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Nicole Péruisset-Fache

Professeure agrégée honoraire, Docteure de l'Université de Rouen, Qualifiée aux fonctions de maître de conférences, Chercheure en sciences humaines indépendante, poète à ses heures

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Billet de blog 11 juin 2023

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CARPE DIEM (3e épisode)

Acanthe, lierre, smilax, laurier-rose, myrrhe, pervenches, capillaire, cyprès, platanes avaient déjà été plantés par les soins du paysagiste et de ses hommes.

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CARPE DIEM (3e épisode)

3.L’autre rencontre

Acanthe, lierre, smilax, laurier-rose, myrrhe, pervenches, capillaire, cyprès, platanes avaient déjà été plantés par les soins du paysagiste et de ses hommes. Viendraient s’y ajouter buis, iris, fragon, roses, violettes, vigne, fleurs des champs qui transformeraient en petit paradis l’endroit déjà pourvu de ses tonnelles, de ses fontaines, de ses nymphées, et du bestiaire de ses statues.

Plusieurs jours avaient passé depuis l’apparition en ces lieux de la jeune-fille, lorsqu’un soir, au moment de quitter le jardin, l’entrepreneur entendit des pas sonner sur le pavement de mosaïques de l’atrium et vit surgir à côté de lui le propriétaire de la riche demeure et son épouse.

Il lui fallut rassembler toute sa présence d’esprit et tout son sang-froid pour ne pas laisser passer sur l’expression de son visage la douloureuse surprise de reconnaître dans les traits de la dame, plus éblouissante encore et plus raffinée, la beauté qui l’avait tant ému chez la jeune-fille. C’étaient le même regard profond et sombre, la même chevelure souple et dense, le même éclat de la peau. Le même sourire découvrait les mêmes dents de perle. Seuls des cernes un peu prononcés révélaient que ces yeux avaient davantage pleuré, davantage clos leurs paupières sur des jours maussades, ennuyeux, vides. Ce visage lui parut plus étonnant encore et, après coup seulement, il se mit à penser à la cruauté du sort qui réduirait à néant toute trace de semblable merveille, la singularité du rire fugitif et de la voix, les expressions sans pareilles où se lisent les aspirations d’une âme.

Il expliqua au maître des lieux la façon dont il avait procédé pour organiser son travail du jour et ce qu’il comptait réaliser le lendemain. Il se montra ouvert aux questions et aux remarques, aux suggestions et aux souhaits. La dame se contenta d’écouter la conversation, non sans faire remarquer toutefois qu’elle tenait à ce qu’on n’oubliât pas les narcisses dont elle aimait à orner le laraire au printemps.

On s’était séparé sur cette recommandation.

Chemin faisant, l’artisan troublé ne pouvait s’empêcher de laisser son esprit vagabonder, tantôt assailli par la première image, tantôt par la plus récente, ne sachant pourquoi les dieux l’avaient jeté ans ce terrible imbroglio.

Dès son arrivée, à la troisième heure, le lendemain, il trouva la dame occupée à parcourir les allées pavées et à observer les premiers bourgeons éclos des plantes repiquées à l’automne précédent. Ils se saluèrent en silence, et le regard pénétrant et plein d’interrogations qu’ils échangèrent le hanta le jour durant.

Ils se revirent à la nuit tombante. Prétextant l’inclinaison gênante d’un rameau, elle l’aida à maintenir l’arbuste en place à l’aide d’un tuteur provisoire. Leurs mains s’effleurèrent, leurs regards se croisèrent et se comprirent. Gauches et intimidés, ils s’étaient dit à demain.

(à suivre) Aimée Saint-Laurent © Nouvelles d'ici et d'ailleurs, de maintenant et de toujours

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