Instrument de paix (2/2)

La route est sinueuse. Le mordant de l’hiver est vif. Un vide se crée en moi. Piloter une moto est un moment de plénitude. Une forme de méditation. Sur sa motocyclette, l’individu doit englober le Tout. Le moindre gravier pointe le réel de sa présence. D’ailleurs, dans la déconstruction civilisationnelle des genres, sur sa machine, le motard s’apparente davantage au moustique qu’à un humain. Cependant, insecte ou bipède, la paix intérieure doit constituer son armature énergétique, car elle est sa meilleure assurance vie dans sa quête de plaisir et de liberté.

Pour revenir à notre sujet, pour expérimenter un sentiment profond de vraie paix intérieure, il nous incombe de devenir notre propre instrument. À ce stade d’évolution, qu’importe le passé et le futur ! Ici et maintenant, nous devons choisir. Nous devons nous rêver, nous visualiser, nous imager et nous mouvoir vers le calme, le silence et la Lumière. Tous nos aliments doivent s’aligner avec conscience et amour avec notre nouvelle posture. Bien sûr, je parle ici également de nos nourritures visuelles, virtuelles, télévisuelles, relationnelles, professionnelles qui remplissent notre quotidien. Ainsi, de notre paix intérieure pourront jaillir d’autres rêves, créations et rencontres. Certes, dans cette dynamique, certains aspireront à une cohérence et à un mouvement de leur âme, de leur esprit et de leur corps afin d’insuffler la paix en eux et autour d’eux. D’autres se contenteront de turbulences émotionnelles, de flux anxieux et de montées de tension comme amis pour la vie. C’est un choix, ainsi qu’un jardinage continu pour enlever ou non les mauvaises herbes et graines de son existence.

Chevauchant ma motocyclette, les rafales m’invitent à redéfinir mon trajet. Une once d’humilité permet de mieux se positionner dans la hiérarchie des espèces et de mieux rééquilibrer ses priorités, ses désirs et ses plaisirs dans notre champ interstellaire bitumeux. Ainsi, dans quelques décennies, je ne serai plus. En soi, ce n’est ni grave ni triste, c’est ainsi. Grâce à ma conscience pour cultiver, contre vents et marées, une paix intérieure, j’aurai vécu la joie, la liberté, la gratitude… Et l’essentiel, j’aurai pu l’offrir et la partager avec ceux qui m’entourent. Pour ce qui est des grandes idées, des connaissances universitaires, des prouesses virtuelles, en passant par des convictions fabuleuses et des croyances extraordinaires. Rien. Nada. Il ne restera rien. Aucune trace. Parce que seule la paix apporte réconfort, joie et amour. Et l’amour permet de nous rencontrer et de rencontrer les choses et les êtres avec écoute, douceur, respect, sérénité et attention. Chacune de nos décisions s’incarne en nous et modifie la structure et la texture du lien qui nous rattache au monde extérieur. L’instrument de paix n’est pas le monde qui nous entoure ; nous sommes le monde qui nous entoure.