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Ce matin, en discutant avec une amie restauratrice et motarde, nous avons évoqué l’enthousiasme. Oui, l’enthousiasme ! Quelle lumineuse expression humaine ! Un rayon de soleil qui offre la mobilité et la flexibilité du cœur. En quelque sorte une fraîcheur naturelle alliée à la spontanéité que possèdent tous les très jeunes enfants de se réjouir de nouvelles découvertes et de nouvelles aventures. Sans jugement, sans pensée, sans attente, sans besoin, les bambins accueillent l’instant présent dans toute sa dimension universelle. Les yeux grands ouverts, ils chantent, ils dansent, ils rient, ils pleurent. Ils sont le mouvement de la vie. La vie est un mouvement permanent. Ils sont l’enthousiasme. Vous et moi, nous l’avons été, peut-être le sommes-nous encore.
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Et oui ! L’enthousiasme génère la curiosité, la générosité, la rencontre, la joie, la créativité et le plaisir altruiste. Curiosité de l’expérience, de la discussion, de l’apprentissage, de la simplicité des échanges humains et de la relation avec notre environnement. Pas évident de garder en soi cet élan, car des voix nous briment, nous castrent pour assouvir leur pouvoir, nous contraignent en fonction de leurs peurs et de leurs désirs, nous étiquettent afin de mieux nous contrôler, nous cataloguent et nous contrôlent. Le poète Edward Estlin Cummings a une très belle phrase à ce sujet : « Pour rester soi-même dans un monde qui s’évertue jour et nuit à vous rendre comme n’importe qui, il faut gagner la plus rude bataille qu’un humain puisse livrer, et cette bataille n’a pas de fin. » C’est une réalité, nous sommes écrasés sous les mauvaises nouvelles, sous les décombres des violences visuelles, sous les vagues médiatiques de l’anxiété. De l’école à la sphère professionnelle, la civilisation occidentale laisse peu de place à l’enthousiasme, car il ouvre le champ des possibles. Il abreuve les cœurs d’énergie positive. Il provoque la joie et les rires. Il est à la fois une barrière végétale et un antidote à la morosité ambiante. En un mot, l’enthousiasme rassemble, fédère et libère les passions.
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De ce constat, un ami d’enfance qui travaille sur le continent africain ainsi qu’en Amérique du Sud me fit remarquer que, de son point de vue, l’Europe s’était repliée sur elle-même. À force de directives et de cadres normatifs, ce continent en s’alignant et en suivant des politiques, des puissances et des idéologies étrangères a perdu son ADN, bafoué ses valeurs, aplani ses différences et renié son histoire. Pour lui, de Paris à Londres, en passant par Genève, les rires, les sourires, les visages sereins et épanouis étaient absents des rues, des transports publics et des échoppes. Point de légèreté ni de simplicité. Dans les regards et les mots des passants, tout semblait n’être que tension, frustration, déception et amertume. Tout comme mon amie, il en vint à la conclusion que l’absence de relations et de liens humains, une surconsommation de l’inutile tant visible que virtuel, une jeunesse en mal de repères et de sens et la disparition des relations intergénérationnelles provoquaient un malaise ambiant européen et une forme de schizophrénie collective. Faut-il pour autant parler de « décadence de l’Occident » ? Comme l’évoque le philosophe, Michel Onfray.
Hier soir, lors d’un échange avec un collègue sur le point de partir en retraite anticipée, je lui fis part de ma crainte d’avoir égaré une partie de ma spontanéité, donc de mon enthousiasme, en chemin. Passionné de cyclisme, il me dit entre deux gorgées : « Nous avons tous la tête dans le guidon. Nous oublions de respirer, voire de reprendre notre souffle. Nous sommes prisonniers des algorithmes. Nous gérons des données. Nous passons nos journées avec les yeux rivés sur des écrans. La pression de la société sur nos épaules est de plus en plus virulente, oppressante et contraignante. On nous demande d’interagir et d’agir avec des machines, comme des machines. L’IA éloigne toujours davantage l’humain de l’humain. La médiocratie et le pas de vague se répandent à tous les étages de la pyramide professionnelle. L’individu est prisonnier de son propre fonctionnement. Mais la vie est un cadeau et un défi. Et c’est ce qui la rend si riche, merveilleuse et passionnante. » Faut-il se résigner alors ? Suivre la masse ou relever la tête, s’investir, cultiver ce qui nous tient à cœur et que les Japonais nomment l’ikigai, œuvrer pour le défendre.
Ah ! les hommes et les femmes qui créent, qui évoluent positivement, qui avancent face aux pépins de santé, qui continuent à regarder les étoiles même quand le ciel est sombre, ça vous donne du baume au cœur ! Ça vous recharge les batteries ! Ça vous ramène à la source de votre chemin personnel ! Ça vous redonne un sens dans un univers aux mille et un possibles ! Ça réveille votre enfant intérieur ! Ça vous procure de l’enthousiasme ! Et l’enthousiasme, y a que ça de vrai, de bon et de beau !
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