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Billet de blog 22 décembre 2024

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Déguisés en mère-grand , les loups sont entrés dans Paris

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Plusieurs personnes m'ont interrogé sur les écrivains Kamel Daoud et Boualem Sansal, suite à l'arrestation de ce dernier par les autorités algériennes. Tout d'abord, il est important de faire la part des choses. Défendre les principes fondamentaux et l'état de droit ne signifie pas nécessairement adhérer aux propos ou aux idées des personnes incriminées pour leurs opinions politiques.

La citation attribuée à Voltaire : « Je désapprouve ce que vous dites, mais je défendrai jusqu'à la mort votre droit de le dire » est souvent citée pour illustrer la liberté d'expression. Cependant, cette liberté ne peut être considérée comme absolue lorsqu'il s'agit de diffamation, de propos racistes ou de discours de haine. La liberté d'expression doit être équilibrée avec la responsabilité, et il est essentiel de tenir compte des conséquences de certaines paroles sur les sociétés.

Quoi qu'il en soit, son incarcération, comme celles de centaines de prisonniers d'opinion, est abusive et illustre le climat de répression qui s'est abattu sur les militants de la démocratie et toute voix discordante, après le gel du Hirak, ce mouvement de contestation populaire et pacifique. Les autorités algériennes ont intensifié leurs efforts pour museler l'opposition en élaborant des lois floues et liberticides, en totale contradiction avec les principes démocratiques et l'état de droit, dans le but de criminaliser toute forme d'opposition — qu'il s'agisse des partis politiques, des associations de défense des droits humains ou de l'ensemble de la société civile qui lutte pour la démocratie, l'état de droit et la liberté de la presse. Ce combat doit se mener simultanément par les associations, les juristes, les avocats sur le terrain politique et législatif.

Mais est-ce vraiment différent en France? Affirmatif !

Sur le plan légal, les libertés individuelles sont théoriquement respectées, même lorsqu'elles entrent en conflit avec des préoccupations de sécurité. Par exemple, la loi sur l'apologie du terrorisme reste floue et peut être interprétée de manière arbitraire, comme le souligne le juge Marc Trévinic. Des militants écologistes sont poursuivis pour avoir déployé une banderole. D'autres militants de la cause palestinienne sont poursuivis par la justice pour leurs propos ou pour leurs actes, pourtant légaux.

Cependant, bien que le combat démocratique continue de se mener sur le terrain, le combat des idées a perdu de sa force. Aujourd'hui, ce sont les réseaux sociaux, les influenceurs, les 'experts' choisis selon leur appartenance politique à la droite de la droite, et les chaînes mainstream en boucle qui imposent la pensée réactionnaire. C’est par ces canaux que s'opère la restriction des voix discordantes et la montée fulgurante du Rassemblement National.

Peut-on réellement dire que la liberté d’expression et d’opinion existe lorsque ceux qui s’opposent à la pensée dominante sont interdits de parole, ou systématiquement attaqués et menacés, notamment sur des questions sensibles ? Les campagnes menées dans les universités et les médias contre la gauche, accusée d'antisémitisme, d'islamo-gauchisme ou de wokisme, en sont un exemple, tout comme le récent lynchage de Nadjib Sidi Moussa, docteur en sciences politiques, après son intervention sur France 5. Ce dernier a été contraint de fermer tous ses comptes Facebook, Twitter, etc., face à l'explosion de haine et au déferlement de menaces.

Il y a quelque temps, sur le parking d'un hypermarché à Toulon, un homme des plus ordinaires, tenant par la main son enfant, m'a lancé, sur un ton menaçant : "C'est de ta faute si la France est dans cet état". Je n'ai pas répondu à son propos raciste, jugeant que discuter avec des gens remplis de haine, les nostalgiques de l'Algérie française ou ceux qui soutiennent le suprémacisme blanc, est inutile.

