Le gouvernement a décidé de mettre en place un régime universel de retraite par points où chaque euro cotisé donnerait les mêmes droits. Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, ce régime serait plus juste et plus égalitaire et resterait par répartition assurant la solidarité des actifs envers les aînés. Sur le fond, on ne peut qu'être d’accord. Les 42 régimes de retraite ont créé un machin chose illisible avec des des disparités selon les régimes et des frais de gestion importants. Un régime universel serait donc le bienvenue. Le problème, c’est que le gouvernement suite au rapport Delevoye est en train de nous préparer « l’arnaque du siècle ». Le diable se cachant dans les détails, je vais vous soulever dix points qui démontrent la malhonnêteté de Macron, de ce gouvernement et de ceux qui défendent cette réforme :
- Le gouvernement nous vante que les petites retraites ne pourront pas être inférieures à 1 000 euros. Alors, il faut savoir que le minimum contributif de la retraite de base est de 636 euros, il se monte à un total de 970 euros une fois ajoutée la retraite complémentaire. Le minimum contributif de Macron n’améliorerait la situation des retraités pauvres que de 30 euros. Comment vivre avec 1 000 euros lorsqu’on est une personne âgée ?
- Il s’agit d’un régime par point et ce qui est important est la valeur du point. Pour l’instant, le rapport évalue qu’un point serait égal à 0.55 euro brut. Qui nous garantit que le point ne va pas baisser ? Mécaniquement, si le point baisse, alors le niveau des pensions baissera.
- L’autre grand principe du système, c’est qu’il s'auto équilibre automatiquement… Le niveau des pensions s’ajuste annuellement en fonction du montant de cotisations collectées, c’est-à-dire de l’emploi et donc du niveau de la croissance. Lorsqu’il y en a moins, les retraites baissent et c’est arrivé deux fois ces vingt dernières années en Suède. Jean-Paul Delevoye n’a pas écarté cette solution dans son rapport et a parlé de ne pas impacter les générations futures, ce qui n’est pas rassurant.
- Les carrières hachurées, les personnes ayant effectué des temps partiel ou des temps de formation seront les grands perdants de la réforme puisqu’ils n’auront pas accumulé assez de points. L’avantage du système actuel, c’est qu’il prend en compte les 25 meilleures années dans une carrière dans le privé. Les femmes sont particulièrement concernées et leurs pensions vont ainsi diminuer, augmentant les inégalités hommes-femmes.
- Les autres perdants seront les fonctionnaires et en particulier les enseignants et les infirmiers. Le régime du public comptabilise les six derniers mois d’activité. En gros, sans revalorisation salariale, les professeurs et le personnel soignant perdront un tiers de leur retraite par rapport au système actuel.
- Le rapport préconise un âge pivot de 64 ans constituant le point d’équilibre. En gros, il serait possible de prendre sa retraite à 62 ans mais cela ne donnera pas droit à une retraite à taux plein. En effet, un passage à la retraite avant ce seuil sera pénalisé par une décote de 5% par an. Il s’agit ni plus, ni moins d’un recul officieux de l’âge légal de la retraite. Richard Ferrand et Edouard Philippe ont déjà déclaré vouloir reculer l’âge légal tandis qu’Emmanuel Macron est plus favorable à une augmentation de la durée de cotisation, ce qui au final revient au même.
- Rien n’est dit non plus sur ceux qui ont commencé leur carrière tôt (18 ans) et/ou ont accumulé un métier pénible et qui peuvent partir plus tôt dans le système actuel. Au vu de la suppression du compte pénibilité, il est possible que ça passe à la trappe.
- On tape depuis le début sur les régimes spéciaux et en particulier sur les cheminots qu’on présente comme des privilégiés du système. Rappelons que rien n’empêche personne d’exercer ce métier et de tester les conditions de travail. Bien entendu, il faudrait dans un souci d’égalité supprimer ces régimes spéciaux mais il faut le faire dans un esprit de justice et reverser les 9 milliards sous forme d’indemnités aux salariés de ces régimes.
- Une des plus grosses escroqueries de cette réforme est de nous faire croire à l’universalité du régime. Et bien ce régime ne le sera pas pour la raison simple. Dans le futur système de retraite, la cotisation sera fixée à 28% du salaire, jusqu’à un plafond de 10 000 euros par mois. Rappelons que dans le système actuel, il y a une cotisation plafonnée jusqu’à 360 000 euros par an et une autre déplafonnée. De plus, il y a des cotisations qui s’ajoutent pour les cadres dans les retraites complémentaires. Là, c’est simple, à partir de 10 000 euros, vous n’êtes plus solidaire. Bien entendu, les pensions de ces super salaires vont diminuer drastiquement. Mais cela va ouvrir la voie à des régimes de capitalisation probablement plus avantageux pour les hauts salaires que les retraites par points.
- Le fonds de réserve des retraites, ça vous dit quelque chose ? C’est un fonds d’investissement de 36 milliards d’euros créé par Lionel Jospin afin de financer les retraites et parer ainsi au « baby-boom ». La même chose existe pour les complémentaires et on atteint la somme de 150 milliards d’euros. Que va t-il advenir de cet argent ? Va-il être transféré à la CADES et livré aux marchés financiers dans le but de rembourser la « dette sociale » ?
Comme on peut le constater, les questions risquent de rester sans réponse mais il est déjà possible d’interpréter et de prévoir ce qu’il va se produire. Ainsi, le but de ce gouvernement est de freiner la progression des retraites (14 %) dans la part du PIB, voire même de le baisser. De plus, on voit que le régime ne sera pas forcément universel comme le prétend le gouvernement puisque les hauts revenus seront plafonnés à 120 000 euros l’année. Il y a un réel risque que le régime soit sous financé et que le gouvernement décide de baisser la valeur du point ou le montant des pensions. Au final, il est possible d’imaginer une situation où dans vingt ans, une partie des retraités devront se contenter du minimum vieillesse ou du minimum contributif alors que les plus aisés bénéficieront d’une retraite généreuse en partie grâce à la capitalisation. Rien n’a été décidé pour augmenter radicalement le minimum contributif au niveau du SMIC ou pour permettre aux carrières longues et aux métiers pénibles de prendre leurs retraites plus tôt. Au nom de la justice et de l’égalité, Emmanuel a promis d’instaurer un régime universel de retraites, séduisant au premier abord mais en réalité, inéquitable et arbitraire. Il réaffirme sa volonté néolibérale de transformation du modèle social, quelques mois après la réforme de l’assurance chômage et met à bas le système de solidarité né après la guerre qui avait pourtant bien fonctionné malgré ses défauts de lisibilité. La seule solution tient en nos mains, nous avons le pouvoir de refuser cette réforme et de nous retrouver nombreux dans la rue pour réaffirmer qu’une société n’est pas un ensemble d’individus mais des personnes qui ont choisi de vivre ensemble et d’être solidaires collectivement.