Budgets insuffisants, matériels vétustes, conditions d’hospitalisation difficiles, scandales de corruption… Le système de santé roumain doit encore faire d’énormes progrès pour soigner ses patients au mieux.
Dans son préfabriqué de l’Institut national des maladies infectieuses, Alexandru Rafila, chef du département de microbiologie, est un peu dépité. “Nos ressources sont limitées”, explique l’homme, par ailleurs consultant pour le ministère de la Santé. Les hôpitaux publics affichent des murs décrépis, les équipements médicaux datent et les médicaments et le matériel sanitaire viennent parfois à manquer, comme le rapporte le quotidien roumain Adevarul.
“Nous avons besoin de plus d’argent, mais surtout de plus transparence et d’efficacité dans l’utilisation des fonds alloués à la santé”, explique Alexandru Rafila, d’un air sybillin. Plus de transparence ? “Notamment dans l’acquisition d’équipements au prix juste, ou encore au moment où l’achat est réellement nécessaire”, ajoute t-il. Sans vouloir se faire plus précis.
Alexandru Rafila, consultant pour le ministère de la Santé, dans son laboratoire de microbiologie (Crédit photo : Sophie Gauthier)
Un secteur marqué par plusieurs scandales
La Roumanie consacre environ 4% de son PIB à la santé, contre 10% pour la France. Les salaires des médecins tournent autour de 300 euros par mois pour dix ans d’études. Résultat : au sein du système hospitalier, la corruption est omniprésente.
Gérant d’un hôtel dans la capitale, Valentin, 30 ans, est formel : “Quand on doit subir une opération, il faut payer tout le monde, surtout les infirmières. Si tu leur donnes de l’argent, elles s’occupent de toi et appellent le docteur. Autrement, elles font le minimum”. À côté, son ami Cristian, 32 ans, opine. “Ce sont même elles qui fixent des tarifs. Elles te disent combien tu dois donner pour le médecin et l’anesthésiste”, ajoute-t-il.
Pourtant, sur le papier, la sécurité sociale roumaine est censée couvrir tous les frais des patients, hospitalisation et médicaments compris. Il y a quelques jours, une fraude à l’assurance maladie a mis en cause plusieurs médecins de l’hôpital Fundeni, à Bucarest. Les docteurs remplissaient de faux reçus pour des médicaments contre le cancer afin de se faire rembourser par l’assurance. Mais les patients n’en voyaient jamais la couleur.
Actuellement, six des treize personnes interpellées sont en garde à vue. Ce qui ne satisfait pas pour autant Alexandru Rafila. “C’est un lynchage médiatique qui nuit à l’image du personnel hospitalier alors qu’il travaille dans des conditions difficiles”, regrette-t-il.
L’essor du privé
Dans son bureau, au 7e étage de l’Institut d’oncologie de Bucarest, Rodica Anghel fait le même constat. “Nous n’avons pas assez d’argent pour traiter les patients”, déplore la chef du département radiologie. Malgré un salaire médian parmi les plus bas d’Europe, les Roumains se tournent de plus en plus vers des cliniques et assurances privées.
Une manne financière pour les compagnies d’assurance étrangères qui proposent même des forfaits spécifiques pour se faire soigner à l’étranger. En 2011, le président roumain a lui aussi quitté le pays pour se faire opérer d’une hernie discale dans un hôpital autrichien.
Sophie Gauthier.