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Billet de blog 11 juillet 2021

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Covid 19 : annonce stupéfiante d’une vaguelette imminente !

Alors que la vaccination tend à ralentir depuis le début de l’été en France, il est de plus en plus évoqué l’idée d’une quatrième vague de Covid, à la fois soudaine et de très forte ampleur. Il y avait jusqu’ici une forte décrue au regard des différents indicateurs, toutefois pourrait-on craindre d’être dans le creux d’une vague à venir dès le mois d’août 2021 ?

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Lorsqu’on regarde les dernières données épidémiologiques, il est apparu en effet une remontée du taux de reproduction (R(t)), au niveau de la métropole et associé aux nombre de nouveaux cas positifs, puisqu’il est de nouveau voisin de 1 (seuil qu’il n’avait plus dépassé à partir de la mi-avril) depuis le 4 juillet. Toutefois, est-il réellement possible d’affirmer que les semaines à venir vont faire l’objet d’une remontée catastrophique, comparable à ce que l’on avait pu observer durant l’automne dernier en France ?

Illustration 1
Principaux indicateurs relevés pour différents pays occidentaux, dont la France, au cours des pics épidémiques de la fin 2020-début 2021, puis en ce début d’été 2021. En grisé et italique : projections de ces indicateurs pour le mois d’août en France © N. Mazzella (données : ourworldindata.org)


Dans le tableau ci-dessus, concernant uniquement les données de la France à ce stade, nous avons reporté le nombre de nouveaux cas positifs quotidiens au plus haut du pic observé en novembre 2020, puis celui de début avril 2021. Nous avons également relevé cet indicateur à l’issue la première semaine de ce mois de juillet (ici 2774 nouveaux cas/jour).  Nous avons ensuite indiqué le nombre de nouvelles admissions hospitalières et les passages en réanimation hebdomadaires, et enfin les décès attribués au Covid, pour les mêmes périodes. 

Lorsqu’on calcule la proportion d’admissions sur le nombre de cas positifs hebdomadaires (colonne hosp/cas), on peut observer que le nombre d’hospitalisations avoisine encore à ce jour les 4 % (contre 4,7-4,9 % auparavant), puis que les besoins de réanimations (colonne réas/hosp), soit les formes les plus graves, demeurent toujours relativement élevées avec près de 29 % de l’ensemble des hospitalisations initiales. D’autre part, on peut souligner que la mortalité reste proche de 1 % pour l’ensemble des individus diagnostiqués (dernière colonne à droite), quelle que soit la période considérée. Il est d’ailleurs possible de constater qu’en termes de profil des personnes admises en réanimation, il s’agit toujours en majorité des classes d’âges supérieures à 60 ans, bien que leur proportion ait progressivement diminué de 69,4 à 59,6 %, en échange de l’augmentation d’environ 10 points au sein la classe d’âge de 40 à 59 ans. Alors que les services de soins ne sont plus désormais saturés, en période estivale, les populations les plus vulnérables demeureraient globalement les mêmes, bien qu’il y ait un léger glissement progressif vers un profil adulte un peu plus jeune qu’auparavant.

Illustration 2
Proportions hospitalisations pour Covid par classes d’âges © Données : Santé Publique France

Parallèlement à cela, nous pouvons maintenant noter que les taux de vaccination (2 doses) sont proches de 80 % pour ce qui est des 65 ans et plus. Ces proportions diminuant ensuite régulièrement parmi les classes d’âges plus jeunes, ce que l’on pourrait probablement mettre en relation avec le « rajeunissement » relatif des populations désormais admises en soins intensifs.

Illustration 3
Taux de vaccination par classes d’âges © Source : https://covidtracker.fr/vaccintracker/


Quid de la progression récente du variant Delta, et ses conséquences estivales probables en Europe ?

En considérant l’état actuel des indicateurs mentionnés jusqu’ici, ainsi qu’une hausse continue du R(t) attribuable entre autre à l’émergence d’un nouveau variant du Covid plus contagieux, il pourrait être anticipé un accroissement des cas positifs tout au long du mois de juillet, puis août. Ainsi, en supposant un R(t) compris entre 1,3 et 1,5 (soit de qui a été récemment observé par ailleurs au Royaume-Uni, en Espagne ou au Portugal, en raison du même variant et levée progressive des mesures restrictives), nous pourrions atteindre dès le mois prochain des niveaux de contaminations allant de 5 à 14 000 nouveaux cas par jour. Dans cette situation, cela aboutirait très probablement à une augmentation des réanimations, celles-ci seraient alors comprises entre 404 et 988 nouvelles admissions en soins intensifs chaque semaine. Enfin, les décès pourraient croître jusqu’à 140 personnes sur une périodicité journalière. Ces projections à la hausse, si elle ont effectivement lieu suivant un scénario « pessimiste », puisque les paramètres en lien avec la dynamique épidémique comportent d’autres aspects tels que les comportements individuels et collectifs (gestes barrières, événements en extérieur plutôt qu’intérieur, etc.), l’âge de la population à risque, et non seulement la contagiosité potentiellement accrue des nouveaux variants, seraient à relativiser car les chiffres demeureraient dans ce cas nettement inférieurs à ceux relevés ne serait-ce qu’en avril dernier en plein pic épidémique (près de 40 000 cas quotidiens et 3000 nouvelles admissions hebdomadaires en réanimation, puis environ 300 morts par jour).

