Monsieur Attal s’est emparé du suicide d’un garçon de 15 ans pour nous la jouer sur le mode de l’émotion. Il fut un temps où les personnes qui se suicidaient, y compris celles qui le faisaient sur leur lieu de travail, étaient soupçonnées d’avoir été dépressives ou divorcées de frais. L’organisation de leur travail n’était pas responsable de leur mort. Aujourd’hui, c’est une lettre du rectorat qui a causé la mort de ce garçon. Circulez, il n’y a rien à voir, on connaît le responsable. Et on va nettoyer l’Education nationale de ce mal qu’est le harcèlement. Monsieur Attal va savoir faire, lui. Et puis, dès que l’occasion s’en présentera, il viendra faire les gros yeux à quiconque se laisse aller à l’indignation automatique.
Dans mon village, des hélicoptères viennent prendre, un à un, les blocs de rochers qui sont en train d’engorger les filets qu’on a posés pour retenir la montagne, pour qu’elle ne tombe pas sur la route (les maisons ont été fermées et interdites d’habitation). La montagne tombe. Depuis un incendie, en 2002, la végétation ne la retient pas, on met des filets, les filets ne la retiennent plus. La montagne tombe. Sans qu’il y ait catastrophe, il y a vision de catastrophe, c’est comme avoir le dérèglement climatique sous les yeux. Mais ici, sans voiture, on est réduit à l’état de zombie. Plus de gare, évidemment. Aller d’un village à l’autre en vélo, c’est une étape du tour de France. Les autocars assurent le transport des élèves, pas plus. On envoie des hélicoptères pour atténuer les problèmes.
Entendu ce matin, sur France Culture : « on fait un geste [pour rémunérer mieux les infirmières] ». Cette expression, « faire un geste », que dit-elle ? sans rien dire ? elle dit que les infirmières sont bien gentilles, bien vaillantes et qu’on va lever un début de petit doigt pour les consoler d’être si malheureuses… un geste. La journaliste qui dit cela à l’antenne n’a sans doute pas fait exprès de présenter le gouvernement comme un bienfaiteur qui fait ce qu’il peut, elle ne se rend pas compte qu’elle induit, avec cette tournure, que la gestion de la santé consiste en une empathie occasionnelle et c’est bon. Elle endosse l’attitude du gouvernement (elle me mangerait les yeux si elle m’entendait), elle collabore, elle entérine une manière de se comporter avec le pouvoir comme s’il donnait licence de faire ce que l’on veut, comme si les Français étaient des sujets.
Je peux imaginer que chacun de mes concitoyens est témoin de l’une de ces non-catastrophes.
Si jamais on, tous et chacun, devait prendre la mesure de ce qui arrive… qui serions-nous ? qui sommes-nous ? de quoi sommes-nous capables ?
Mon sentiment, c’est que nous sommes en danger et que le danger viendra des comportements individuels plus que du danger lui-même. Parce que chacun pensera à sauver sa peau ou son bien ou son argent.
Et voilà pourquoi je voudrais que soit examinée de près la rhétorique manipulatrice et propagandiste de ceux qui ont la parole. Pas pour dire que c’est nouveau. Pour dénoncer.