Gabriel Attal l'a annoncé, le déficit public devrait passer à 5.5 % du PIB (https://www.publicsenat.fr/actualites/economie/budget-le-deficit-public-grimpe-a-55-du-pib-en-2023-la-dette-setablit-a-1106). Il faut donc faire des efforts, c'est-à-dire des économies pour repasser à 3 % d'ici 2027 (https://www.vie-publique.fr/fiches/21798-quels-sont-les-criteres-de-maastricht-pour-participer-luem).
Dans le viseur de Gaby : la cible préférée de la macronie, les chômeurs !
Après une première réforme menée par Muriel Pénicaud en 2019 avec un allongement de la durée du temps de travail pour être indemnisé (6 mois au lieu de 4) et un contrôle renforcé des chômeurs et une seconde réalisée par Dussopt qui réduisait la durée maximale d'indemnisation à 18 mois au lieu de 24, le gouvernement va mettre en œuvre une troisième réforme de l'assurance chômage en l'espace de six mois (https://www.20minutes.fr/economie/4083810-20240330-precarite-cinq-ans-durcissement-assurance-chomage-bilan-courbe-chomeurs). Celle-ci devrait consister à diminuer à nouveau la durée d'indemnisation qui passerait cette fois-ci de 18 mois à 12, de durcir les conditions d'indemnisation des seniors et à renforcer encore et toujours les contrôles subis par les chômeurs. Au des nombreux témoignages sur l’harcèlement subi par les chômeurs lors de ces contrôles avec des questionnaires incompréhensibles et des entretiens téléphoniques ubuesques pour vérifier si ces derniers sont à la recherche effective d'un emploi, on se demande bien de quelle manière le gouvernement pourrait encore renforcer le contrôle des chômeurs.

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Rappelons quelques faits sur le chômage :
- Sur 6 millions de demandeurs d'emploi inscrits, seulement 2.5 millions sont indemnisés, soit moins de la moitié (https://www.unedic.org/storage/uploads/2023/09/26/Chiffres-cles-Les-indicateurs-de-l-Assurance-chomage-septembre-2023_uid_651281c443d52.pdf).
- Parmi ceux qui sont indemnisés, 60 % d'entre eux perçoivent des revenus inférieurs à 1 000 euros (voir les propos récents de Mickael Zemmour à ce sujet).
- Aujourd’hui, en France, 10 000 à 14 000 décès par an sont imputables au chômage. 30 % des chômeurs en France ont, un moment, pensé à se suicider (https://www.francetvinfo.fr/sante/soigner/le-chomage-serait-responsable-de-10-000-a-14-000-deces-par-an_2949371.html).
- L'assurance chômage est un risque pour lequel on a cotisé. L'indemnité chômage n'est pas une aide sociale.
Attal justifie cette réforme à venir en déclarant vouloir parvenir au plein emploi. Pourtant, ce que l'on constate, c'est que les réformes menées par Macron et ses gouvernements successifs pour obtenir le plein emploi se sont soldées par des échecs successifs puisque le taux de chômage est toujours de 7.5 % (https://www.latribune.fr/economie/france/le-taux-de-chomage-en-france-reste-stable-a-7-5-990393.html) et qu'il y a 350 000 offres d'emploi non pourvues (https://toutpourlemploi.fr/2023/03/emplois-vacants-4t-2022/). Durcir les règles de l'assurance-chômage, ça ne crée pas d'emplois. En effet, nul besoin d'avoir fait l'ENA pour comprendre qu'un chauffeur routier ne pourra pas postuler à une offre d'emploi d'éducateur spécialisé ou qu'une aide soignante ne pourra pas s'improviser boulangère du jour au lendemain. Et pourtant, le gouvernement continue encore et encore de s'attaquer aux chômeurs.
Il y a une autre raison. Pour obtenir facilement des réductions de dépenses publiques, il est plus facile de s'attaquer aux plus faibles. Les chômeurs sont une catégorie de la population plus fragile, non mobilisée et non représentée. Ils ne sont pas organisés pour manifester et défendre leurs intérêts. Personne ne revendique fièrement d'être un chômeur, ce n'est pas une situation enviable. De plus, Gaby en plus de trouver des économies faciles à réaliser, se permet de rassurer ses électeurs qui méprisent les pauvres ainsi que de contenter également ceux du RN dont une partie d'entre eux ont des salaires au SMIC ou légèrement au dessus et déclarent en avoir marre de bosser pour entretenir l'assistanat des chômeurs ou des bénéficiaires du RSA.
Les conséquences à long terme risquent d'être désastreuses puisque la précarisation des personnes privées d’emploi par la baisse des revenus va entraîner un accroissement significatif du nombre de locataires ne pouvant plus assumer financièrement leurs dépenses locatives et donc une hausse des expulsions, davantage de troubles psychiques notamment de la dépression (ce qui fera au passage augmenter les dépenses de l’assurance maladie), une augmentation de la délinquance et de la criminalité, une tension supplémentaire sur les services publics et les associations d'aide aux plus démunis. Si le gouvernement va probablement réaliser des économies sur le court terme, il se pourrait bien que sur le long terme les coûts aussi bien financiers que matériels ou humains soient bien plus importants.
