Le Monde
Mercredi 6 mai 2009
L’économie mondiale est frappée de plein fouet par une crise sans précédent. La France connaît, à son tour, le cortège grandissant des fermetures d’entreprises et de licenciements dont les salariés sont les premières victimes. Nous entendons le désarroi des salariés, l’inquiétude de toute une population qui doute de son avenir, la menace de la pauvreté qui affecte un nombre toujours plus grand de Français.
Au moment où les responsables politiques sont appelés à expliquer et à donner du sens à la crise, je m’interroge sur le sens politique qu’un affrontement traditionnel droite-gauche revêt pour nos concitoyens. Plan de relance pour les uns, contre-plan de relance pour les autres : la population assiste, impuissante, à un positionnement classique entre deux modèles de politiques économiques qui veulent limiter les effets de la crise du capitalisme.
Le premier, celui de Nicolas Sarkozy, symbolisé par la Loi TEPA, teinté de néo-libéralisme à la sauce Thatcher pouvait, du point de vue d’économistes conservateurs, se justifier en période de croissance et de tension sur le marché du travail. Il est aujourd’hui dangereux pour les finances publiques, économiquement inefficace et socialement injuste.
Nicolas Sarkozy qui se prétend pragmatique est, en réalité, arc bouté sur la défense de mesures qui relèvent d’un dogmatisme idéologique avéré : bouclier fiscal pour protéger les plus riches, défiscalisation des heures supplémentaires qui détériorent un peu plus l’emploi, suppression des droits de succession pour les plus aisés. Il est temps pour Nicolas Sarkozy d’entendre la colère des salariés qui monte du plus profond de notre pays, attisée par toutes ces dispositions qui creusent un peu plus les inégalités et exacerbent le sentiment d’injustice. La situation économique de 2009 n’est pas celle de 2007. Le pragmatisme revendiqué par Nicolas Sarkozy, exigerait de renoncer à ces dispositifs ou à minima de les reconsidérer devant la situation d’urgence créée par la crise.
Face au dogmatisme du Président de la République quelle est la position des socialistes ? Force est de reconnaître que son offre économique relève plus du classicisme que d’un pragmatisme novateur : Le contre-plan de relance en est le symbole.
En 2007, la France était dans une séquence de forte croissance de l’emploi salarié, pourtant nous avons voulu continuer à appliquer les mêmes recettes qu’en 1997 mais en 10 ans notre pays avait changé et nos propositions ne correspondaient plus aux exigences de la situation donc aux attentes des français
Il est donc temps pour nous aussi d’abandonner les postures dogmatiques, de faire preuve à l’échelon national du même pragmatisme que dans nos collectivités locales.
C’est de cette façon seulement que nous pourrons d’abord nous opposer légitimement et efficacement à la politique de Nicolas Sarkozy. Et c’est de cette façon aussi que nous pourrons proposer aux français un projet alternatif crédible.
Tout un pan de notre industrie est aujourd’hui menacé de disparition. Les raisons en sont multiples : insuffisance de recherche et de développement, vieillissement de l’appareil productif, changement de comportement des consommateurs, volonté de certains groupes d’actionnaires de profiter de la crise pour supprimer des milliers d’emplois. En même temps, émerge un nouveau champ industriel pour notre pays avec le développement de la croissance verte : construction d’éoliennes, de panneaux solaires, photovoltaïques, de voitures propres, de nouveaux matériaux pour le bâtiment etc…etc… Nous devons donc d’abord imaginer des mesures qui concilient sortie de crise et nouveau modèle de développement durable
Nous devons ensuite inventer un nouveau contrat social réconciliant le salarié et l’outil de production et donnant à chacun, la possibilité de construire sa vie dans la sécurité professionnelle. A chaque jeune qui entrera dans la vie active, la société doit garantir un contrat de travail sur toute la durée de sa vie, et à chaque individu déjà salarié, elle doit apporter une sécurité réelle par des contrats de transition professionnelle de plusieurs années si nécessaires, assortis de formations performantes et efficaces.
Ce n’est qu’en sécurisant les jeunes et les salariés sur leur avenir que nous rétablirons la confiance et que nous jetterons les bases d’une nouvelle société où chaque individu, assuré de pouvoir vivre dignement de son travail tout au long de sa vie pourra être un citoyen à part entière.
Utopie, dirons certains ! Etes-vous fiers du modèle social que vous voulez protéger, pourrais-je répondre.