Liban: effondrement de la mère patrie des Phéniciens
- 14 juil. 2020
- Par Nicolas Emilien
- Blog : Histoire de...


Et puis, un jour, aux clameurs de la rue, l’arbre est tombé. Comme ça. D’un coup. La foule s’arrêta. Et tous regardèrent, incrédules, cet être végétal sans vie. Et tous furent étonnés ! Mais pourquoi, pourquoi cette incompréhension ? Pourquoi cet étonnement, puisque tous sont responsables de cette inéluctable fin ? Fin si bien reflétée dans cet éblouissant concert. Simultanément, les cages de milliers d’aides ménagères et travailleuses domestiques furent ouvertes dans cet ouragan.

Que faire alors ? Alors, ensemble. Oui, ensemble ! Le peuple va devoir se rassembler par-delà ses divergences et ses contradictions et regarder dans la même direction. Mais maintenant où souhaite-t-il aller, ce peuple libanais ? Maintenant que le pays est en morceaux, rien ne sert d’essayer de les recoller. Il va falloir repenser l’unité nationale et créer un autre puzzle. Pour ce peuple libre, créatif et entreprenant, la tâche est à portée de cœurs.

Le centième anniversaire du Grand Liban laisse un goût saumâtre dans la bouche de ses citoyens du monde. Mais déjà, une nouvelle ère s’annonce, ce concert de Baalbek en est la plus belle des preuves vivantes, plutôt qu’un symbole de fin, il faut y voir un lien qui unit deux mondes en mouvement, en gestation…
Malgré ce choc, il n’en faut pas douter, ce peuple de navigateurs et d’explorateurs retrouvera la voie de la sagesse et celle de la création. Cependant, les cicatrices sont là, plus insidieuses qu’une guerre ouverte et de tranchées, plus saisissantes et profondes qu’une blessure par balle, car ce sont les chairs et les esprits d’un peuple tout entier qui ont été meurtris. Les fondations de l’édifice libanais se sont écroulées telles les tours du 11 septembre 2001. Le choc est sans commune mesure. Point de mots pour décrire l’impensable.
Ce concert à Baalbek est poignant. Personne ne peut rester de marbre devant une telle tragédie. Personne ne peut rester indifférent à tant de beautés, d’histoires et de passions brûlantes. Mais le peuple libanais et ses dirigeants sont-ils prêts à changer de cap ? Sans cela, aucun autre navire ne pourra reprendre le grand large. Car dans cet espace-temps, nous naviguons dans le domaine du spirituel, du sens et de l’humain. Car, ici et maintenant, nous appareillons entre le rationnel et l’irrationnel. Didon est là ! Toujours ! Encore ! Cette belle et noble nation est là ! Toujours et encore ! Dans le cœur de tous les amoureux et des amis de ces rivages lointains plane l’image de ce cèdre grand et majestueux. Non ! Il n’est jamais trop tard. Jamais ! Dans les flammes de cette cité en feu, déjà certains se rassemblent, reviennent à des racines et à des visions communes. Déjà, dans le brouillard qui se lève de la plaine de la Bekaa, naît un cèdre lumineux de cette graine qui tarde à être plantée.
En fin de compte, l’histoire de ce Liban ne ressemble-t-elle pas à celle de l’Occident qui a lui aussi oublié dans les méandres de la spéculation en tous genres, ses liens humains, ses relations à l’Autre, sa simplicité et son authenticité ? Si les cris, les frissons, et les pleurs, la puissante énergie qui résultent de Sound of Resilience touchent des millions de personnes sur la planète, n’est-ce pas parce que de nombreux navires partout sur la terre sont sur le point de chavirer et nous, les équipages, les marins, les commandants, les passagers, nous le sentons, nous le savons et nous participons à cette Histoire. Celle du Liban est un peu la nôtre.

Anthony Samrani - Autopsie d’un naufrage libanais
https://www.lorientlejour.com/article/1223701/autopsie-du-naufrage-libanais.html
Baalbek concert 2020 - Sound of Resilience
https://www.youtube.com/watch?v=KQ0k8UE651E
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