Le vide du temps (à Paul)
Le vide du temps pèse sur mon cœur meurtri, sur mes mains ridées de vieille dame qui a tout perdu et n’a plus rien ni personne à attendre. L’homme autrefois si tendre, que j’aimais depuis si longtemps, s’est soudain furtivement enfui un après-midi de joli printemps, m’abandonnant à mes songes, et à ses mensonges.
Tandis que je rêvais, Celui que toute ma vie j’adorais jusqu’à l’infini s’est enfui là où ses démons l’ont conduit. Et son fantôme rôde aux vastes salles du palais où, étrange Pénélope, j’erre en vain, attendant jour après jour son retour prochain, guettant l’horizon lointain, au gré des saisons, des lendemains incertains, de ma désespérance.
Le vide du temps m’entraîne aux confins du néant, là où nous ne serons bientôt plus rien, oubliés de l’univers et des vivants, dans le sépulcral silence des amantes délaissées, dont les chants éplorés se sont tus à l’heure des adieux, leur blanche robe des noces disparaissant parmi les ombres, au cœur des ténèbres éternelles d’où nul ne revient, pas même les dieux.
9 avril 2024 Aimée Saint-Laurent © Ephéméride 4, Chants de la Désespérance