Cette anecdote n'est cependant pas anodine. Comme dans toute crise sociale, des groupes d’extrême droite se mirent en quête de boucs émissaires afin d’instrumentaliser le mécontentement populaire au service de leurs projets fasciste. Cette pensée minutieusement élaborée et diffusée, portée par des figures politiques, de la droite dure et de l'extrême-droite, ces nouveaux cols blancs décomplexés,

exploitent les peurs et désignent "l'étranger" comme responsable de la "décadence" de la France.

Si les politiciens de droite et d'extrême droite ne tiennent plus le même discours que Jean-Marie Le Pen, leur message reste le même mais devient de plus en plus subtil, plus insidieux, plus pervers. Ils délèguent aux chaînes mainstream de Bolloré, aux éditorialistes du "Point", de Franc-Tireur et à Valeurs actuelles le soin de diffuser cette rhétorique, opérant ainsi un glissement du débat sur l'immigration vers la stigmatisation et la haine de l'arabe et du musulman. Bien que des études montrent que l'immigration est plus bénéfique économiquement qu'on ne le laisse entendre, de plus en plus de Françaises et de Français de "souche" ou d'origine maghrébine, adhèrent aujourd'hui à un discours qui désigne l'étranger musulman comme le "problème" derrière les graves crises économique et politique que traverse l'ancienne puissance coloniale.

Un combat idéologique et politique

À ma connaissance, jamais l'extrême droite française ne s'était engagée, jusqu'à présent, à défendre un Algérien, quel qu'il soit. Alors pourquoi, aujourd'hui ? Éric Zemmour, Marion Maréchal-Le Pen et bien d'autres se sont mobilisés pour dénoncer son arrestation, en profitant au passage de déverser leur haine sur l'Algérie. J'avoue, cela m'a électrocuté. Michel Onfray et d'autres le comparent à Voltaire ou Soljenitsyne.

Dans un article publié dans Le Monde Afrique du 20 novembre 2024, Mouloud Ameziane , sociologue, titre son article : "L'extrême droite soutient Boualem Sansal". Il dénonce le soutien sans réserve de l’extrême droite, présenté comme une défense de la liberté d’expression, dissimulant en réalité une convergence d’intérêts idéologiques visant à exploiter cet événement à des fins politiques. En vérité, ce petit jeu a commencé très tôt avec la montée du fondamentalisme religieux, le terrorisme islamiste international et en France la question de la laïcité.

En 1989, la question du foulard à l'école divise profondément la société française. Le ministre de l'Éducation nationale, Lionel Jospin, sollicite l'avis du Conseil d'État, qui rend un avis nuancé le 27 novembre 1989. Le Conseil rappelle le droit des élèves à manifester leurs convictions religieuses à l'école, mais fixe des limites concernant l'expression de signes religieux jugés « ostentatoires et revendicatifs ». Trois ans plus tard, en novembre 1992, le Conseil d'État, à propos d'une affaire similaire au collège Jean-Jaurès de Montfermeil, ordonne la réintégration d'élèves exclues pour avoir porté le foulard. Dans ce contexte, et face à la montée de l'islam radical en France, et des attentats du 11 septembre 2001, une commission présidée par Bernard Stasi est chargée, en juillet 2003 par le président de la République Jacques Chirac, de réfléchir à l'application du principe de laïcité dans la République. Le rapport Stasi, rendu le 11 décembre 2003, dénonce des atteintes inquiétantes à la laïcité. La question du voile à l'école refait surface régulièrement pendant près de quinze ans, soulevant principalement la question de l'intégration des musulmans dans la société française.

