Script de François Rebsamen, Sénateur-Maire de Dijon au Conseil National
du Parti Socialiste (mardi 9 juin 2009)
Chers Camarades,
Pour la première fois depuis l’union de la gauche, le Parti
Socialiste se fait talonner par un autre parti de gauche, par un de
ses alliés.
S’agit-il d’un accident de parcours ? Ce résultat s’inscrit-il dans
une logique politique ?
Il est vrai que l’Europe est un terrain chaotique pour le PS. Nous y
avons connu de larges victoires, telle celle de 2004, et de grandes
déceptions 1994 qui fut la raison de la démission de Michel Rocard,
notre premier secrétaire, ou bien encore le référendum sur la
constitution de 2005, avec les conséquences militantes que l’on sait.
Pour expliquer cette défaite j’entends que la France est le pays des
eurosceptiques, que l’Europe n’incarne pas le bouclier social,
économique et culturel dont les citoyens auraient tant besoin.
Certes, mais pourquoi alors notre large victoire en 2004 ?
Parce qu’il s’agissait d’un vote sanction contre le gouvernement
Raffarin et que nous étions sur la vague des régionales, me dit-on.
Bien, mais en 2009 nous étions sur la vague des municipales de 2008,
combien de villes avons-nous remporté, n’avons-nous pas raffermi
durablement la présence des socialistes sur le territoire national ?
C’est peut-être, c’est sans doute une erreur d’appréciation sur la
notoriété du gouvernement qui a fait que le choix stratégique de la
direction du parti socialiste n’a pas fonctionné.
Le vote sanction ! La fameuse grande idée, qui devait emporter dans un
seul et même élan l’ensemble des socialistes et la gauche toute
entière. Ce vote sanction qui s’est étiolé pour devenir le vote
efficace…
En termes d’efficacité reconnaissons à l’UMP d’avoir su mobiliser et
renforcer son socle électoral et aux écologistes d’avoir su parler
d’Europe à notre place et d’être entendus par les citoyens de notre
pays.
Reconnaissons que la stratégie décidée n’était pas la bonne, que nous
nous sommes trompés.
Pourquoi ?
D’abord, en raison d’avoir oublier les fondamentaux politiques.
Pour gagner les socialistes doivent être rassemblés. Les militants ont
tranché au congrès de Reims, la motion E est arrivée en tête avec 30%
des suffrages, sa candidate au premier secrétariat a fait jeu égal et
remporté 50% des voix militantes. Le rassemblement qui s’imposait par
l’énergie du choix militant ne s’est pas réalisé parce que l’on a
voulu faire croire que ce congrès était un congrès d’alternance,
qu’une politique était remplacée par une autre, comme on le
ressentirait dans les changements de majorité parlementaire. Mais au
titre de quoi cette pensée, cette inflexion ? L’actuelle direction a
participé et a été mise en place par une partie très importante de la
direction et de la majorité précédente. Toi-même Martine, après avoir
été chargée du projet du Parti Socialiste, tu étais mandatée pour
travailler et porter nos propositions en matière de politique sociale
puisque tu étais la secrétaire nationale en charge de ce secteur.
Pourquoi dire et redire qu’il faut remettre le parti au travail, te
serais-tu désolidarisée des responsabilités qui t’avaient été confiées
depuis 2002 en particulier ? Nul ne peut se construire contre son
histoire.
Il t’appartient aujourd’hui d’assurer le rassemblement des
socialistes, non pas seulement par le choix de tel ou tel à la
direction, mais en permettant à tous les socialistes de définir une
nouvelle ligne politique pour le Parti Socialiste.
En effet, pour gagner il faut associer tous les socialistes à la
définition des choix qu’ils sont chargés de défendre ensuite sur le
terrain. Là encore, nous devons considérer que l’attitude que le parti
a eu auprès des militants, des sections et des fédérations a manqué
sinon de respect, à tout le moins de considération. Associer les
militants, faire participer les adhérents et les élus, accepter les
propositions ascendantes nous renforce. Faire vivre le parti ne nous a
jamais affaiblis, notre histoire est là pour le rappeler. Il en va de
notre crédibilité, et ce sont nos militants qui sont les premiers
acteurs de sa construction.
