Printemps de Normandie
C’est le printemps de Normandie. Il pleut, tout est brumeux, morose et gris : le ciel, les arbres sur la colline, l’étang, la vie. Les fleurs qui devaient enchanter la saison et ma maison ruissellent, pourrissent au jardin, sous les larmes des anges. Il est encore bien trop tôt pour les roses. Sur les branches noires et glissantes, les oiseaux hagards secouent leurs plumes, puis les lissent. Les hirondelles messagères de l’été, revenues d’Afrique ou d’Asie, comment résistent-elles aux vents glacés ? L’herbe des prés se gorge d’eau et de vert sale. Les messages de tendresse que, femme au cœur blessé, j’ai voulu adresser à mes amis les ont embarrassés, ou se sont perdus dans l’abyssal silence de l’Univers. Chacun, se croyant vivant, ignore l’autre, court à ses rendez-vous, ses affaires, parmi les encombrements des villes là-bas. Le temps presse, l’heure tourne, les trains n’attendent pas, les usines se vident, les magasins et les bureaux ferment, les télévisions s’allument. En leurs palais de marbre, nuit et jour, les banquiers alignent des chiffres et des milliards sur leurs ordinateurs. Que sont les humains devenus ? Seuls Ludwig van Beethoven et Yehudi Menuhin au violon de magicien, depuis les éons sombres de leur monde d’outre-tombe, me consolent au plus profond de ma solitude. Je vis parmi des ombres.
Quand le soleil reviendra-t-il, avec un sourire, ou une parole, de ceux que j’aime ?
10 avril 2012