C’est donc au nom du déficit public que notre cher Gaby national va à nouveau réformer l’assurance chômage. Rendez-vous compte, le déficit public, c'est-à-dire la différence entre les recettes et les dépenses publiques, était évalué à 5.5 % du PIB en 2023. Il pourrait même être plus élevé en 2024 malgré les tentatives du gouvernement de le réduire. Et on ne parle même pas de la dette publique puisqu’elle s'élevait fin 2023 à 3 101 milliards soit 110.6 % du PIB (https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/politiques-economiques/economie-francaise/comptes-publics/la-dette-publique/#:~:text=%C3%80%20la%20fin%20du%20quatri%C3%A8me,%C3%89tat%20repr%C3%A9sente%2083%2C4%20%25.). “Au secours, nous sommes en train de laisser une dette à nos générations futures” s’écrient les néolibéraux.
Bon, rappelons encore quelques faits sur le déficit, la dette publique et l’assurance chômage :
- Considérer que l’Etat doit être à l’équilibre budgétaire est un non sens économique. Lorsqu’on évoque le déficit public, il faut également l’évaluer en prenant en compte l’inflation. Comme le PIB réel est corrigé en prenant en compte l’inflation, il faudrait faire de même avec ce qu’on appelle “la taxe inflationniste” qui modifie le solde budgétaire. Dans ce cas, en 2023, en prenant en compte une inflation de 6.1 %, l’Etat était en réalité en excédent budgétaire de 0.6 % (Voir explications de François Geerolf sur Twitter). Ceci explique pourquoi la dette publique en valeur réelle est passée de 111.9 % en 2022 à 110.6 % en 2023 (Source : Libération). L’inflation agit comme une taxe qui diminue le poids de la dette publique, Keynes la décrivant comme l’euthanasie des rentiers. De plus, il faut distinguer un déficit conjoncturel qui se définit comme un déficit de sauvetage de l’économie en temps de crise, comme ce fut le cas lors de la crise financière de 2008 et la pandémie Covid 19 en 2020, d’un déficit structurel qui doit prendre en compte le taux de rendement futur de l’investissement public.

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- Il n’y a rien de plus stupide que de comparer un Etat à un ménage ou une entreprise. Il peut faire rouler sa dette, c'est-à-dire qu’il a la possibilité de renouveler indéfiniment sa dette. Pourquoi ? Parce qu’un État est immortel, sa durée de vie est illimitée. De plus, il dispose d’autres éléments notamment grâce à l’intervention de sa banque centrale. Ce qui a été le cas de 2008 à 2020 puisque désormais la Banque de France possède près d'un quart de la dette publique française. Aussi dingue que ça puisse paraître, l’Etat se rembourse en partie une dette à lui même (https://www.capital.fr/economie-politique/dette-publique-de-la-france-ce-que-vous-devez-savoir-1475660).
- La comparaison de la dette publique qui est un stock au PIB considéré, quant à lui, comme un flux est stupide. Prenons l’ensemble du patrimoine économique national, c'est-à-dire celui des ménages, des entreprises et des administrations publiques comme comparatif. Celui-ci ayant atteint l’équivalent de 20 052 milliards d’euros, on se rend compte que la dette publique équivaut cette fois-ci à 15.4% du patrimoine national. De même, un autre calcul nous amène à considérer la maturité de la dette à 8.5 ans, ce qui correspond à 13 % du PIB (Voir à nouveau les conclusions de François Geerolf sur Twitter).
- Concernant les taux d’intérêts des marchés obligataires, ils sont toujours en dessous du taux d’inflation, c’est à dire qu’il est toujours rentable pour l’Etat d’emprunter. D’ailleurs, les investisseurs continuent à avoir confiance en la dette française. Quant à la charge de la dette, c'est-à-dire la somme que l’Etat rembourse à ses créanciers chaque année, elle reste faible puisqu’elle ne représente que 2 % du PIB (https://www.aft.gouv.fr/fr/budget-etat#:~:text=Bilan%20du%20programme%20de%20financement,obligations%20index%C3%A9es%20sur%20l'inflation.).
- Le solde financier de l’assurance chômage est excédentaire. + 4.3 milliards en 2022 et + 5.2 en 2023 mais le gouvernement, depuis l’étatisation opérée en 2018, commence à servir sur les excédents qui sont transférés vers le budget de l’Etat (Source : Les Echos).

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En 2007, François Fillon déclarait déjà que la France était en faillite avec un niveau moindre d’endettement évalué à 65 % du PIB. Pourquoi l’Etat serait plus en faillite aujourd’hui qu’hier ?