Ensuite pour gagner toujours, offrir à nos partenaires de la gauche un
débat de qualité et là aussi de vraies opportunités de rencontres et
de travail. Comment voudrions-nous porter l’alternance en France et en
Europe si nous n’offrons pas la perspective de penser et de rédiger un
contrat de gouvernement avec nos partenaires. Sans cette étape
essentielle, comment vouloir être audibles auprès des électeurs de
gauche, comment vouloir associer dans la clarté tous les démocrates
qui s’opposent à ce gouvernement et à Sarkosy. Comment vouloir
organiser les primaires pour choisir le candidat de la gauche et des
forces de progrès, sans contrat de gouvernement. Plus qu’un engagement
politique collectif, il nous faut ce socle pour porter l’espoir.
Les résultats des élections européennes nous donnent un signal fort en
ce sens, mais ne croyons pas que cela sera une chose facile
culturellement, car notre comportement politique à l’endroit des
radicaux de gauche lors de ce dernier scrutin nous en apprend beaucoup
sur ce que nous sommes capables de faire.
Aussi, j’appelle les membres du Conseil National à comprendre le sens
de notre responsabilité politique aujourd’hui. Chacun d’entre nous
ressent l’impérieuse nécessité d’agir. Les mots pour cela sont variés,
refondation, modernisation, réforme ; tous renvoient à l’effort, au
travail collectif, à l’émergence d’une pensée socialiste cohérente
pour formuler des propositions crédibles.
Je vous propose de porter devant les militants, dans toutes nos
sections, un débat participatif qui permettent de reconsidérer notre
logiciel politique. Proposons aux militants et aux élus un engagement
collectif, d’une direction rassemblée, un calendrier de travail clair
et efficace pour élaborer notre projet, des réunions hebdomadaires du
Bureau National, faire du Conseil national le véritable parlement de
notre parti, une articulation transparente et cohérente avec les
groupes parlementaires pour soutenir et renforcer l’action de tous les
socialistes, la mise en œuvre de moyens de communication qui répondent
aux exigences de notre actualité, et soumettons enfin au référendum
militant la question des primaires pour en faire non pas un sujet de
division entre nous, mais un outil puissant de rassemblement de toute
la gauche pour offrir aux Français l’alternance qu’ils espèrent. Aussi
je vous propose de nous réunir en conseil national exceptionnel, un
samedi toute la journée afin de permettre à tous ses membres d’y
participer, et de travailler sur ces thèmes sur la base d’un texte
élaboré collectivement. Ce texte nous inviterait à débattre bien
évidemment des choix stratégiques et des propositions que nous voulons
pour le parti socialiste, pour la gauche et pour la France. Ce travail
collectif serait ensuite renforcé des apports des militants lors de sa
discussion dans nos sections.
Notre force aura toujours été l’exigence démocratique que nous mettons
au cœur de nos débats et de notre action. Ne nous détournons pas de
notre obligation politique, mettons la démocratie au cœur de nos
choix. Apprenons à trancher nos débats dans la clarté et dans le
respect du vote des militants. Car gagner dépend naturellement de
notre capacité collective à faire des choix pour le plus grand nombre,
il faut souligner en effet que le bon choix n’est pas le non-choix. La
force de nos valeurs dépend de notre énergie et de la force du
mouvement que nous saurons mettre en œuvre. Cela s’appelle l’ambition
collective, je veux que mon parti retrouve cette ambition collective,
non pas seulement pour lui-même mais pour tous les citoyens qui nous
attendent et qui se lassent de nous attendre. L’ambition collective
que j’appelle de mes vœux, c’est celle qui nous portera à choisir un
projet de société où le progrès économique et social sera
indissociable de la croissance verte et du développement durable. Oui
je veux débattre, fort de cette ambition collective de la
transformation de notre rapport au travail et à la sécurisation
professionnelle. Reprenons le chemin de l’imagination pour une action
et des pratiques politiques renouvelées.