Notre mariage (avec une pensée pour Frida Kahlo), à Paul
Partout à travers le monde, de l’Andalousie à Cuba sur les pas de Federico García, de la Russie à l’Afrique qui vit naître tes ancêtres, des Amériques à l’Océanie, de l’Asie à l’Arabie, des Indes orientales aux Indes occidentales, de la mer Baltique aux Quarantièmes rugissants, j’emportais avec mes bagages, gravée à jamais dans mon cœur, l’image de ton amour, de ton visage, comme sur son front le médaillon où Frida avait peint le portrait de Diego. Pareil au leur, notre mariage était fait de tempêtes, de mers calmes, de ciels indigo et d’orages.
Loin de toi, à Fort-de France, Praia, Guilin, Iaroslav, sur l’île de Kiji, à Johannesburg, Salvador de Bahia, Mindelo, du Détroit de Cook au Popocatepetl, partout mon jardin secret embaumait ta présence au monde, les souvenirs joyeux de nos folles années, nos fiançailles éternelles, notre communion sacrée. Même seule, mon sourire rayonnait à la pensée de Toi. Même au bout de la Terre, j’étais reine, certaine de ton attente impatiente sur notre sol. Je te croyais fidèle à ta parole.
Aujourd’hui, dans mon cœur lourd, c’est le chagrin de ton absence, le poids des trahisons, des mensonges, ce sont les grimaces de ta haine, ce sont mes tourments que je traîne, là où je vais, à travers les rues de ta ville qui se souviennent pourtant, depuis si longtemps, de nos élans, de nos enlacements, de nos serments, de cet amour que nous voulions idéal. Un vent de mauvaise haleine a tout balayé. De notre vie ensemble tu as fait un champ de ruines sous les étoiles. Ta vie nouvelle aussi s’écroulera, dans la fétide puanteur des bas-fonds sordides et des amours vénales.
Il ne me reste de toi qu’une ombre grise, évanescente, qui accompagne en silence mon âme endolorie, et tombera bientôt dans l’oubli. Il ne reste du sublime brasier que des cendres dispersées. Le destin nous avait unis, tu es parti, tu as tout repris et tout détruit. L’ange qui veillait sur nous s’est enfui. Il s’est caché pour pleurer.
Aveuglée moi aussi par les larmes, les alarmes, je titube. Et du fond de ma nuit tragique, je crie ton nom.
14 juillet 2023 Aimée Saint-Laurent © (Les nouveaux Chants de Pénélope)