Une tradition politique
« Live in New York, it’s Saturday Night ! » Cette phrase qui est prononcée depuis trente ans sur NBC, tous les samedis soir, les Américains l’ont tous entendue. Le premier numéro de cette rentrée du Saturday Night Live, animé par Michael Phelps, le médaillé olympique a eu un énorme succès et son sketch introductif est déjà considéré comme un classique : Sarah Palin et Hillary Clinton, jouées par Tina Fey, et Amy Poehler lançaient un appel « uni » pour lutter contre le sexisme dans les campagnes électorales (« et dire que j’étais il y a deux ans maire d’une ville de 9000 habitants, et que je suis maintenant à un battement de cœur de la Maison Blanche », dit Sarah Palin à Hillary Clinton qui bout à ses côtés). Le destin de cette émission dans laquelle les plus grands comédiens et humoristes américains ont officié (le regretté George Carlin, décédé fin juin dernier, sorte de synthèse extraordinaire entre Pierre Desproges, Coluche et Georges Brassens, pour son côté vieillard indigne, sans la musique, a été son premier hôte) est représentatif de cette persistance de la satire politique, malgré la concentration des medias. C’est là le miracle américain : puisque les medias sont concentrés et que certaines rédactions sont de plus en plus sous pression, ces late shows permettent à toute cette pression de se relâcher pendant quelques heures, et les hommes politiques sont les premiers à apprécier l’existence de telles critiques. Ils jouent le jeu et adorent être malmenés, pour ne citer que quelques uns, par David Latterman, Conan O’Brien, et bien entendu par Stephen Colbert, Jon Stewart ou Bill Maher.
Un jeu recherché par les politiques
Le passage dans ces émissions est une étape obligée pour gagner en popularité. Mike Huckabee, responsable de la défaite de Mitt Romney lors des primaires républicaines, a usé de cet outil pour se rendre populaire auprès du jeune électorat qui l’a apprécié même s’il ne votait pas pour lui. Mais il est vrai que l’ancien gouverneur de l’Arkansas est doté d’un sens de l’humour remarquable qui fait le régal des journalistes : selon certains, il était le plus drôle des candidats à suivre lors des primaires, jouant de son soutien par Chuck Norris. Stephen Colbert et Craig Ferguson, acteur anglais naturalisé américain, ont amusé le Dîner des Correspondants de la Maison Blanche en présence du président américain. Alors que leurs questions sont en même temps très redoutées : une mauvaise réponse et l‘homme politique sera moqué sur la toile.
Sarah Palin : l’illustration parfaite du rôle des late shows
Ces émissions ont l’avantage qu’elles synthétisent avec humour les grandes questions politiques du moment, le Saturday Night Live en étant le summum. Le sketch représentant Sarah Palin et Hillary Clinton a été salué par la gouverneure d’Alaska. Il sera rejoint par le sketch du samedi 20 septembre, où l’on voit John McCain se rendre dans un studio pour enregistrer de nouveaux messages d’approbation de clips de campagne, pensant que le précédent enregistrement doit être usé à force d’emploi. L’humour politique américain est très développé, toujours très impertinent, n’hésite pas à soulever les questions qui ne pourraient être posées autrement. Les politiques et même les journalistes « sérieux » le reconnaissent, et n’hésitent pas à dévoiler des anecdotes qui sont révélatrices mais ne sont pas suffisamment politiquement correctes pour CNN ou FOX NEWS. Si certains chroniqueurs se permettent des impertinences sur ces chaînes car c’est leur marque de fabrique, ils sont rares. Les critiques de Sarah Palin faites par Bill Maher sont aussi violentes que les propos de Jack Cafferty sur CNN suite à l’entretien qu’elle a accordé à CBS et qui était une catastrophe de l’avis de tous. Mais Cafferty est l’exception.
SNL a même fait un sketch en ne changeant aucun des propos de la gouverneure de l’Alaska pour en montrer l’incohérence. Il est vrai que Tina Fey n’est pas une supportrice de cette dernière : elle a demandé récemment aux Américains de faire en sorte qu’elle n’ait plus à jouer ce rôle après le 4 novembre. De ce point de vue, les late shows sont paradoxalement, en même temps qu’applaudis, critiqués par ceux qui s’en prennent aux medias libéraux, de gauche, des côtes Est et Ouest, comme Sarah Palin l’a fait lors de son discours d’investiture.