Mercredi 07, tu as assisté à ton premier rassemblement, ta première manif'. A 5 mois, tu ne perds pas de temps. Comme tu es petite, et qu'il faisait froid, nous n'y sommes pas restés très longtemps. Juste le temps du recueillement et d'un applaudissement.
Dans l'état de choc dans lequel se trouve tes parents, il est bien évident que, le 11 janvier, ils seront des marches citoyennes.
Nous aurions pu aller dans la grande ville près de laquelle nous habitons. Mais tu es petite, et la foule t'aurait surement effrayé. Nous avions prévu une escapade, en Auvergne, chez nos copains qui vivent au milieu de nulle part. Honnêtement, ça tombait bien.
D'abord, ça nous a fait du bien de rire avec des amis chers dans ce contexte. Et l'on a rit, beaucoup, et pleuré, un peu. Dimanche 11 janvier, alors que la France sort dans les rues pour dire non à la barbarie et soutenir Charlie, nous aussi, nous sommes sortis. Sous un soleil radieux, nous étions Charlie dans un petit village perdu d'Auvergne, au milieu de 130 personnes. Ce chiffre peut paraître dérisoire, mais il ne compte pas. Tu fais partie des presque 4 millions de gens dans les rues de France en ce jour que certains qualifient d'historique.
Ton père travaille dans l'histoire et se méfie d'ailleurs de ces jours dits "historiques". Les médias le sortent souvent ce mot-là. Mais c'est probablement vrai pour ce 11 janvier. Tu fus la petite vedette de ce modeste rassemblement auvergnat, prise en photo par beaucoup des participants. Les marcheurs étaient sans doute attendris par ta poussette, sur laquelle nous avions apposé le logo "Je suis Charlie".
Je ne sais si nous avons défendu la liberté ce jour-là, mais nous étions ému d'y avoir été, de nous être recueillis durant la minute de silence (plus facile à faire à 130 qu'à 1 millions !) et aussi de voir les images parisiennes à notre retour.
Maintenant la vie va reprendre. Nous allons lire Charlie et t'expliquer tout ça, bientôt, quand tu seras grande. Je trouverai le moment propice pour te parler de ces jours terribles.
A m'asseoir sur un banc 5 minutes avec toi et regarder les gens tant qu'y en a. Te parler du bon temps, qu'est mort qui r'viendra en serrant dans ma main tes p'tits doigts.