Au soir du 17 juin prochain, quand l'heure des résultats aura sonné, toute l’Europe retiendra son souffle comme ce fut le cas au soir du 29 mai 2005. Dans un peu plus de deux semaines en effet, la Grèce et la France seront appelées à élire leurs députés nationaux. Les enjeux apparaissent d'ores et déjà historiques. Ils peuvent être décisifs.
À ma droite, l’Europe néolibérale dans toute sa splendeur et ses solutions éculées dont les principaux acteurs, à cet instant, poursuivent plus que jamais le rêve supra-national pour se tirer d’affaire et prolonger le dogme financiariste par l'acharnement thérapeutique. À ma gauche, une idée politique soutenue en premier lieu par un petit parti grec appelé à devenir grand et nommé SYRIZA [1].
D’ici à l'échéance électorale, la pression ne manquera pas de monter. Ici, on fait déjà donner l’extrême droite xénophobe pur jus [2] dans les ports grecs pour faire valoir aveuglément et à bras raccourcis la préférence nationale tandis qu’outre atlantique, la dame patronnesse du système capitaliste y allait sans complexe de son « Fais ce que je te dis, mais ne fais pas ce que je fais » [3]. À travers elle, ne nous y trompons pas, un signal d’une violence inouïe était lancé depuis les États-Unis ne demandant qu’à trouver la voie de son expression la plus réactionnaire si le vieux continent s'avisait, courant juin prochain, de ne pas obtempérer aux dictats des marchés et de la fameuse Troïka constituée de la Commission européenne, de la BCE et du FMI.
Casque d'argent
La dame qu'on appellera si l'on veut « casque d'argent », sobriquet évoquant plus ses 380 939 euros de gains annuels exemptés du traitement par l’impôtque sa chevelure argentée, avant de donner gracieusement sa leçon de morale à une Grèce depuis trop longtemps exsangues, nous avait aussi promis le salut par l'application étriquée et assidue des préceptes qui - dans le texte de la novlangue de circonstance - font les ajustements structurels, en clair, les coupes sombres dans les budgets publics et les privatisations opérées jusqu'à l'os.
D’abord, le salut des hellènes et partant celui de tous les pays d’Europe comme de bien entendu, ceux-là même que l’on voit plonger les uns après les autres dans le piège de la récession subie, y compris ceux qui furent distingués par les meilleurs compliments du FMI et de la Commission Européenne, comme l'Irlande, l'Espagne et bientôt les Pays-Bas dont la note est menacée d'être aussi dégradée.
Rilance ?
Le salut, ce devait être l’incontournable « Rilance », terme que Mme Lagarde alors ministre inventa en bonne communicante qu'elle est (sic !). Traduisez, Rigueur & Relance dans l'austérité et la croissance à défaut de s'exercer dans la joie et la bonne humeur. La cure sans alternative possible avant la terre promise.
Hier soir, c'était au tour de M. Hollande qu'on a encore un peu de mal à appeler Monsieur le Président. Il se disait être en action et n'avoir jamais été en transition. Et en guise d'action au sujet de la Grèce, plutôt que de recevoir la visite d'Alexis Tsipras, il y est allé, lui aussi, de ces bons conseils respectueux :
Les Grecs doivent être mis devant leurs responsabilités : attention, ce que vous allez décider le 17 juin va avoir des conséquences, pour vous et pour nous (...) Mais nous vous respectons. Je vous respecte. C'est un changement par rapport à la période antérieure.
Attention ! Oui, mais attention à quoi au juste ? La vérité c'est que la méthode austéritaire vascille bel et bien et si elle venait à tomber définitivement à l'eau, que resterait-il ? La réponse est toute fléchée depuis le 6 mai : la méthode croissancitaire qui recouvre, nous dit-on, plusieurs conceptions internes à l'idéologie de la croissance histoire de nous laisser croire qu'il y a là encore matière à un choix supposément démocratique. Il y aurait en effet à choisir entre celle que concéderait Mme Merkel et celle qui fait courir M. Hollande à travers l'europe et le monde, à pas cher.
Vu à la Télé
La première conception ressemble à si méprendre à la merkelite aigue, cette austérité toute teutonne faite de flexibilité, de prédation des biens sociaux et de job à 1 euro de l'heure. La seconde, s'obtiendrait par la chasse aux déficits qui devrait dégager suffisamment de marges pour assurer le service de la dette (les intérêts, on verra le capital plus tard) et une redistribution plus juste mais le tout à moyens constants. Une redistribution de quelques choses mais de quoi et de combien ?