Lorsqu’on recoupe les données relatives aux taux de vaccination et la proportion du variant Delta à l’échelle des pays occidentaux, nous constatons un groupe assez homogène pour une partie comprenant des pays d’Europe de l’ouest (France, Allemagne, Belgique, Italie, Espagne) avec 35-40 % de vaccination (2 doses) des populations globales et un variant qui tend à croitre, bien que pas encore majoritaire à cet instant. Par ailleurs, nous avons le Royaume-Uni (UK) ou encore les Etats-Unis (US) qui présentent des taux de vaccination significativement plus élevés, proches de 50 %, et un variant Delta déjà très majoritaire. Entre les deux groupes, nous avons le cas intermédiaire du Portugal. Enfin, à titre de comparaison, nous avons fait apparaître deux pays, tels que l’Inde ou la Russie, qui sont caractérisés par un taux de vaccination global bien plus faible, alors que fortement impactés par le variant d’intérêt.

Illustration 4
© N Mazzella (données : ourworldindata.org)

Si nous recoupons maintenant la proportion d’hospitalisations, parmi les nouveaux cas durant chaque semaine, avec les taux de vaccinations en ce début juillet, il apparaîtrait une tendance à la diminution pour les pays occidentaux précédemment cités, hormis les Etats-Unis. En d’autres termes l’augmentation du taux global de vaccination entraînerait probablement, au sein du continent européen, une baisse progressive des risques d’hospitalisations alors que le nombre de cas progresserait dans le même temps en raison d’un nouveau variant plus contagieux, devenant de fait majoritaire. D’autre part, il est assez remarquable de constater qu’au Portugal et en Espagne, ou encore au Royaume-Uni, le nombre de décès rapporté au flux de nouveaux cas hebdomadaires a considérablement diminué entre janvier et juillet 2021, passant d’une mortalité estimée initialement à 2 % à seulement 0,1-0,2 % dorénavant (voir tableau en début d’article).

Illustration 5
© © N Mazzella (données : ourworldindata.org)

Concernant ces pays européens, il est ainsi vraisemblable que le Covid circule essentiellement parmi les populations les plus jeunes, certes les moins vaccinées, mais déclarant essentiellement des formes bénignes. En outre, en France, le taux de vaccination chez les 18-29 ans, bien que se situant actuellement autour de 25 % (en considérant 2 doses administrées), se doit d’être complété par l’immunité acquise. En effet, il était déjà estimé au 1er mars 2021, une proportion de 20 à 40 % (moyenne à 30 %) de personnes infectées, et donc immunisées depuis (l’immunité naturelle étant efficace pendant au moins 1 an et contre tous les variants actuellement recensés), au sein de cette classe d’âge.

Le phénomène pourrait ainsi paraître comparable à celui de l’été 2020, à la différence que les générations plus âgées (celles des parents et surtout grands-parents) étaient encore très vulnérables, du fait de l’absence de vaccin mais aussi d’une très faible exposition virale durant le confinement du printemps précédent.  

Il ressortirait de l’ensemble de ces données qu’à ce stade, l’apparition d’une hypothétique quatrième vague demeurerait assurément faible en termes d’impacts sanitaires. Il ne semble également plus envisageable d’avancer l’argument d’une circulation à bas bruit, parmi les plus jeunes, qui entraînerait une contamination massive des classes d’âges plus âgées à l’issue de la période estivale. La principale (l’unique ?) crainte à avoir resterait donc l’apparition d’un variant potentiellement résistant à la vaccination, ainsi que l’immunité naturelle acquise, durant la saison froide qui suivra (et qui a même débutée dans l’hémisphère sud). Cependant, cela aurait une probabilité bien plus forte de se produire dans un pays émergent (pour rappel et exemple, le taux de vaccination en Inde n’est que de 20 % actuellement), alors que la demande de ces nations afin d’accéder à la vaccination de masse, à l’instar des pays occidentaux, est toujours réelle !

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