"Mais comment font les gens ?"
Tu vois, j'ai posé cette question naïve, et ta mère m'a fait une réponse cinglante, qui m'a plongée dans un grand désarroi. Réponse : "Ils votent Front National."
Alors que nous réfléchissons pour un investissement un peu cher pour nous, la discussion dévie. La vie est chère, c'est tellement compliqué, mais comment allons-nous faire, etc.
Cette réponse me plonge depuis plusieurs jours dans une réflexion confuse. En fait, j'ai l'impression de toucher du doigt quelque chose, quelque chose que je ne pensais pas possible. Alors que notre situation est quand même confortable, même si elle est modeste, je m'imagine dans la peau de gens avec moins de moyens que nous, et ils sont nombreux.
Lorsque je les entends se plaindre aux infos sur la vie chère, "on en a ras-le-bol de payer", "la prochaine fois, vous allez voir...", et toutes ces choses, ces propos glissent sur moi. Je pense que les médias sélectionnent les réponses. Et même s'ils le font, d'un coup, ça raisonne en moi. Nous sommes de la classe dite moyenne, et malgré cela, nous aussi, nous sommes confrontés à ces difficultés, même si elles ne nous empêchent de rien, ou en tout cas de peu. Alors tous ces gens qui ont déjà peu ?
Ils votent Front National. Je m'en veux presque de me dire : ah oui, j'arriverai presque à comprendre ces électeurs. Ras-le-bol de tout. Que faire. Tous des pourris, de toute façon, bonnet blanc et blanc bonnet. Alors quand on a rien, on a rien à perdre.
J'espère que tu ne perdras jamais l'espoir que ces gens ont perdu. Je l'ai encore. J'ai même la vanité de penser que demain sera meilleur qu'aujourd'hui. C'est vrai que c'est utopique en ce moment, mais c'est parce que je veux croire que ta vie sera plus belle que la mienne. Je m'accroche à ces derniers lambeaux d'espoirs, sinon, à quoi bon ? Dans la mesure où je ne mettrais pas de flingue sur la tempe, j'ose croire que demain, il fera beau, ou un peu ensoleillé en tout cas.
Alors, même si ma confiance en les politiques s'est beaucoup effondrée ces dernières années, allez, j'y crois encore. Naïf que je suis. Et c'est pour toi.
A m'asseoir sur un banc 5 minutes avec toi...