapidement postée sur les réseaux sociaux met depuis le maire dans le plus grand embarras vis à vis de l’aile droite de son électorat.
Le chercheur Marwan Mohammed (Islamophobie, Ed. La Découverte, 2013), longtemps habitant de Villiers sur Marne, s’amuse de cet empressement vis à vis des musulmans : « les fantasmes autour d’un vote communautaire fabriquent des leurres. Jacques Alain Benisti s’est laissé piéger par son imaginaire » et d’ajouter « certes le poids politique de la jeunesse des quartiers populaires s’est accru. 30% de ces jeunes sont aujourd’hui bacheliers et ils votent contrairement à leurs parents. Mais les rabatteurs de voix communautaires sont mal perçus, particulièrement lors de visites dans les lieux de culte. Je l’ai d’ailleurs déconseillé aux élus de l’opposition ».
Selon la dernière étude de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme sondant la tolérance des Français, la défiance vis à vis des musulmans s’accroit nettement. En 2012, cette commission rapporte: « ce sont les musulmans (55%, +4 par rapport à l’année précédente) qui sont les plus considérés comme formant un groupe à part dans la société ». Le rapport souligne également qu’»une majorité des enquêtés (55%, +7) ne pense pas qu’il faille faciliter l’exercice du culte musulman en France, contre 40 % qui estiment qu’il faut le faciliter ».
Si, à l’échelle nationale, la présence d’une communauté musulmane en France est ressentie comme un fait social inquiétant, voire une menace, la visibilité de la pratique religieuse est devenue l’objet de complexes négociations locales : de la hauteur des minarets à l’extension des mosquées. Marchandage politique pour certains, clientélisme ou demande légitime pour les pratiquants, au cœur de la controverse, l’enjeu de la visibilité croise celle du statut et de la place à accorder aux français musulmans dans la cité.
Du côté des organisations et collectifs contre l’islamophobie, la volonté affichée est de peser dans le débat public. Pour le collectif ONMPV,acronyme de «on ne marche pas, on vote», l’idée est de « faire prendre conscience aux citoyens qu'ils ont un rôle à jouer dans la politique de la France car il faut mettre en place une politique inclusive vis-à-vis des musulmans ». Si les services publics sont devenus des aires de litiges, la voie royale pour gagner en légitimité pourrait être la vie publique.
Focus dans l'article qui suit sur Argenteuil : " la captation du vote musulman, un cas d'école"
Nedjma Bouakra