Nephkelsi (avatar)

Nephkelsi

Abonné·e de Mediapart

16 Billets

0 Édition

Billet de blog 14 avril 2020

Nephkelsi (avatar)

Nephkelsi

Abonné·e de Mediapart

Bénin/Gabon : L’étrange ballet aérien de Maixent Accrombessi en pleine crise Covid-19

Pendant qu’une bonne partie de la planète, placée quasiment sous cloche, vit calfeutrée, que nombre de pays ont fermé leurs frontières, que les populations à travers le monde sont invitées à limiter leurs déplacements, un individu en profite pour se livrer à de bien mystérieuses pérégrinations. L’individu, c’est le Béninois Maixent Accrombessi, ex-« Vice-roi » du Gabon.

Nephkelsi (avatar)

Nephkelsi

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Entre le 7 et le 11 avril, il s’est offert une ahurissante et vertigineuse voltige aérienne entre le Bénin, le Cameroun, le Gabon, le Liban, Oman, la Corée…

Le 7 avril dernier, aux environs de 12h, un jet privé se pose sur le tarmac de l’aéroport international de Libreville. Contrairement aux usages, le vol n’avait pas été signalé aux autorités aéroportuaires. Ce qui ne manque pas d’intriguer en cette période de fermeture de l’espace aérien gabonais. Mais très rapidement les interrogations et les doutes se dissipent lorsque l’avion prend la direction du hangar de la GR (Garde républicaine). C’est là que sont traités les avions affrétés par la présidence du Gabon. Les militaires en poste ce jour-là voient descendre de l’aéronef une vieille connaissance : Maixent Accrombessi. Tiens, tiens !

Illustration 1
Maixent Accrombessi : chef traditionnel ou chef bandit?

Pendant le premier septennat (2009-2016) d’Ali Bongo, ce personnage très controversé avait la haute main sur l’appareil étatique, mais aussi sur les finances du Gabon. Au cours de cette période, le Béninois a régné sans partage, son « ami » Ali Bongo étant relégué à ses fantasmes d’adolescent inaccompli, dont les passe-temps favoris ont toujours été de pérorer dans les sommets internationaux et de se faire prendre en photo avec des célébrités.

Ce 7 avril, c’est un Maixent Accrombessi amaigri, le physique profondément marqué par les stigmates de l’AVC (accident vasculaire cérébral) dont il a été victime le 17 août 2016, qui s’engouffre péniblement dans une limousine noire garée au bas de la passerelle. Image quelque peu surréaliste, mais qui a dû raviver le souvenir de l’une des principales séquences de la vie politique gabonaise de ces dernières années : la grande carcasse de Maixent Accrombessi brutalement terrassée par un AVC, le 17 août… jour anniversaire de l’indépendance du Gabon. Cette coïncidence, d’aucuns n’ont pas hésité à la mettre sur le compte d’une « réaction mystique des mânes de [nos] ancêtres qui ont attendu le 17 août pour libérer le Gabon des chaînes maléfiques du gourou béninois d’Ali Bongo ». Peut-être. Toutefois, même diminué, Maixent Accrombessi demeure très actif.

La preuve : à bord d’un avion Bombardier BD-700, immatriculé à Malte (comme le Boeing 757 utilisé par Ali Bongo) sous le numéro 9H-GCM, il a quasiment fait le tour du monde en 5 jours. Attachez vos ceintures pour suivre le mystérieux ballet aérien du non moins mystérieux Maixent Accrombessi !

Illustration 2
Le mystérieux avion utilisé pour des missions non moins mystérieuses

Le 7/04, il décolle de Cotonou à 8h56 pour Yaoundé où il arrive à 10h22, avant de reprendre les airs moins d’une heure plus tard pour Libreville. A 13h14, l’avion quitte le Gabon pour une étrange escale au Liban d’à peine 1h, car arrivé à Beyrouth à 20h53, il redécolle à 21h56. Destination, Malte, avant un retour au Gabon deux jours plus tard, c’est-à-dire le 9. Ce même jour, Maixent Accrombessi quitte le Gabon aux environs de 13h. Non pas pour rentrer chez lui au Bénin, mais pour se rendre à Séoul, en Corée, après une brève escale à Muscat (Sultanat d’Oman).

Le 11 avril, l’homme à tout faire d’Ali Bongo est parti de la capitale coréenne à 22h30 pour Kuwait City. Et ce n’est sans doute pas terminé…

Pour autant, cette intense activité en pleine pandémie de Covid-19 a de quoi interroger. Surtout de la part d’un délinquant notoire qui, il faut le rappeler, avait été arrêté le 3 août 2015, à l’aéroport de Roissy en France. S’en étaient suivies, une courte garde à vue et une mise en examen pour, entre autres délits, « corruption, faux et usage de faux, blanchiment en bande organisée, abus de biens sociaux, recel… ». L’affaire, selon nos informations, suit toujours son cours devant la justice française.

Toujours en rapport avec ce singulier parcours de hors-la-loi invétéré, Maixent Accrombessi avait été, à la fin de l’année 2011, au centre d’un autre scandale mêlant à la fois trafic de stupéfiants, délinquance financière et prostitution présumée. 

Rappel des faits. Le dimanche 13 novembre 2011, le directeur de cabinet et bras droit d’Ali Bongo qui a passé le week-end chez lui au Bénin, s’apprête à décoller pour Bamako où l’attend un certain Seydou Kane. Mais à la dernière minute, des agents des Douanes de l’aéroport de Cotonou arraisonnent l’avion présidentiel à bord duquel le sieur Accrombessi venait de prendre place. Lors de la fouille, les douaniers découvrent de la drogue et de l’argent liquide en grande quantité. Et leur attention est également attirée par la présence de « trois jeunes dames particulièrement agitées, vêtues comme des péripatéticiennes et ayant visiblement consommé des substances interdites ». Après un contrôle antidopage positif, les accompagnatrices de Maixent  Accrombessi seront gardées à vue pendant plusieurs heures à l’Ocertid (Office central de répression trafic illicite des drogues). Les enquêteurs vont, dans la foulée, retenir leurs passeports ainsi que celui de leur auguste « client ». Seule l’intervention personnelle de Thomas Yayi Boni, le président béninois, va permettre de débloquer la situation, un jour plus tard. En contrepartie de quoi ? On ne le saura peut-être jamais… Mais ce que l’on sait, en revanche, c’est que parmi les personnes arrêtées ce jour-là, figurait un agent des renseignements béninois. Pendant son audition, l’intéressé va révéler qu’il avait été recruté par Maixent Accrombessi avec, pour mission, d’informer ce dernier sur la manière de déjouer les mesures de surveillance en vigueur à l’aéroport de Cotonou. Les enquêteurs vont aussi découvrir que plusieurs mois avant le début de cette étrange collaboration, l’avion présidentiel gabonais avait fait l’objet d’un signalement par les autorités aéroportuaires de Cotonou, pour des faits de trafic de stupéfiants et de devises. A l’époque, Maixent Accrombessi s’en était tiré à bon compte en mettant abusivement en avant ses relations avec le ministre de la Défense Kogui N’douro.

Comme on le voit, le passé criminel de l’homme, notamment son penchant pour le transport et le trafic de produits illicites, plaide en faveur d’une très grande vigilance à son égard. Ce qui serait la moindre des choses !

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’auteur n’a pas autorisé les commentaires sur ce billet