Deux visions opposées s’affrontent alors concernant la laïcité. D'un côté, il y a ceux qui cherchent à effacer les différences au nom de l'unité nationale. Selon cette logique, les signes religieux visibles, comme le voile, sont perçus comme des obstacles à une pleine intégration, car ils marquent une distinction qui remet en cause la neutralité de l'école et de l'espace public. De l'autre côté, certains plaident pour la reconnaissance de la diversité tout en maintenant un socle commun de valeurs républicaines. Cette vision suppose que les individus peuvent être différents tout en restant égaux et actifs dans la société. La diversité culturelle et religieuse ne doit pas être perçue comme une menace, mais comme une richesse.

Le débat prend également une dimension féministe importante. Certains féministes considèrent le voile comme un symbole d'oppression des femmes, en particulier dans des contextes patriarcaux où il serait imposé de manière coercitive. D'autres, cependant, défendent le droit des femmes à choisir librement de porter le voile, en soulignant que l'interdiction de celui-ci serait une forme de contrôle sur la liberté individuelle.

1 https://mondafrique.com/libre-opinion/lextreme-droite-francaise-soutiens-boualem-sansal/

Ainsi, la question du voile à l'école dépasse largement l'enjeu de la laïcité. Elle devient également une question de droits des femmes et de liberté individuelle. Le voile, loin de n’être qu’un symbole religieux, devient un objet politique central où se croisent des préoccupations sur l’identité, la liberté individuelle et l'égalité des sexes. Dans ce contexte, la tension entre assimilation et intégration prend tout son sens. Face à cela, certains privilégient une vision de l'assimilation, exigeant l’adhésion complète aux normes de la société française, tandis que d'autres insistent sur une approche inclusive et respectueuse des différences. Cette tension affecte non seulement la place des femmes dans la société française, mais aussi la manière dont l'État doit gérer la diversité culturelle et religieuse.

Quelle opportunité pour la droite française, l’extrême droite et certaines personnalités du milieu social-démocrate, qui voient en Mohamed Sifaoui, ce journaliste très controversé, le porte-parole idéal pour défendre les valeurs républicaines et la laïcité. Se définissant comme musulman, laïc et progressiste de gauche, Sifaoui incarne une voix dissidente, critique de l’islamisme. C’est également à cette époque que Caroline Fourest, féministe et polémiste, se distingue. Ensemble, ils mènent une croisade contre l’islamisme, l’islam et, surtout, contre la gauche, qu’ils accusent de menacer la République en raison de sa complaisance envers l’islamisme. Le terme « islamo- gauchisme », dépourvu de fondement scientifique, devient un instrument redoutable de l’idéologie réactionnaire, souvent utilisé pour discréditer ceux qui osent critiquer cette vision ou qui cherchent à maintenir une approche plus inclusive de la diversité culturelle et religieuse.

Lors des élections présidentielles de 2002, Jacques Chirac obtient 80% des voix contre Jean-Marie Le Pen, qui en recueille 20%. Bien que cette victoire soit écrasante, elle marque néanmoins un climat de division au sein de la société française. Mohamed Sifaoui, en pleine ascension médiatique, est invité sur toutes les chaînes de télévision pour exprimer ses opinions, devenant ainsi une figure incontournable du débat public.

En 2004, l’assassinat de Theo van Gogh aux Pays-Bas par un islamiste radical provoque une émotion considérable, non seulement aux Pays-Bas mais aussi à travers toute l’Europe. Ce meurtre relance le débat sur la politique d'immigration en Europe, déjà exacerbé par l'assassinat de Pim Fortuyn, le leader populiste néerlandais, deux ans plus tôt. La situation se tend davantage avec la publication des caricatures du prophète Mohamed par le journal danois Jyllands-Posten, en septembre 2005. Ces dessins, perçus comme blasphématoires par de nombreux musulmans, provoquent une crise mondiale. Des manifestations éclatent dans de nombreux pays et plusieurs fatwas sont émises contre les dessinateurs et les éditeurs. Les réactions internationales sont multiples. D’un côté, l’Allemagne annonce vouloir utiliser ses contacts dans le monde arabe pour désamorcer les violences et éviter ce qu’on pourrait appeler une « guerre des cultures », d’un autre Philippe Val, directeur de Charlie Hebdo annonce la vente de près de 400 000 exemplaires des caricatures en une matinée.

