Soirs de paix
Je rêvais de soirs de paix, de tendresse, de bien-être simple, à l’heure des cheveux gris, après une vie trépidante et bien remplie. Je rêvais de nuits calmes et douces, de mots d’amour pour saluer chaque nouveau jour avec toi, et aussi pour prendre, en même temps que toi, congé des étoiles, puis embarquer vers le pays des délires, des monstres, des images merveilleuses parfois. Quand ils arrivaient, de temps à autre, ces rares soirs de paix, ils étaient faux, ils n’étaient, maintenant je le sais, que l’infâme comédie que tu me jouais par intérêt, celle d’un tricheur, d’un menteur, d’un prédateur, d’un imposteur.
Les soirs de paix que, naïve, je rêvais pour nos toutes dernières années sur terre, je ne les connaîtrai jamais. Depuis longtemps déjà, tu étais ailleurs, loin de moi ; depuis longtemps, de près ou de loin, tu semais la tyrannie, la colère, le malheur et la guerre dans mon existence, je ne le voyais pas, je n’y prenais pas garde, je ne me méfiais pas. Depuis longtemps, alors que je t’aimais tant, que je t’aimais comme autrefois, comme toujours, tu étais en secret devenu un autre, un traître, un ennemi, celui qui ne m’aimant plus venait juste jouir du confort et de l’habitude de mes petites attentions, de ma joie de vivre pour lui. Tu fus celui qui projeta d’attenter à ma vie pour filer le parfait amour avec une harengère de passage que tu pris aveuglément pour une princesse. Princesse de La Serpillière, elle n’attendait de son poétaillon du dimanche que ses picaillons, future Béline d’un fat qui, se laissant berner par une dévergondée, jouait les grands seigneurs en dilapidant pour l’éblouir ses nombreux comptes en banque.
Je les trouverai pourtant ces soirs de paix, en tête à tête avec moi-même, ou avec mes amis, sans un regret pour ton regard sournois, tes caprices puérils, tes déclarations péremptoires, puis comminatoires, tes éclats de voix, tes manies, tes mensonges, tes jurons de charretier. Ton absence sera devenue un soulagement, une bénédiction. Tout de toi était factice. Ta liaison aussi se volatilisera et tu te retrouveras Grosjean comme devant, vieux gigolo chauve, seul, gâteux, sans sa princesse grasse.
La guerrière que je suis ne t’admire plus, ne t’aime plus, ne t’encensera plus. Elle crachera sur ton hubris, te ridiculisera, te vouera aux gémonies, te vaincra, tu mordras la poussière et laisseras derrière toi le souvenir d’un parjure, d’un ignoble et lâche monstre froid, d’un salaud.
6 avril 2023 Aimée Saint-Laurent © Chants de guerrière