On le verra bien assez tôt et sans trop attendre. L'heure toute estivale du « coup de pouce » donné au SMIC ne saurait tarder. Il « devra rattraper ce qui n'a pas été accordé cette dernière année » tout en veillant « à ce que cela ne déstablise pas les entreprises » nous disait hier soir notre bon Président, vu à la Télé. C'est tout dire à l'heure de la démultiplication des plans a-sociaux et des délocalisations en pagaille.
Trève d'ironie car il faut craindre que la croissance, quoiqu'il en coûte, ne sera jamais suffisante pour régler une dette dont les mécanismes pervers, quoiqu'on en dise, tiennent plus de l'escroquerie que du sauvetage ou de la solidarité et qui pour l’essentiel, on le mettra sans doute à jour tôt ou tard, est indue voire même odieuse.
Crois-sens
Bien plus que l'apercevoir comme le bout du tunnel, il faut bien plutôt la craindre car, Oiseau de malheur ! Cassandre ! et Mauvais augure !, comme nous en avertit Jean Gadrey, « La croissance ne reviendra sans doute jamais », ce que Geneviève Azam expliquait autrement en nous rappelant que « la croissance est un jeu à somme nulle ». À craindre et même aussi à redouter car plus on accumule de croissance et plus la croissance est difficile à aller chercher - avec ou sans les dents - tant la pression de la demande internationale opère sur des matières premières fossiles de moins en moins de bonne qualité et de plus en plus rares. Ainsi, plus la concurrence entre les pays et leur mains d'oeuvre est tendue et plus les effets de la croissance finissent par se retourner contre les plus faibles d'abord.
Que faut-il donc en déduire ? Quelle solution ?
D’abord faire le tri dans les dettes et ne retenir que ce qui a bénéficié aux politiques publiques et non au sauvetage des banques. On peut attendre les résultats de l’audit de la Cours des comptes. On peut aussi soutenir l’effort déjà entamé des audits citoyens [4] menés à travers l’Europe.
Ensuite, entre peuples d'europe, faire cause commune pour ne plus avoir à traiter qu’avec les banques centrales lors de l'établissement de nouveaux emprunts pour financer les politiques publiques à taux modiques et constants, c'est-à-dire à moindre frais.
Enfin, ne plus chercher à élargir absolument ce « gâteau empoisonné » qu'est le PIB, en réalité un néocolonialisme forcené et sans avenir fait d'extractions insensées de matières fossiles escroquées et de productivisme délocalisé, pour tendre à l’autosuffisance en matière première et en énergie renouvelables dans le cadre d'une économie relocalisée faite tant qu'il est possible de circuits courts.
Faut-il le rappeler ?
Les ressources non renouvelables représentent 70 % de l’ensemble des ressources nécessaires à l’économie française (extraction intérieure et importations) en 2007. La quantité totale de ces ressources non renouvelables a progressé de 8 % en 17 ans. Alors que la quantité de matières issue de ressources non renouvelables extraites du territoire en 2007 est quasi-identique à celle de 1990, leurs importations ont progressé de 25 %. [5]
En attendant, la « Rilance » doit être mise sous une surveillance citoyenne la plus étroite [6] et préparons-nous à devoir battre ardemment le cul des casseroles.
Notes :
[1] En campagne : Alexis Tsipras à Paris
[2] L'extrême droite, dernier recours contre la crise - Courrier International
[3] La patronne du FMI a mis le feu aux poudres en estimant dans une interview au quotidien britannique The Guardian que « les Grecs devraient commencer par s'entraider collectivement » en « payant tous leurs impôts » tout en se disant moins préoccupée par leur sort que par celui des enfants d'Afrique.
[4] http://www.audit-citoyen.org/
[5] http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lessentiel/ar/299/1161/besoin-matieres-productivite-materielle-leconomie.html
Petit Observatoire de la Rilance
- Serge Latouche : « La Banque centrale européenne, c’est Dieu »
- La croissance mondiale va s'arrêter - H. Kempf
- Bilderberg 2012 : quels objectifs ? (I)
- Le référendum irlandais, un test pour la politique d'austérité dans la zone euro - AFP/F24
- L'Irlande vote sur le pacte budgétaire "entre peur et colère" - LeMonde.fr
- Bilderberg 2012 et « silence français »
- Bilderberg 2012 : la presse française, bâillonnée ?
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- ALERTE : Empêcher le totalitarisme austéritaire