D'après des statistiques fiables (1), la version gratuite de ChatGPT d'OpenAI serait utilisée par des centaines de millions d’utilisateurs par mois et sa version entreprises aurait dépassé le million d'utilisateurs (2). La nouvelle mouture qui vient de sortir, OpenAI o1, surjoue l’anthropomorphisme afin d'en démocratiser son utilisation et va dans le même sens qu’Apple, Google ou Microsoft pour en faire des compagnons voire des copilotes indispensables de nos vies.
On comprend alors comprendre que ces outils sont là pour longtemps et qu'il faut en réfléchir les usages.
Si l'on peut voir facilement des applications utiles dans le monde du travail, cependant qui restent étrangement peu productives, on a du mal à en voir les usages grand public ; ici on lit génération de nouvelles recettes de cuisine ou des cocktails, des prédictions de cours de bourses, générer ses vœux de mariages ou encore... le prochain résultat du loto !
Pour finir, certains s'en servent même comme d'un ami imaginaire, voire d'un psychologue, et même d'amoureux virtuel ! Quel triste monde.
Tout ceci resterait anecdotique si ces utilisations n’étaient pas très énergivores. Une seule requête ChatGPT consommerait 2,9 wattheures, soit près de dix fois plus qu'une recherche Google (0,3 wattheure).
Il faut bien écouter Sushia Luccioni, spécialiste sur le sujet qui nous alerte sur les effets dévastateurs de cette technologie dans une étude de septembre 2024 (3) : « Chaque fois que nous interrogeons un modèle d'IA - que ce soit via notre téléphone, une interface de chat ou un haut-parleur intelligent - cette requête doit passer par du matériel physique pour nous fournir une réponse. Les modèles d'IA devenant de plus en plus volumineux et complexes, ils nécessitent également un matériel plus puissant pour les faire fonctionner. »
L'entrainement de ces modèles dit de large langage (LLM) est aussi un problème en soit.
« L'entraînement d'un modèle d'IA est un processus à forte intensité de calcul, et les modèles les plus récents ont émis des quantités importantes de CO2e au cours de leur développement. Par exemple, l'entraînement de GPT-3, le modèle sur lequel ChatGPT était initialement basé, aurait provoqué l'émission de 552 tCO2e, ce qui équivaut approximativement à faire 19 fois le tour de l'équateur en voiture. " Tout est dit dans un document de l'OCDE qui préconise "la nécessité d'adopter des pratiques durables dans ce domaine. » (4)
Sam Altman l'a reconnu lui même lors du précédent Forum de Davos en déclarant que « la technologie de l'IA consommera beaucoup plus d'énergie qu'initialement prévue » (5)
Nous ne pouvons donc pas continuer à utiliser ces outils de façon aussi inutile si nous souhaitons en faire un usage responsable et surtout durable.
Puisque certains y voient presque un "oracle", ne serait-il pas de bon ton de revenir à la sagesse grecque, mère de toutes les philosophies et se poser les bonnes questions avant d'utiliser cet outil "magique". En effet, l'utilisation de l'Oracle ne se faisait que dans des cas très précis. Cela nous aiderait peut-être à repenser nos usages et à réfléchir avant d'utiliser les IA génératives à tort et à travers.
Il faut savoir qu'Il y a plus de deux mille ans dans la Grèce antique, le temple d’Apollon, situé sur le mont Panasse accueillait en son sein l'Oracle de Delphes, aussi connue sous le nom de Pythie. Ses prophéties, souvent exprimées de façon crypté ou poétique, fascinaient les habitant de la cité grecque.
Dans le vestibule de ce temple étaient gravées les devises des Sept Sages :
"Connais-toi toi-même"
Sans rentrer dans de grandes considérations philosophiques puisque Socrate l'adopta dans sa pensée en lui donnant un sens nouveau, on peut essayer de l'expliquer de façon simple.
Une pensée populaire a été tirée de cette maxime qui signifie "Connais ta condition humaine et ses limites", on pourrait y voir l'idée de ne pas chercher des réponses à toutes les questions auxquelles nous ne savons pas répondre, mais plutôt où nous cherchons à compléter nos connaissances et à les faire grandir. Apprendre peut-être aussi à poser la bonne question, faire le bon prompt et surtout comprendre la réponse qui nous est donnée pour l'articuler avec nos connaissances.
"Rien de trop"
Le symbole de la mesure, on pourrait l'appliquer à nos utilisations de chatGPT.
A-t-on vraiment besoin d’utiliser Chatgpt pour trouver une recette de cocktail ou des résultats sportifs. C'est ce que va essayer de nous faire croire OpenAI en développant une alternative aux moteurs de recherche pour capter au maximum notre attention...
Autre point, peut-on vraiment croire que cet outil est notre ami ou pire, un psychologue ?
Que l'on peut discuter avec lui et créer une relation de confiance ? Tout ceci relève du mythe de l'anthropomorphisme auquel veut nous faire croire OpenAI.
La consommation électrique de ce type d'outil nous invite à ne pas l'utiliser ou sinon par ce principe de "rien de trop", c'est-à-dire toujours avec parcimonie.
Il faut donc se poser la question à chaque fois que l'on va sur son LLM préféré: n'ai-je pas un autre moyen, une autre alternative à l'outil et ai-je besoin de cette réponse ?
"Si tu t'engages, voilà le malheur"
Cette maxime conseillait d'observer la mesure en toute chose. On peut faire un parallèle avec le fait de prendre en compte les réponses de ChatGPT sans recul au risque de légitimer des hallucinations qui peuvent nous porter préjudices ou porter préjudice aux autres. On se rappelle pour cela des dernières inventions du LLM d'Apple aujourd'hui désactivé car à la limite de la diffamation (5). En effet, l'IA a quand même déclaré que le tennisman Rafael Nadal avait révélé son homosexualité et a aussi assuré que Luigi Mangione s’était suicidé après son arrestation pour le meurtre du patron d’UnitedHealthcare !
Autant dire que si l'on colporte ces informations sans en vérifier la véracité, on engage sa propre responsabilité. Il en est de même dans le monde du travail, il faut être très vigilant avec les informations et documents fournis aux outils et aux réponses qu'ils nous retournent.
En conclusion, les IA génératives restent des outils statistiques et ne tombons pas dans le piège d'une IA qui serait à l'égal de l'homme, voire supérieure… alors utilisons-les de façon raisonnée et proportionnée, et nous en sortirons grandis en tant qu'êtres humains.
Et n'oublions pas, "l'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit", comme nous l'enseignait Aristote, alors soyons ce sage qui réfléchit.
(1 )https://explodingtopics.com/blog/chatgpt-users
(4) https://oecd.ai/en/wonk/navigating-the-environmental-impact-of-ai
(5) https://dig.watch/updates/sam-altman-at-davos-wold-economic-forum-2024