En réalité, comme on l’a vu, ce n’est pas la dette publique en soi qui pose quelconque souci mais le fait que celle-ci soit détenue en majeure partie par des investisseurs institutionnels, la plupart étant non-résidents : fonds de pension, assurances, banques, parfois des fonds spéculatifs. Les créanciers, en tant que détenteurs de la dette, peuvent exercer un pouvoir coercitif envers leur débiteur, en l'occurrence l’Etat, afin d’obtenir la certitude d’être remboursés. C’est pourquoi, il existe des agences de notation qui vont attribuer une note aux États. La notation financière a un impact sur les taux que peut obtenir la France lorsqu'elle emprunte sur les marchés. Plus la note est basse, plus la confiance dans la capacité de remboursement de la France est faible, et plus les taux sont élevés. On peut en conclure que tout en prêtant massivement aux Etats, les marchés financiers exercent une pression constante sur ces derniers, ce qui explique qu’en retour, ces derniers doivent présenter une feuille de route à même de préserver leur confiance. On le comprend, le poids de la dette publique n’a aucune importance. Ainsi, le Japon a une dette publique équivalente à 266 % du PIB mais plus de la moitié de celle-ci appartient à la BoJ, la banque centrale du Japon (https://www.cointribune.com/bitcoin-btc-la-banque-du-japon-annonce-des-achats-de-dettes-illimites/).
En 1945, une nouvelle architecture financière avait été mise en œuvre par un haut-fonctionnaire, François Bloch-Lainé. Il s’agissait du circuit du Trésor. Il permettait au Trésor d’avoir recours à d’autres types de financements que les marchés financiers pour couvrir les déficits publics. Le circuit du Trésor collectait ainsi l’épargne des dépôts des particuliers, obligeait les établissements bancaires à détenir sous forme de bons du Trésor dans leurs actifs à un taux plancher, et pouvait bénéficier également d’avances de la Banque de France, “la fameuse planche à billets”. C’est grâce au circuit du Trésor que l’Etat a pu financer son programme de reconstruction d’après-guerre. C’est à partir des années 60 que des représentants de l’Etat vont, petit à petit, défaire le circuit du Trésor afin de le rendre inopérant. La loi de 1966, dite Haberer-Debré, supprime purement et simplement le circuit au Trésor. Nous sommes au début de la libéralisation des marchés financiers qui va se poursuivre qu’au traité de Maastricht en 1992 et qui va obliger l’Etat français à s’endetter auprès des marchés financiers. Paradoxalement, les néolibéraux, tant opposés aux monopoles, ont créé un monopole de l'endettement public. On est arrivé à une situation où nous sommes passés d’une dette administrée par le Trésor à une dette de marché où les Etats ont été vassalisés par la finance mondialisée.
Au vu de ces constats, on comprend vite que le discours sur la dette publique est une vaste fumisterie destinée à culpabiliser la population et à obtenir le consentement de celle-ci pour d’importantes baisses d’impôts et de cotisations qui doivent amener à une diminution des dépenses publiques pour rassurer les donneurs d’ordre que sont les marchés et in fine à avoir recours à des mutuelles privées et des fonds de pension dans la gestion de la protection sociale et à privatiser ou externaliser à des acteurs privés les services publics. Ainsi depuis 6 ans, Emmanuel Macron a opéré une importante privation de recettes pour les finances publiques, à destination des classes aisées et des entreprises, de l’ordre de 50 milliards d’euros par an : transformation de l’ISF en IFI, flat tax sur les revenus du capital, quasi-suppression de la taxe d’habitation, baisse du taux d’imposition des sociétés de 33 ⅓ à 25 %, diminution des impôts de production, exonérations de cotisations sociales jusqu’à 2.5 SMIC… Le pari (raté) était de faire une politique de l’offre afin d’augmenter la compétitivité et d’améliorer la rentabilité des entreprises, de stimuler l’investissement privé, ce qui aurait des effets bénéfiques sur l’ensemble de la société par des créations massives d’emploi. Excepté le déficit exceptionnel qui fut lié à la crise sanitaire (déficit conjoncturel), le gouvernement, par cette politique de baisses de prélèvements obligatoires qui s’est conclue par un échec, s’est privé de recettes publiques et a volontairement alourdi le déficit public.
Aujourd’hui, dans sa quête désespérée de réaliser des économies, le gouvernement s’en prend, avec une malhonnêteté perverse, aux chômeurs. Mais demain, ce seront d’autres dépenses qui seront dans le viseur du gouvernement au nom de la réduction des déficits et de la baisse de l’endettement public. Ainsi, Bruno Le Maire a déjà évoqué un remboursement par l’assurance maladie selon le niveau de revenus. Après-demain, ce sera au tour des retraites ou même de l'Éducation Nationale de subir un nouveau tour de vis. Une chose est certaine, quelle que soit la situation économique, il y aura toujours un déficit public et des chômeurs.