Cœur d’obsidienne
Ton cœur ne bat plus au rythme du mien. Tu t’es lassé de suivre le même chemin. La poésie s’en est allée de ta vie, tu as oublié nos rêves et n’entends plus comme moi les voix venues d’ailleurs et d’autres temps, ni les paroles échangées entre toi et moi depuis notre hymen en sa jeunesse. Elles hantent encore ma mémoire. Je ne sais de quoi est fait ton présent, tu l’as choisi différent. Es-tu plus heureux pour autant ?
Je te donnais toute ma tendresse. Mon amour pour toi inspirait chacun de mes gestes, chacune de mes pensées, chacun de mes mots, chacune de mes actions, ma vie entière. Mais tu n’en as plus que faire. Je te croyais satisfait pourtant. Je pensais être à jamais celle que tu avais choisie pour t’accompagner tout au long de l’étrange voyage, ton épouse, ton amoureuse, ton amie. Mais la bague s’est perdue aux marécages du présent.
Mon cœur est resté prisonnier du souvenir de nos belles années, du souvenir de tes offrandes de fleurs, de tes lettres d’amour. Ce sont, pour toi, inutiles pages arrachées à l’éphéméride, jetées au feu, cendres froides, et ma vie n’est plus dans ta vie que l’ombre évanescente d’une étrangère de passage.
Tu as fait de ton cœur un bloc d’obsidienne noire aux éclats tranchants pour mieux taillader dans le vif mon attente et mes espoirs, pour mieux rompre tes amarres, et m’abandonner sur le rivage d’un chagrin sans limite et sans horizon, sacrifice expiatoire dédié à tes démons, pareil à ceux des temples de Chichen Itza.
11 septembre 2021