Sous climat de tension, la montée de l'extrême-droite en Europe

En 2006, l'écrivain Boualem Sansal publie un ouvrage intitulé Poste restante : Alger, aux éditions Gallimard. Ce livre, direct et sans fard, m'a profondément marqué par sa crudité et sa puissance narrative. À travers ce récit, il offre une vision sans compromis de l'Algérie contemporaine de manière sans filtre. Pourtant, l'année suivant, son roman Le village de l'Allemand, prend une autre direction. Dans ce livre, il associe islamisme et nazisme. Que c'est-il passé dans ce laps de temps?

En somme, le passage de Poste restante : Alger à Le village de l'Allemand révèle un changement dans la perspective de Boualem Sansal. Le premier, plus intime, est centré sur l’Algérie contemporaine, ses désillusions et ses frustrations. Le second, tout en restant ancré dans l'Algérie, prend une tournure plus universelle, en abordant des questions liées aux idéologies totalitaires et à leur héritage. Ce passage témoigne d'une évolution dans sa réflexion, qui ne se limite plus aux problèmes algériens, mais s’élargit à une réflexion géopolitique et idéologique plus globale, liant des phénomènes de l’histoire mondiale aux défis contemporains.

Mais cette réflexion, va être instrumentalisée par les courants islamophobes et xénophobes. Luc Ferry reprendra la formule tout en prétendant qu’il ne s'attaque pas à l'Islam. Sansal, dira plus tard : " le jour où je suis parti en Israël, j'ai perdu la moitié de mes amis". Dès lors, il ne cache plus ses accointances avec l'extrême droite française. Il est l'une des figures du comité d'experts du journal électronique "Frontières". Cette stratégie de manipulation, liée à la théorie du grand remplacement, va accentuer les tensions dans la société.

Les attentats du Bataclan du 13 novembre 2015 sont venus alimenter son propos. En fin de compte, ces discours divisent les sociétés, renforcent les préjugés et isolent des populations déjà marginalisées, tout en entretenant une angoisse collective irrationnelle. Qui mieux que des Algériens pour dire haut et fort ce qu’on pense tout bas dans les milieux intellectuels français ? Ainsi, en utilisant leurs positions et leurs statuts, de nombreux médias et les réseaux sociaux alimentent la peur, renforcent l’islamophobie et contribuent à l’isolement de communautés déjà fragilisées.

Les guerres en Afghanistan, en Irak, en Syrie, le problème israélo-palestinien et les attentats à travers le monde ont exacerbé ces peurs et ces tensions, permettant à la droite et à l'extrême droite de transformer la guerre totale contre le terrorisme et l'islamisme en une guerre contre les nouveaux migrants d'origine arabe et musulmane. Les attentats terroristes ignobles sont déplorables, tout comme la montée de l'antisémitisme en Europe et la prolifération des théories complotistes qui ravivent les vieux démons. Cependant, n'oublions pas que ce sont les populations musulmanes, qu'elles soient croyantes ou non, pratiquantes ou non, qui ont été les premières victimes de ces actes barbares et qui continuent à en souffrir.

