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Billet de blog 11 février 2013

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«L’affaire Bonnemaison»: l’euthanasie de trop?

« L’affaire Bonnemaison » sera-t-elle « le procès de Bobigny » de l’euthanasie ? En 1972, une jeune fille enceinte suite à un viol avait recours à une « avorteuse ». Dénoncées, Marie Claire, sa maman, 3 personnes les ayant aidées dans leur démarche -dont la femme qui a pratiqué l’avortement- étaient mises en examen. Le procès eut un retentissement énorme.

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« L’affaire Bonnemaison » sera-t-elle « le procès de Bobigny » de l’euthanasie ? En 1972, une jeune fille enceinte suite à un viol avait recours à une « avorteuse ». Dénoncées, Marie Claire, sa maman, 3 personnes les ayant aidées dans leur démarche -dont la femme qui a pratiqué l’avortement- étaient mises en examen. Le procès eut un retentissement énorme. L’avocate de la défense n’était autre que Gisèle Halimi. Avec l’accord des 5 inculpées, elle fit de ce procès le procès politique de l’avortement qui contribua grandement à l’évolution de la loi. En effet, 3 ans plus tard, la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, portée par Simone Veil, voyait le jour.

Certes, le Docteur Bonnemaison ne revendique absolument pas un militantisme pour une légalisation de l’euthanasie. Mais le contexte politique pourrait bien faire de son procès le procès politique de l’euthanasie.

 Aujourd’hui en France, l’euthanasie est un crime. L’urgentiste Nicolas Bonnemaison est mis en examen pour une dizaine d’euthanasies qu’il reconnait. Il les a pratiquées avec l’accord des familles (aucune n’a porté plainte). Il est prouvé qu’il a seulement agi par compassion, aucune motivation intéressée ou mercantile derrière ses gestes. Mais quid de la volonté des patients concernés ? pour certains d’entre eux, ils sont entrés dans son service déjà dans le coma et sans aucune directive écrite .

Voici une pratique interdite que beaucoup de personnels du corps médical avouent exercer. Et ce, la plupart du temps, dans les conditions les plus floues, les plus ambiguës. Nicolas Bonnemaison, parce qu'il a été dénoncé, n’est que le sommet de l’iceberg. 

Il ne regrette pas ses actes car il a opéré en accord avec sa conscience, par compassion, dans l’intention de soulager, d’accompagner le patient jusqu’au bout. Son geste n’est pas donner la mort mais apporter le dernier soin, le seul possible.

Le médecin ou l’infirmier agit seul, dans le plus grand secret, sans témoin. Il agit sans forcément l’accord du patient, au mieux, avec celui de sa famille. (On imagine avec effroi le sort de Liliane Bettencourt amenée aux urgences par sa fille quand le Dr Bonnemaison dit : «Dans le cadre de la fin de vie, on vit des choses fortes avec les familles. Souvent ça se fait dans un regard, une poignée de mains ».... !)

Il est temps de placer l’autonomie de l’individu au centre de cette décision qui ne concerne que lui comme référence fondamentale.

Lorsqu’une loi encadrera strictement cet acte :

-        Cela mettra fin aux euthanasies clandestines (15 000 à 20 000 par an).

-        On sera assuré que c’est bien le patient –et lui seul- qui aura demandé sa mort anticipée (de vive voix s’il en est capable ou via sa personne de confiance en possession de ses directives anticipées écrites).

-        Le patient qui ne désire pas d’euthanasie ne sera plus victime d’une « euthanasie administrative » comme il en existe à l’heure actuelle. Il sera protégé par la loi.

-        Le médecin ou l’infirmier n’agira plus seul entre deux portes mais au grand jour en collaboration avec l’équipe médicale, selon un protocole précis. Lui aussi sera protégé par la loi.

-        Une commission de contrôle vérifiera que l’acte s’est bien passé conformément à la loi.

-        Comme pour l’IVG, la clause de conscience permettra au médecin de refuser de pratiquer une euthanasie ; auquel cas, il sera tenu d’aiguiller le patient vers un autre médecin.

Les dérives actuelles -la mise en examen de Nicolas Bonnemaison en est une illustration de plus- ne cesseront que par l’encadrement d’une pratique exercée aujourd’hui de façon anarchique et sans aucun contrôle.

A la veille du vote en France d’une loi (j’espère) qui légalisera l’euthanasie, comment condamner cet homme ? il est simplement la victime des lacunes de la loi actuelle.

Comme la maman de Claire, ne pourrait-il dire à son tour : "Mais, monsieur le juge, je ne suis pas coupable ! C'est votre loi qui est coupable !"

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