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Professeure agrégée honoraire, Docteure de l'Université de Rouen, Qualifiée aux fonctions de maître de conférences, Chercheure en sciences humaines indépendante, poète à ses heures

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Billet de blog 17 mai 2023

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Tribulations d’un gigolo, Conte picaresque du XXIe siècle, 14e épisode

Nous n’expliquerons pas comment une invalide catégorie 2 peut envisager un emploi d’aide à la personne âgée, c’est un mystère qui nous dépasse et dont nous ne feindrons pas d’être l’organisateur. Passons à la photo ...

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Passons à la photo, prise dans un lieu on ne peut plus romantique, la cuisine du logement social de ladite princesse, alias Princesse de la Serpillière comme d’autres femmes titrées portent le nom de Princesse de la Moissonnière. Dieu merci, les photos n’ont pas d’odeur et celle-ci nous épargne les relents de graillon d’une cuisine populaire. On y voit une femme mûre, de 50 ans bien tassés, de même que sa silhouette que l’on devine adipeuse (à sa vue, certains hommes, moins raffinés qu’elle, penseraient « il y a du pelotage »), un visage replet aux lèvres minces entrouvertes sur de petites dents carnassières, et déformées par un sourire crispé, un quadruple menton au moins, il est difficile d’en compter les replis, une peau blanche, grasse et luisante, agrémentée de boutons et de taches rouges parsemés sur le bas du visage, mais aussi entre le nez et la lèvre supérieure, et sur le haut des pommettes (une lotion pour femme ménopausée avait dû lui faire défaut), des cheveux coiffés en tapis brosse sur la tête, jaunes peroxydés pour faire star, un visage gonflé, aux yeux charbonneux qui rappellent vaguement le maquillage des yeux hagards de Gelsomina dans La Strada de Fellini, sauf que les yeux de la princesse sont vides, ils semblent éblouis devant le poétaillon du dimanche qui n’est pas celui qui prend la photo puisqu’elle la lui envoie par mail le soir même de la prise de vue, mais à qui visiblement elle adresse ses pensées les plus gourmandes, dans le ravissement de la conquête réussie et d’une ascension sociale assurée. Pour compléter, se devine l’encolure d’une tenue de fête d’un goût douteux, prétentieusement cousue de paillettes de couleurs (c’est la saison des arbres de Noël, des guirlandes, et des décorations de sapins), qui soulignent l’arrondi épais des grasses épaules de la mémère-à-son-pépère dodue. Une caricature d’aventurière de bas étage, un produit anthropologique artificiel manufacturé à des milliers, voire des millions d’exemplaires de par le monde, par la combinaison des influences de l’industrie cosmétique, de la presse people, et des séries télévisées. Un faux semblant que le poétaillon est incapable de détecter, mais qui va faire office de veuve noire et l’emprisonner dans sa toile habilement tissée au jour le jour pendant treize ans, magnifique roman d’amour et, surtout, de gros sous, histoire d’un sauve-qui-peut urgent, de part et d’autre, où se mélangent l’attrait du sexe pour un mâle menacé d’impuissance précoce, le fric et les châteaux en Espagne fantasmés depuis l’enfance par une pauvresse. Mais ils se voient tous deux comme les héros d’un conte de fées, aussi exaltant que les élucubrations de « Gala », lecture favorite de la princesse, à n’en point douter, ou encore tels les personnages sortis d’un roman de gare à l’eau de rose, style Harlequin.  

Notre héros vient pourtant de refaire, avec sa princesse grasse, et les autres trophées de son tableau de chasse, le même chemin exactement, selon le même schéma, dans le moindre détail, que celui qu’il a fait avec son épouse légitime trente-six ans auparavant, chemin désormais archi vieilli, archi moisi, archi défraîchi, archi galvaudé. Après la rencontre, il va s’installer chez elle (à temps partiel pour commencer, puis à temps complet), il lui écrit des mots d’amour sur des bouts de papier et des SMS, il rimaille, il joue les grands seigneurs, lui offre certainement restaurant, chocolats et fleurs avec l’argent du ménage légitime, et surtout des promesses d’amour à n’en plus finir, en veux-tu en voilà, sûrement aussi des caresses de chien qui donnent des puces. Rien de bien original ou miraculeux, il a fait ça toute sa vie, avec plusieurs femmes, toutes séduites par la belle prestance du gentleman-tricheur éduqué à la manière anglaise, qui a oublié les principes fondamentaux de son éducation, l’honnêteté, la politesse, le fair-play. Seul comptent la poudre aux yeux, le paraître, l’argent facile. La seule différence entre ces histoires tient au fait qu’il ne se ferait pas entretenir par ces femmes de rien comme il le fit sans vergogne avec son épouse.

Saurait-elle, cette merveilleuse princesse, lui faire passer ses habitudes de jurer comme un charretier quand il se livrait à une tâche manuelle ? D'éructer après les repas ? De sauter en l’air quand il éternuait ? D'émettre des flatulences bruyantes quand sa digestion enjoignait ses intestins de faire le vide d’air ? Au moins, depuis qu’il était parti, l’épouse légitime échappait à ces désagréments, à cette tenue fort peu civilisée.

(à suivre)

Aimée Saint-Laurent ©  Tribulations d’un gigolo, Conte picaresque du XXIe siècle 

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