Histoire d'une consécration

Et maintenant c'est au tour de l’écrivain algérien Kamel Daoud de donner le coup de grâce. Avec une habileté indéniable dans l’art de manier la plume et une construction narrative frôlant la perversité, il s’attaque à l’Islam, aux migrants et à la Palestine sans aucune concession. Se posant en défenseur des Lumières, il s'acharne à dépeindre la France comme une société fantasmée ne répondant en réalité qu'à ses angoisses personnelles. Il diabolise ce moi dont il se défend, en projetant sa haine pour plaire à une société ignorante du monde arabophone et avide de ces récits confortables. L’histoire des viols de Cologne en est un exemple flagrant. Dans la nuit de la Saint-Sylvestre 2016, mille deux cents plaintes sont déposées pour vol, viol et attouchements. Sans attendre, Kamel Daoud publie simultanément deux articles, « Colognisation du monde » dans Le Quotidien d’Oran (18 janvier 2016) et « Cologne, lieu de fantasmes2 » dans Le Monde (29 janvier 2016), dans lequel il accuse les migrants fuyant la guerre en Syrie de « migrants violeurs par fatalité culturelle et religieuse ». Ces textes se transforment en un pamphlet calomnieux et démagogique, contribuant à la propagation de discours haineux et xénophobes de l’extrême droite allemande. Plutôt que de nourrir le débat intellectuel, Daoud choisit la voie de la simplification abusive et de la stigmatisation, alimentant ainsi les préjugés xénophobes . Son ami ADAM SHATZ , collaborateur régulier au New-York Times Magazine lui écrit une lettre 4de désapprobation. « C’est difficile d’imaginer que tu pourrais vraiment croire ce que tu as écrit » lui dit-il. Une année après ces évènements, la justice allemande dément ces affabulations.

En réalité, les violences sexuelles, à grande échelle, et d'autres maux dont sont victimes les femmes ne sont pas propres aux musulmans, comme le suggère l'affirmation du lauréat du Goncourt: « Le sexe est la plus grande misère dans le ‘monde d’Allah’ ». Ces violences existent partout dans le monde. Il faut les combattre d'une manière ferme et collective, en agissant sur les lois, l'éducation et le soutien aux victimes. À titre d'exemple, en Allemagne, l'Église protestante a publié une étude indépendante menée par des universitaires sur les violences sexuelles commises en son sein. Selon une estimation rendue publique 9 355 mineurs pourraient avoir été abusés sexuellement. Des

2 https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/01/31/cologne-lieu-de-fantasmes_4856694_3232.html

3 https://fr.euronews.com/2024/01/25/allemagne-un-rapport-fait-etat-de-2-225-victimes-dabus-sexuels-au-sein-de- leglise-protesta

4 https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/02/20/kamel-daoud-et-les-fantasmes-de-cologne-retour-sur-une- polemique_4868849_3232.html

chercheurs enquêtant sur le scandale depuis 2020 estiment que le nombre réel de victimes pourrait avoisiner les 10 000 cas.

Ces révélations surviennent plusieurs années après une enquête sur l'Église catholique allemande, qui a révélé des chiffres tout aussi choquants concernant les abus sexuels commis par des membres du clergé. De plus, en 2023, le nombre de crimes contre la volonté sexuelle s'est élevé à 52 330, soit une augmentation de 6,2 % par rapport à l'année précédente En France, en 2023, le nombre de victimes de crimes et délits à caractère sexuel5 enregistrées par les services de sécurité est de 60 898 cas en hausse par rapport à l'année 2022 qui enregistre 57 461 cas.

Si Boualem Sansal assume clairement son soutien à l'État d'Israël, Kamel Daoud, lui, adopte une position plus ambiguë, toujours en quête de polémique. Il publiera plusieurs chroniques où il explique, tour à tour, que la guerre en Ukraine est sélective, car les Arabes ne soutiennent pas l'Ukraine, ou encore qu'il n'est pas "solidaire" de la Palestine, arguant que la guerre contre Israël est devenue une guerre sacrée. Pourtant, beaucoup de Maghrébins dénoncent l'annexion de l'Ukraine et soutiennent la lutte du peuple palestinien, même s'ils vomissent le Hamas. Par contre, les deux poids, deux mesures imposées par l'Occident restent indigestes ! Cette incohérence est souvent pointée par ceux qui critiquent la manière dont certaines puissances occidentales appliquent leurs principes de justice et de soutien aux droits humains de manière sélective.

