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Billet de blog 23 août 2020

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Intrigues politiciennes ou quand le clan Valentin sonne le glas du pouvoir des Bongo

« La révolution partira du Haut-Ogooué, particulièrement du pays Téké. C’est nous qui allons mettre fin au règne des imposteurs franco-maghrébins qui ont pris le Gabon en otage depuis quelques temps. » Celui qui s’exprime ainsi est « un pur Téké des Plateaux ». Entretenant le mystère sur son identité, il se fait appeler « Tonton H. ».

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Sa colère, on a pu le constater, n’est pas feinte. Et les propos qu’il tient sont cohérents lorsqu’il dénonce « le mépris dans lequel Sylvia Valentin et son fils Noureddin, actuels dirigeants de fait du Gabon, tiennent les ressortissants de la province du Haut-Ogooué ». Laquelle, il faut le souligner, est quasiment coupée du reste du pays, faute de routes praticables. Ce qui, entre autres conséquences, entraîne des pénuries de produits alimentaires et pharmaceutiques.

Illustration 1
Sylvia et Noureddin Valentin, les nouveaux maîtres du Gabon

« En 2016 ils ont grossièrement volé l’élection présidentielle remportée par M. Ping, en instrumentalisant la province du Haut-Ogooué qui a été présentée comme le bastion politique du régime en place. Quatre ans plus tard, nous sommes piétinés et marginalisés », dénonce-t-il. C’est vrai qu’après le coup d’Etat électoral d’août/septembre 2016 qui s’est caractérisé par des tueries de masse au Gabon, le peuple altogovéen s’est retrouvé seul. Broyés par la rhétorique nauséabonde des médias à la solde du pouvoir, les ressortissants du Haut-Ogooué sont depuis lors considérés (à tort) par une bonne partie de l’opinion nationale comme responsables de cet épisode particulièrement douloureux de l’histoire politique gabonaise.  « C’est injuste et même dévalorisant pour notre province », s’insurge « Tonton H. » qui dit refuser que « les Altogovéens paient pour des fautes et des crimes commis par des dirigeants ingrats ». Pour rendre justice à ses « frères », il aurait créé une sorte de think tank  composé de « cadres Téké et Obamba dont le but principal est d’œuvrer  à l’éveil de la conscience politique des membres de [nos] communautés ». Vaste et ambitieux projet que celui d’éveiller  une « conscience politique » anesthésiée par un demi-siècle de « bongo-pédégisme » abrutissant !

« Nous sommes conscients de l’immensité de la tâche », concède-t-il, lucide, avant de lancer : « La situation, ces derniers temps, est carrément devenue hors de contrôle depuis que le président Ali a fait son AVC. Sylvia et son fils Noureddin en ont profité pour récupérer le pouvoir en plaçant leurs amis étrangers plus quelques complices gabonais. » La preuve, selon lui, de cette « dérive inacceptable », est la composition du dernier gouvernement intervenue le 16 juillet.

Illustration 2
"Le président Ali n’a plus la capacité de décider de quoi que ce soit..."

« Nous savons tous que le président Ali n’a plus la capacité de décider de quoi que ce soit. Tout ce que nous voyons c’est une mascarade orchestrée par son épouse et son fils, et ça, nous ne pouvons pas l’accepter ». Se montrant presque menaçant, « Tonton H. » affirme sans détour : « Nos petits-frères et nos enfants sont nombreux dans l’armée. Ils finiront par se révolter contre les humiliations et les injustices que Sylvia et son fils Noureddin nous font subir ». Voilà qui a le mérite d’être clair, d’autant que le cercle de réflexion des « cadres Téké et Obamba » travaille à l’élaboration d’un certain nombre de documents destinés à « éveiller la conscience politique » des Altogovéens.

Déjà, le think tank de « Tonton H. » a tenu les comptes des dernières nominations. Un véritable travail d’apothicaire.  « Dans les provinces de l'Estuaire, du Moyen-Ogooué et de l'Ogooué Maritime, le groupe myènè s'est taillé la part du lion avec un Premier ministre, Rose Christiane Ossouka et six ministères de taille : Madeleine Berre (Fonction publique), Pascal Houangni Ambourouet (Tourisme), Jean-Marie Ogandaga (Economie), Erlyne Antonella Ndembet, épouse Damas (Justice), Carmen Ndaot (Promotion des Investissements), Nicole Jeanine Lydie Roboty, épouse Mbou (déléguée à l'Economie).

A la présidence de la République, deux autres Myènè tiennent des positions importantes : Théophile Ogandaga et  Jean-Yves Teale occupant respectivement les fonctions de Directeur de cabinet du président de la République et de Secrétaire général de la présidence.

S'agissant de la province du Haut-Ogooué, en revanche, les communautés les plus importantes sur le plan démographique, à savoir les Obamba et les Téké ont été ostracisées. Du coup, les quelques promotions et nominations que l’on a pu observer ont été faites sur la base de relations familiales, entre personnes appartenant à des ethnies minoritaires (Ndumu-Humbu-Ndassa).  Entre autres, on peut citer Lambert Noël Matha (Ministre d'Etat en charge de l'Intérieur), Vincent de Paul Massassa (Ministre du Pétrole) et par ailleurs cousin de Gyslain Ngoulou (Directeur de cabinet de Noureddin Valentin Bongo), Franck Yann Koubdje (Directeur général de la Comptabilité publique) et neveu de Fernand Joumas Dit Salamba (Questeur du Sénat)… Le seul ministre Téké que l’on retrouve dans ce gouvernement, en l’occurrence Sosthène Ossoungou Ndibangoye (Budget), ne doit sa place qu’à son passé de Trésorier payeur général. A ce poste, il a été témoin d’un certain nombre d’opérations financières scandaleuses. Il fallait donc le ‘’caser’’ pour le faire taire. Quant à Mathias Otounga Ossibadjouo l’unique ministre Obamba (en charge de la Décentralisation), ses relations familiales avec Ali Bongo, dont il a épousé la cousine, ont dû jouer… »

A la lumière de toutes ces incohérences et provocations, il n’y a pas de doute : « la révolution partira du Haut-Ogooué ». Elle est peut-être même déjà en marche, car, comme dit un proverbe du cru, « les pluies qui provoquent le plus de dégâts sont souvent silencieuses ».

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