L’Observatoire National de la Fin de Vie (ONFV) vient de publier son dernier rapport.
Ses conclusions sont non seulement décevantes mais blâmables eu égard à son coût (450 000 €). Marie de Hennezel, sociologue, spécialiste du sujet et membre de l’Observatoire en a claqué la porte. Elle reproche au rapport de : « compiler des études alors qu'il aurait fallu se rendre sur le terrain pour voir concrètement ce qui se passait », et estime donc qu’il n'apporte rien de neuf.
Quelles sont-elles ces conclusions ? Quelques lieux communs, des éléments archi-connus, constatés depuis des années : soins palliatifs dramatiquement insuffisants, méconnaissance de la loi actuelle par les français et du personnel médical en particulier, manque de formation de celui-ci…
Un aveu d’ignorance : « Un retard considérable dans le champ de la recherche sur la fin de vie. De ce fait, nous ne sommes pas encore en mesure de connaître avec une réelle précision les conditions et les pratiques de fin de vie ».
Au lieu de se mettre au travail et de « se rendre sur le terrain » comme l’aurait souhaité Marie de Hennezel, l’Observatoire préfère, malgré l’aveu de ses maigres connaissances, établir un réquisitoire contre l’euthanasie.
Peu convainquant car d’une mauvaise foi patente :
« Le droit du malade, sa liberté, ne doit pas primer sur les contingences qui font le ciment de la société démocratique. »
L’article 4 de la Déclaration de l’Homme et du Citoyen précise pourtant :
« La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas ».
En quoi le droit à choisir son propre parcours de fin de vie nuit-il à la société ? il relève des mêmes choix qui construisent toute une vie : choix d’une profession, d’un engagement en couple, de faire des enfants ou non, IVG…
« Que devient la solidarité (du latin in solidum, ce qui solidifie) quand elle est mise au service non du maintien mais de la sortie de la société ? »
Le maintien dans la société à tout prix ? mais le suicide n’est pas interdit par la loi. Alors, lorsque la maladie incurable et la souffrance inapaisable nous rendent la vie insupportable, aurions nous des comptes à rendre à la société quand nous décidons d’en finir ? Vincent Humbert, Michel Salmon étaient-ils de mauvais et ingrats citoyens ?
« Le respect de l’autonomie n’impose pas de se soumettre à toutes les exigences du patient et en tout état de cause n’érige pas celui-ci en donneur d’ordres. »
On retrouve ici la sacro-toute puissance de la médecine : le patient doit se plier aux décisions du corps médical, seul décisionnaire, même quand il s’agit de son propre parcours de fin de vie. Ce n’est pourtant pas une seule question médicale, c’est surtout une question humaine et citoyenne.
Puis des pages et des pages sont consacrées à tenter de démontrer que les sondages ne sont pas le reflet de ce que les gens pensent vraiment…
« Il serait illusoire, sur un sujet aussi complexe et sensible, de chercher dans les résultats des sondages une restitution fidèle et précise des courants d’opinion qui traversent la société. »
En effet, depuis 20 ans, les sondages se suivent et se ressemblent : entre 86 et 94% des français sont favorables à une législation sur l’euthanasie. Un peu embêtant…
L’ONFV se proposent donc d’interpréter les réponses des français qui, loin de refléter une exigence réitérée, ne seraient qu’un « état d’esprit ». Force est de constater qu’ils ont de la suite dans les idées, les français !
« Dans les questions posées lors des différents sondages, quatre mots ressortent très nettement : « souffrance », « insupportable », « maladie » et « incurable ». L’utilisation de ces termes stimule, de manière implicite, des représentations particulièrement dramatiques de la fin de vie. »
Eh bien oui !! il s’agit clairement de cas de fin de vie, lorsqu’il n’y a plus d’issue thérapeutique, que la douleur est incalmable. Il ne s’agit pas demander l’euthanasie pour une angine tenace ou une fracture ouverte !
« L’idée que certaines situations insupportables peuvent être provisoires ou réversibles n’est jamais évoquée, induisant qu’elles sont toutes définitives. »
Oui, oui, c’est bien de cela qu’il s’agit : de maladies incurables, pas de rhumes.
« Les amalgames entre souffrances et douleurs, dimensions insupportable et insurmontable, phase avancée et terminale, etc. ne permettent pas une compréhension nuancée des réponses. »
En effet, pas de nuance, il s’agit bien d’une maladie irréversible et non d’une gripette ! Il n’y a pas d’amalgame mais une suite de conditions impérieuses.
Les questions posées dans ces sondages le sont pour connaître l’opinion des français sur une légalisation de l’euthanasie. Elle ne saurait voir le jour que un cadre très strict, assorti de garde-fous.
« L’individu souhaiterait être seul juge et décideur pour tout ce qui concerne sa vie. Nous entrons là dans un domaine d’une subtilité telle que les sondages ne peuvent prétendre en rendre compte. »
Le citoyen français est-il adulte ou bien n’est-il qu’un grand enfant qui ne comprend pas très bien les questions quand on lui demande son avis sur son propre parcours de vie ?
« les personnes atteintes de «maladie grave et incurable » s’expriment finalement assez peu dans ce débat de société. »
Vrai quand il s’agit d’évaluer la loi Leonetti… par lui-même (l’évaluation d’une loi par celui-là même qui l’a portée manque singulièrement de crédibilité…) : pas un seul malade n’a été entendu. Ont été auditionnés toute sorte de gens : soins palliatifs en grande majorité, personnalités opposées à l’euthanasie pour la plupart. A une seule exception près : Jean-Luc Romero, Président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité. A force d’insistance il a été le seul représentant d’une « opposition ».
Faux quand il s’agit d’un sondage. Certes, les sondeurs n’ont probablement pas arpenté les hôpitaux. Mais un sondage est sensé représenter la société et il n’est pas besoin d’être hospitalisé ou en phase terminale pour vivre, au quotidien, avec une maladie grave et incurable (sida, certains cancers, scléroses, mucoviscidoses…)
Ceci n’est qu’un abrégé des preuves de mauvaises foi criantes car le rapport est copieux. Son prix serait largement justifié s’il avait été négocié au poids !