C’est sous cet angle qu’il est pertinent d'analyser la mise en avant, sur les chaînes de télévision et 6 dans les médias français, des écrivains et journalistes tels que Kamel Daoud , Boualem Sansal et Mohamed Sifaoui, ainsi que les réactions qu'ils suscitent sur les réseaux sociaux. Pourquoi déclenchent-ils systématiquement un lynchage médiatique de la part des personnes de culture musulmanes ?

Certains avancent l'argument fallacieux selon lequel ces écrivains et journalistes "courageux" sont attaqués simplement parce qu'ils osent critiquer l'Islam. Mais, leur positionnement va bien au-delà de la critique culturelle et religieuse. Ils deviennent des instruments au service d'une bien-pensance fasciste, édulcorée pour l'occasion. Ce qui les distingue des nombreux intellectuels et cadres d'origine maghrébine et arabophone, c'est leur alignement avec les courants de droite dure et 7 d'extrême-droite, et leur rapprochement avec l’État d'Israël. Boualem Sansal et Kamel Daoud , en particulier, minimisent les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis par Netanyahu au nom de la sécurité de l'État sioniste et font l'amalgame entre Islam, islamisme et terrorisme.

Quand Boualem Sansal, interviewé sur la chaîne numérique Frontière, dit, je cite : " La France n'a pas colonisé le Maroc, parce que c'était un grand état. C'est plus facile de coloniser ces petits trucs qui n'ont pas d'histoire", il est évident que ce ne sont pas de simples mots futiles, sans importance. Il faut replacer ces propos dans un contexte géopolitique plus global comme l'analyse le chercheur 8franco-libanais Gilbert Achcar, sur son blog médiapart , à propos de l'extrême droite et du Likoud de Benyamin Netenyahu.

La mondialisation et les politiques ultra-libérales mises en place depuis plusieurs décennies ont largement contribué à creuser les inégalités économiques et sociales. En France, comme dans beaucoup d’autres pays, ces politiques ont laissé de côté une grande partie de la population. Ce sont souvent les classes populaires, principalement en périphérie des grandes villes, qui ont payé le prix de la délocalisation des industries, de la précarisation de l’emploi et de la réduction des services publics. La dette de la France, sa perte d'influence en Afrique, son positionnement avec le Maroc

5 https://www.vie-publique.fr/en-bref/293304-violences-sexuelles-envers-les-femmes-les-statistiques-pour-2023

6 https://blogs.mediapart.fr/faris-lounis/blog/080924/la-fascination-de-kamel-daoud-pour-l-extreme-droite

7 Voir le blog de Ahmed Hanifi, auteur, écrivain algérien : https://blogs.mediapart.fr/ahmed-hanifi/blog/180224/59-les-mantras-de-kamel-daoud

8 https://blogs.mediapart.fr/gilbert-achcar/blog/030724/quand-l-accusation-d-antisemitisme-devient-une-arme-entre-les-mains-du- neofascisme

sur la question du Sahara occidental, le conflit israélo-palestinien, la guerre au moyen-orient, sont autant d'éléments à prendre en compte dans la montée fulgurante de l'extrême droite à travers le monde, depuis 20 ans .

Lors des élections présidentielles de 2022, Marine Le Pen a obtenu 41,2 % des voix et le Rassemblement National (RN) a remporté 89 sièges au parlement. Aux législatives de 2024, le RN se retrouve avec 143 sièges, marquant une progression spectaculaire. Il est alors légitime de se demander dans quelle mesure certains discours ont contribué à cette ascension. En renforçant les clivages identitaires, plutôt qu'en cherchant des solutions aux problèmes de fond, Mohamed Sifaoui, Boualem Sansal et Kamel Daoud ne sont devenus que des instruments consentants, détournant ainsi l'attention des véritables enjeux.

Maintenant, les loups se pavanent dans Paris!

Nesroulah Yous

Paris le 11 décembre 2024

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