Entre instrumentalisation de la justice, vilenies, bassesses, et coups tordus, le groupe Total ne recule devant rien pour tenter de se tirer d’affaire dans l’interminable procédure judiciaire qui l’oppose à ses anciens salariés. Ils sont, en effet, plusieurs dizaines d’ex-employés (*) à s’être engagés dans ce que l’hebdomadaire Le Mbandja qualifiait, dans son édition du 9 juillet dernier, de « procès le plus long de l’histoire du pétrolier au Gabon ». Ayant quitté l’entreprise sur la base d’un départ volontaire, ces anciens travailleurs de la filiale gabonaise du groupe français Total s’estiment – à juste titre, d’ailleurs – lésés dans le calcul de leurs droits légaux.
Aussi, pour obtenir réparation, ils ont, en plus d’avoir saisi les tribunaux, adressé une lettre ouverte à plusieurs membres du gouvernement gabonais. Au ministre du Pétrole, ainsi qu’à ses collègues de la Justice ou encore de la Promotion de la Bonne Gouvernance et de la Lutte contre la Corruption, ils affirment, à propos de leur départ, s’être trompés, « car la direction de Total Gabon a usé de subterfuges comme à son habitude. Cette séparation a pris la forme d’une arnaque de la part de Total Gabon. » Leur ancien employeur, dénoncent-ils, se serait servi de leur naïveté pour les flouer dans le calcul de leurs droits légaux « qui sont pourtant encadrés par les textes en vigueur en République Gabonaise ».

Agrandissement : Illustration 1

La supercherie, selon les victimes, a été découverte après un réexamen des conditions de leur départ, sous la supervision de l’Inspecteur provincial du Travail en charge du secteur pétrolier. Pour les signataires, le constat est sans équivoque : les différentes rubriques qui ont servi de référence dans le calcul des sommes versées aux partants n’étaient pas conformes à la réglementation gabonaise. Ce constat, disent les anciens salariés de Total, a été signalé à la direction de l’entreprise, au ministre du Pétrole et à Patrick Pouyanné, le patron de la multinationale française. Réponse vague et laconique de l’employeur : « Les calculs ont été faits en conformité avec les règle d’éthique du groupe Total ». Évidemment !
Et c’est certainement en conformité avec ces mêmes règles d’éthique que le pétrolier français a utilisé, pour la sale besogne, trois cadres gabonais. Lesquels, en récompense de leur servilité, ont obtenu, pour le premier, le versement d’une prime exceptionnelle de près de 763 000 euros (non déclarés au fisc, svp !) et, pour les deux autres, d’une promotion au sein du groupe.
Pour rappel, ceux qui attaquent aujourd’hui Total Gabon en sont partis volontairement, en 2016, mais sans prendre le soin de passer un protocole d’accord avec la direction de l’entreprise. Tout était basé sur la confiance et la bonne foi. C’est, du reste, ce que rappellent les signataires de la lettre ouverte. Au passage, ils invitent la direction de Total Gabon à réparer les manquements qui ont entouré leur départ. Rien de plus.
« Nous avons, à la suite de l’examen de nos dossiers, saisi l’Inspecteur du Travail en charge du Secteur Pétrolier qui, de son côté, nous a confirmé le comportement hors-la-loi de notre ancien employeur. L’affaire a été remise à la justice, pour la recherche d’un traitement équitable, sans pression. Depuis cette période, nous sommes malmenés, le tribunal refusant de dire le droit, influencé par l’entreprise pétrolière qui s’est toujours comportée comme un État dans un Etat ».
En attendant la suite à donner à leur dossier par la justice, les anciens salariés de Total demandent au ministre de la Promotion de la Bonne Gouvernance et de la Lutte contre la Corruption d’aller voir ce qui se passe à Total Gabon. Le membre du gouvernement, à moins qu’il ne le sache déjà, sera certainement amené à découvrir la face cachée et pas très reluisante d’une entreprise qui se dit citoyenne mais dont les pratiques, au quotidien, sont loin, très loin de la bonne gouvernance dont elle se gargarise dans ses coûteuses campagnes de communication. Ce serait aussi l’occasion pour le ministre de s’intéresser aux nombreux redressements fiscaux et autres passe-droits dont le groupe Total est coutumier au Gabon.
Mais, sans forcément vouloir jouer les Cassandre, il y a tout de même lieu de se demander ce que peut concrètement faire un ministre gabonais face à Total, cette pieuvre tentaculaire qui a mis la famille Bongo dans sa poche.
En tout cas, comme l’a décrit le philosophe canadien Alain Deneault, le groupe pétrolier français, par un entrelacs de sociétés, est devenu « une autorité souveraine, capable de rivaliser avec des États et de générer un nouveau rapport à la loi ». (…) « Nous sommes aujourd’hui confrontés à une firme qui communique énormément, qui commente tout, qui est présente partout et qui dépasse largement ce qu’on peut attendre d’une compagnie pétrolière. Elle est en réalité une autorité souveraine qui s’interpose sur un plan diplomatique, culturel, social, associatif, sportif, politique… » Les ex-salariés gabonais de la « firme » sont plus que jamais prévenus !
(*) Liste des signataires de la lettre ouverte :
Aliwa Ayongo Elisabeth - Ambourouet Jean-Claude – Ampoumet Julienne - Antchouet Gervais – Atsame Mba Rosalie
Bibang Bi Ekogha Cyriaque – Boubala Etienne – Dikegue Mougoula Térèse - Essono Odzame Martine – Koumani Eugène
Koumba Bongo Antoine – Kowet Itanda Edouard – Makaya Mavoungou Pascal – Mano Linis Arielle - Mbikilia Antoine
Mensah Tevi Jean-Gontrand – Messan Assiong Bou Alphonsine - Moundounga Stella - Mboungou Pierre Marcel – Mbourou Jean-Paul Mbongo Ntchouga René – Mendome Nang Nicole - Mengara Me Mvé Simon – Mengue Bibang Mathurin – Monsard Emmanuel
Moucketou Roger – Mouketou Paul – Moundounga Stella – Moussirou Michel – Moyi Antoine – Nkoma Elisabeth – Ngola Jean-François
Nze Mendome Martine – Nze Nguema Jean – Onanga Bouassa Rose Pulchérie – Ondo Nzué Jean-Sylvain - Oreminiva Onivi Yvonne
Oye Ndzogo Victorine – Pambo Olga - Poaty Madoukoulou Jean-de-Dieu – Poungui Joséphine