Michèle Iltis nous a quittés. Une maladie brutale dont les causes ont laissé perplexe le corps médical nous a enlevé en quelques jours cette collaboratrice de grande qualité mais plus encore l’amie joyeuse, pétillante d’énergie et de curiosité, une véritable bourrasque de vie.Michèle était connue dans Mediapart pour ses articles hauts en en couleur et envolées, parce qu’elle avait des convictions et que, très bien informée, elle prenait position dans des débats. Effectivement, elle aimait que la lumière soit faite là où l’écran de fumée est de mise pour le plus grand confort de tous et le plus grand profit de quelques uns.
De ce fait, elle mettait souvent les pieds dans le plat sans craindre de s’attirer quelques répliques offusquées de ceux qui savent et jugent sans toujours vraiment connaître ou en négligeant le contexte.
Michèle m’a fait connaitre Mediapart. Elle personnifiait bien l’esprit de ce site-journal qui, comme je le comprends, se caractérise par un parler vrai, un parler juste, non assujetti aux pressions ou intérêts qui bâillonnent souvent la critique et l’analyse objective citoyenne. Mediapart et tout l’esprit qu’il véhicule comptaient certainement en Michèle une fameuse ambassadrice: j’ai encore en tête dans son dernier article du mois d’aout la liste savoureuse de « possibles gisements d’économie qui permettraient de réunir 9 euros par mois pour s’abonner à Mediapart ».
Mais Michèle se contentait pas d’écrire, elle était engagée sur plusieurs fronts, tous plus nobles les uns que les autres, et dont je ne pourrai ici que citer quelques exemples.
Elle s’était particulièrement intéressée à certaines maladies, de type neurodégéneratif, pour lesquelles les traitements proposés ont non seulement une efficacité questionnable, mais présentent de plus des effets secondaires qui souvent aggravent le handicap des malades et parfois atteignent la régulation intime de leurs comportements. Michèle tenait pour inadmissible que le silence le plus total soit la seule et unique réponse et réaction alors même que les questions majeures soulevées concernent tout le monde, le respect de la dignité de l’Homme, de son intégrité physique, psychique, mentale et sociale et de sa souveraineté sur ses choix et son destin.
Elle espérait ainsi, en osant s’attaquer à cet inquiétant mutisme, contribuer à la prise de conscience sur les risques évidents d’une science sans éthique et dominatrice de ceux dans l’ignorance du fonctionnement de l’Humain.
Pour soutenir les malades, Michèle, toujours généreuse, a créé plus d’un site internet (grand15.eu, infomyalgies.com, sur medicalistes.com) et a collaboré à de nombreux forums. Elle avait une très haute opinion de la médecine et des médecins et supportait mal qu’ils prêtent le flanc.
Ainsi, elle a été pendant plusieurs années l’aiguillon d’un groupe de médecins généralistes qu’elle informait en les dérangeant mais ils l’acceptent et en redemandent «car ils savent que c’est pour leur bien», disait-elle. Sensibilisée par la disparition de plusieurs amis médecins ou relations de son entourage, elle y fustigeait la conduite managériale de la médecine, bloquée par ses dogmes, et ses conséquences à savoir les dérives de certains de leurs engagements par serment, leur désintérêt de leur mission première et de la réalité vécue par les malades ; et pour tous les autres, les risques de burn-out par les mêmes mécanismes qu’à France Telecom, avec 14% de suicide, un taux anormalement élevé, (contre 5.4% dans la population témoin).
Pour d’autres maladies, comme la fibromyalgie, le combat était celui de la réalité de la maladie en tant que telle, sa reconnaissance pour mettre en place sa prise en charge financière et sociale, encore l’objet de discussions aux niveaux les plus hauts des instances de santé.
Elle a aussi crée une maison d’édition (Grünewald), lui permettant de publier une revue spécialisée dans la fibromyalgie : Myalgies International et des ouvrages tournés avant tout vers le soin et la santé.
Enfin, ces deux dernières années, elle a animé un club de réflexion et de travail entre professionnels de santé de tous horizons, tous en accord avec une vision adogmatique des pathologies et largement ouverte aux idées de chacun.
Michèle adorait favoriser ces rencontres tournées vers le réel et sa complexité qui font tomber les barrières et permettent des approches transdisciplinaires (biologie, biochimie, psychologie, médecine, comportementalisme..) élargies à d’autres compréhensions (médecine asiatique, ayurvédique), à d’autres expériences thérapeutiques (hypnothérapie, acupuncture, massages) comme à d’autres habitudes de développement personnel (connaissance de soi, relaxation, méditation, etc.).
Les participants ont toujours été enchantés de pouvoir être pour une fois libres et créatifs, hors carcan conventionnel, dans un brainstorming qui leur permet d’intégrer toutes les connaissances de la pathologie et de lier leurs interrelations au travers des diverses dimensions de l’humain atteint.
Est-il besoin de rajouter que tout était "voulu avec bonté ", bénévole, bien mieux que gratuit, sans prix et précieux, car donné sans limite en partage, avec grâce, plaisir et générosité.
Aujourd’hui tous ses amis ont du mal à réaliser que Michèle, femme de cœur, humaniste et libre, leur ait été si soudainement arrachée et, pour quelques uns, ses plus proches, n’est plus là, pétulante, pleine de vie pour leur insuffler l’énergie nécessaire pour exister encore, car pour ceux-là, c’est bien de cela dont il s’agit.
A ses deux enfants, notre plus chaleureuse amitié et notre immense sympathie.