Dans les rues de Chisinau, de nombreuses agences proposent aux étudiants de participer aux programmes “Work and Travel”. De quoi gagner, à l’étranger, des salaires beaucoup plus élevés qu’en Moldavie. La formule attire les jeunes, désireux de quitter un pays dépourvu d’opportunités.
Dans le centre-ville de Chisinau, la capitale moldave, impossible de passer à côté des agences qui proposent aux jeunes de partir “voyager et travailler” à l’autre bout du monde, le temps d’un été. Réservés aux étudiants, ces programmes offrent des séjours à l’étranger généralement hors période universitaire, soit de fin mai à mi-septembre.
Sur la rue Banulescu-Bodoni, l’entrée de “Student Adventure” détonne avec sa façade aux allures de cabanon et sa planche de surf servant de support publicitaire. Derrière son bureau, Artiom, 26 ans, reçoit les candidats au voyage. Comme l’indiquent les plaques d’immatriculation du Wyoming et de Californie accrochées au mur, l’agence est spécialisée dans le programme “Work and Travel” en direction des États-Unis.

Palier les salaires bas de Moldavie
“Tous ceux qui travaillent ici ont participé au programme, explique Artiom, moi-même j’ai réalisé trois voyages de ce type, notamment dans le Wisconsin“. Désormais de l’autre côté du dispositif, il vend les services de l’agence, dont un forfait qui inclut la recherche d’un emploi, l’obtention d’un permis de travail temporaire, une assurance maladie, une aide à la préparation des documents administratifs, ainsi qu’une assistance sur place. “J’aimerais y retourner, mais je ne suis plus étudiant. Ce qui est certain, c’est que je ne veux pas rester à Chisinau : aux États-Unis, je pouvais gagner jusque 8.000 dollars en trois mois. Même avec les frais sur place, j’ai pu économiser“, assure le jeune homme.
En occupant des jobs saisonniers de serveurs, vendeurs ou cuistots, les étudiants gagnent bien plus qu’en Moldavie où le salaire moyen tourne autour de 180 euros par mois. Le pays, qui se rapproche de l’Union européenne dont il espère devenir membre en 2019, reste le plus pauvre d’Europe. Et se classe au 113e rang sur 187 dans l’indice de développement humain, juste après l’Egypte et avant les Philippines. “Il est très difficile de trouver un travail en Moldavie, et même avec un salaire, je ne peux pas assurer toutes les dépenses de première nécessité. Les vêtements, par exemple, coûtent aussi cher qu’en Europe occidentale“, déplore Artiom.
Parmi les jeunes qui franchissent le seuil de “Student Adventure”, certains font davantage valoir l’expérience humaine que les gains financiers. Jean, un étudiant en droit de 23 ans, s’envole vers Boston, le 26 mai, pour sa troisième participation au programme : “Je pars surtout pour améliorer mon anglais et me faire de nouveaux amis. Avec tout ce que je dois payer sur place, je ne ramène que 1.000 dollars en Moldavie.”
Un premier départ
Un peu plus loin sur la rue Banulescu-Bodoni, une autre agence propose le programme “Work and Travel”, mais pour la France. Sur les murs blancs du petit local, des aquarelles représentent les monuments emblématiques de Paris. Alexandra, 24 ans, reçoit les dossiers des candidats qui devront notamment passer un entretien par Skype avec leur employeur français.
Elle-même étudiante, la jeune femme n’a encore jamais participé au programme, mais envisage de rejoindre, à terme, la Suisse. “En Moldavie, il n’y a pas autant d’opportunités qu’en Europe. Je vais poursuivre mes études à Brasov, en Roumanie, et j’aimerais ensuite intégrer l’école hôtelière Les Roches, en Suisse”, confie la jeune femme.
Selon l’Organisation internationale du travail, au moins 25% des Moldaves en âge de travailler sont employés à l’étranger. Dans ce contexte, les programmes qui combinent vacances et travail offrent l’occasion aux jeunes Moldaves d’expérimenter l’exil et d’explorer un pays où ils s’installeront peut-être par la suite de façon plus prolongée.
Souen Léger.