Vous, peut-être ?
Quand le vide s’ouvre devant ma vie, quand soudain le vertige m’étourdit, que surgit l’envie de ne plus exister, je cherche dans ma mémoire quel poème, quelle mélodie, quel pays, quel être bienveillant peut me rendre, dans ma nuit noire, l’espoir de vouloir atteindre demain ? Qui me tendra la main ? Vous, peut-être ?
Mes amis se terrent au loin et se taisent. Sont-ils encore mes amis ? Ont-ils tous fui ? Sont-ils morts ? Leur silence m’assourdit. A qui destinerai-je ce soleil prêt à l’incendie, encore, sous les cendres de mon cœur dévasté, à qui ma gaieté d'autrefois, mes éclats de rire enfouis, la lumière du feu sacré qui brûle en secret dans mes veines ? Pour qui inventerai-je ce florilège des poésies que le souffle des dieux sans cesse m’inspire ? Vous, peut-être ?
A quel sourire, à quelles paroles, à quel regard, à la chaleureuse attention de quel vivant réchaufferai-je mon âme déchirée, palpitante comme un oiseau que des barbares ont blessé ? A qui confierai-je mes larmes, mes alarmes d'amante délaissée ? A qui offrirai-je le trésor tragique de mes thrènes ? A quel étranger de passage, à quel être par hasard croisé, dédierai-je l’œuvre nouvelle d’une odyssée que je rêve éternelle? Qui fera jaillir l’étincelle ? Qui sera l’étranger ? Qui s’arrêtera pour me consoler un instant ? Vous, peut-être ?
Qui prendra le visage d'un destin enfin serein ?
9 juillet 2023 Aimée Saint-Laurent © Poèmes à l'étranger