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Billet de blog 27 septembre 2023

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Combien l’homme se tient éloigné de la vie !*

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Dans cet espace que nous nommons société, certains s’accrochent à toutes les expériences qu’ils rencontrent sur leur chemin et n’en vivent aucune. D’autres évitent l’engagement en repoussant la vie à travers des non-choix en attendant le lendemain. Nos gesticulations démesurées en tous genres et dans toutes les directions pour éviter de grandir intérieurement n’ajouteront au bout du compte malheureusement point d’années aux années. Le poète libanais Khalil Gibran écrit : « Combien généreuse est la vie pour l’homme, mais combien l’homme se tient éloigné de la vie ! »*. Avec ou contre nous, la mort vaincra. Elle triomphera de toutes nos agitations futiles et désordonnées. Elle triomphera de toutes nos actions altruistes et de nos beaux souvenirs.

Étrange, malgré le covid, l’Ukraine… dans notre époque et dans notre culture, la mort demeure toujours un thème abstrait, presque irréel dans nos esprits. Les flots de violence et d’informations crachés par nos écrans ont banalisé la chose. Dans notre inconscient collectif, elle touche les autres. Nous nous sommes immunisés par une fausse croyance d’immortalité toute puissante. Et entre nous croire en bonne santé et nous prendre pour des/un superhéros disposant de tous les droits, il n’y a qu’un tweet. Alors nous agissons bien souvent avec désinvolture, frivolité, arrogance et égoïsme dans notre quotidien. Mais la grande faucheuse nous attend au bout du tunnel. La pratique de la moto me le rappelle à chaque tour de roue. Dans la ville, le motard est tel un moucheron coursé par une horde de SUV en furie. S’il s’égare dans le tourbillon de ses pensées, sa course se termine entre quatre planches.

La pratique de la motocyclette n’engage que le moment présent. Jouir, oui, jouir ! solitaire ou

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solidaire ! Mais ici et maintenant. Pourtant, je constate que dans notre quête extérieure, l’instant présent s’efface devant notre besoin d’être quelqu’un d’autre. Masque ou chirurgie esthétique, c’est toujours avec nous-mêmes que nous prenons davantage de distance. Alors, face à une palette infinie de loisirs et de divertissements, l’agitation frénétique de nos cerveaux a mis au rebut l’idée de la vieillesse, puis celle de la mort. Pour la majorité des utilisateurs des réseaux sociaux, la vieillesse est un bug dans le programme des réjouissances proposé par notre civilisation de la distraction et de l’amusement. Ce mal touche majoritairement l’Occident, même s’il grignote de plus en plus les classes favorisées du reste du monde qui veulent justement vivre à « l’occidentale ». Finalement, je crois qu’une des raisons principales de notre insatisfaction permanente de vivre (et donc d’aimer) vient du fait que nous sommes dans le déni de notre propre mort.

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À travers ce déni, obnubilés par notre jeunesse en partance, nous nous sommes coupés de notre véritable nature qui est de mûrir, d’accueillir ce qui vient à nous, de partager nos connaissances, notre temps et de nous approfondir pour devenir ce que nous devons être. Noyés dans nos futilités numériques, nos interférences cérébrales, la course aux honneurs, aux richesses et autres apparences… Pour notre paix de l’esprit, nous avons placé les vieillards dans des hospices et autres EMS, loin de notre vue. Très loin, jusqu’à les envoyer à l’autre bout de la planète. Plus rentables et surtout non productifs. Alors, nous nous jetons corps et âme dans nos nouvelles technologies, comme par enchantement, nous nous imaginons que le monde virtuel nous sauvera d’une quelconque forme de finitude. Parce que c’est bien ce dont nous parlons ici : la fin de notre existence.

Mourir, une idée effrayante. Dans notre brouhaha de nuisances diverses et variées, la mort est notre compagne. Pour Sénèque, la plus grande partie de la vie passe à mal faire, une grande partie à ne rien faire, toute la vie à faire autre chose que ce que l’on devrait. Il me semble que vivre c’est avant tout être conscient. Conscient que la vie ne dure qu’un instant. Que la jeunesse est un cadeau qui va… Au guidon de ma moto, je ne fais qu’Un avec l’univers. Je sais que la pleine conscience est ma meilleure assurance vie. Chaque kilomètre parcouru est un don du ciel. La santé qui m’accompagne est une bénédiction des dieux de l’Olympe ou d’ailleurs. Un point de vue : nous mouvoir, réfléchir, rêver, courir, consommer, nous offrir et partager des plaisirs, sentir et ressentir émotions et sentiments au plus profond de notre chair est notre seule et véritable richesse. Un autre point de vue, dans le train, au sujet des réseaux sociaux, des adolescentes hurlaient : « Si on n’a plus d’accès ni de connexion, c’est la mort ! » Alors, roulez jeunesse !

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www.librinova.com/librairie/nicolas-emilien/geopoetique-de-la-motocyclette © ©Nicolas Emilien

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