En bourse, les investisseurs achètent des actions, réalisent une plus-value, ou une moins-value, et vendent leurs titres. Il s'agit là du schéma classique connu de tous. Ils achètent et revendent. Mais la bourse a cela de particulier qu'il est aussi possible d'inverser la chronologie habituelle. Au lieu d'acheter puis de vendre, un investisseur peut aussi vendre, puis acheter. Cette opération spéculative est dénommée une vente à découvert ou VAD. En France, cela se pratique néanmoins l'AMF a déjà mis le hola pour limiter la spéculation qui n'aide pas à la stabilité des marchés.
Le principe et les raisons de la vente à découvert sont simples à comprendre. L'investisseur s'attend à une baisse de l'action et se positionne sur le titre en cédant des actions, en espérant les racheter quelques jours ou semaines plus tard à un cours inférieur. Si son anticipation est juste, il pourra ainsi générer une plus-value sur un marché baissier. Ainsi il ne joue pas la bonne santé économique d'une entreprise mais plutôt sa déconfiture à un instant t. Il joue sur le malheur boursier, ce qui pose déjà un dilemme moral.

Agrandissement : Illustration 1

Le cas Elon Musk
Elon Musk est sans doute le plus grand inventeur et entrepreneur de notre temps, commercialisant la voiture électrique Tesla mais étant également derrière les compagnies Space X et SolarCity. Mais c'est sa capacité à bouleverser les conventions associées à la gestion du flux financier généré autour de sa société cotée en bourse qui l'a amené à se battre dernièrement, non sans y laisser des plumes vis à vis du gendarme boursier américain, la SEC.
Depuis plusieurs années un groupe d'investisseurs misent des milliards sur la chute du cours de l'action Tesla or ils ont brûlé beaucoup de cash en espérant cela c'est pourquoi en septembre ils ont cherché à se venger financièrement. Ils ont profité pour cela du comportement fantasque de Musk en l'accusant de n'avoir pas respecté les règles et qu'il était question de manipulation du marché.
Ils avaient probablement raison sur certains points. L'annonce d'une offre de privatisation, le détail de la cotation devant être atteinte pour sortir de la bourse et l'assurance aux investisseurs que le financement a été couvert ne doivent pas être faites à la légère, et certainement pas être transmises via Twitter.
Ces types d'annonces doivent être réfléchies et couvertes par le service juridique de l'entreprise et le conseil d'administration. Il ne peut pas être basé sur un caprice ou pour le bon plaisir de Musk.
Cependant comme beaucoup d'entrepreneurs qui créent et exploitent des sociétés cotées en bourse, Musk combat de nombreux sceptiques et attire de nombreux clients qui partagent sa vision et aiment son produit.
C'est un pari à long terme et un jeu risqué à court terme.
En tant que tel, Tesla est un candidat classique pour les vendeurs à découvert - les investisseurs qui vendent des actions empruntées pour acheter plus tard les actions à un prix moins cher pour faire un profit. Parier sur un échec ou comme sur l'arrivée de problèmes de dentition est un pari sans trop de risques, en théorie.
Tesla est une cible qu''ils affectionnent car l'ambition de la société et de son patron est immense, et les objectifs de disruption d'une industrie telle que l'automobile peu crédible pour certains. C'est pourquoi un grand nombre d'investisseurs de Tesla ont pris des positions courtes - en prenant des paris permanents que le cours de l'action chuterait.
Mais lorsqu'en août, Musk a annoncé sur Twitter qu'il allait privatiser la société à 420 $US - ce qui était bien au-dessus du prix du marché - ceux qui avaient investi dans une baisse de prix ont perdu à hauteur de 1,3 milliard $. Logiquement, ils ont essayé de récupérer l'argent et cela passe par des attaques via le système judiciaire américain.
De fausses déclarations ?
C'est un chiffre important, mais par rapport à la capitalisation boursière de Tesla, cela restait cohérent. Un des soucis rencontrés par Musk est que selon certaines rumeurs il lançait cette annonce pour se venger de ceux qui pariaient contre lui.
L'histoire démontre clairement que, dans les jours qui ont suivi, Musk s'est éloigné de ses prétentions initiales selon lesquelles il privatisait l'entreprise. Il a inclus des conditions selon lesquelles il avait besoin de l'approbation du conseil d'administration même s'il a dit qu'il avait le financement en place entre autre grâce au fond d'Arabie Saoudite.
Mais la motivation de Musk était-elle réellement le désir de dégommer les investisseurs qui prenaient des positions courtes ? C'est ce que les tribunaux devront maintenant décider.
Si l'on met de côté les motifs des investisseurs qui ont court-circuité Tesla, il n'en demeure pas moins que les investisseurs normaux n'ont pas été informés des faits. Des investisseurs innocents se sont retrouvés pris dans la bataille entre les shorts et Musk.
Agir " pour le long terme ".
Pour ce qui est du motif, le courriel envoyé aux employés suggère que Musk tentait de préserver les intérêts de la société à long terme. Extrait :
"Plus tôt aujourd'hui, j'ai annoncé que j'envisageais de privatiser Tesla au prix de 420 $US/action. Je voulais vous faire connaître mon état d'esprit et la raison pour laquelle je pense que c'est la meilleure façon d'aller de l'avant. Premièrement, la décision finale n'a pas encore été prise, mais la raison de cette décision est de créer l'environnement qui permettra à Tesla de fonctionner au mieux.
En tant que société cotée en bourse, nous sommes soumis à de fortes fluctuations du cours de nos actions, ce qui peut constituer une distraction majeure pour tous ceux qui travaillent chez Tesla, qui sont tous actionnaires. Le fait d'être côté avec des données publiques nous soumet également au cycle des bénéfices trimestriels qui exerce une pression énorme sur Tesla pour qu'elle prenne des décisions qui peuvent être justes pour un trimestre donné, mais pas nécessairement pour le long terme."
A quand le retour sur investissement
L'ennui pour lui, c'est que le marché a pris ça pour de l'évangile.
Donc les vendeurs à découvert ont prétendu que Musk ne faisait que se venger. Les documents de la cour indiquent que Musk a eu une querelle publique de longue date avec les vendeurs à découvert et qu'il les a menacés dans un passé récent.
Cela s'est finalement soldé par un accord avec la SEC où Elon Musk a accepté de ne plus être Président ainsi qu'une amende de 40 millions de dollars. Ces turbulences ont entraîné une chute du cours de l'action, qui s'est néanmoins reprise récemment suite à la publication des résultats records pour le 3ème trimestre.
C'était la plus belle réponse que pouvait fournir Musk et ses équipes à ces détracteurs et vendeurs à découvert qui parient sur sa chute.
Certains ont même changé leur fusil d'épaule estimant qu'il avait pleinement ses chances pour révolutionner l'industrie automobile.
https://www.forbes.com/sites/kenkam/2018/10/23/tesla-short-sellers-start-to-throw-in-the-towel/
https://www.moneycontrol.com/news/business/tesla-third-quarter-profit-quiets-critics-shares-surge-3088321.html