L’Adieu
J’ai cueilli ce brin de bruyère
L’automne est morte souviens-t’en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens-toi que je t’attends
Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913
Fin du voyage
Aux confins du monde et de la vie, entre rêve et néant, seuls mes pas froissent encore le silence. Nul ne sait pour combien de temps. Se souviendront-ils de mon bref passage en ces lieux, les grands arbres du jardin que tu avais plantés ? Murmureront-ils mon nom et le tien dans le vent si les passants s’arrêtent pour contempler le paysage tandis qu’au loin, jour après jour, mon corps épousera la terre natale pour des noces éternelles ? Un étranger un peu rêveur dira-t-il les poèmes que j’écrivais pour toi dont les années ont fané l’amour comme rose dépouillée par la bourrasque? Ou mon livre se dépècera-t-il en illisibles lambeaux au fond d’une malle oubliée dans quelque grenier de masure en ruine ? L’avenir, morose, se referme peu à peu sur nos étés passés, nos rendez-vous, nos sourires et nos larmes, images qui n’appartiennent qu’à nous, richesse d’entre les richesses au fil de mon voyage, qui illuminent ma mémoire en ton absence. Uniformément gris sans toi, les heures, les jours, les semaines, les mois s’écoulent, impitoyables, au sablier de l’année, aux pages de l’éphéméride, aux cadrans des horloges ; ils s’enfuient sans retour au rythme de mes lignes et nous éloignent l’un de l’autre. Le bonheur en habits d’illusion, jongleur des châteaux en Espagne, s’est effondré et mon cœur a sombré aux profondeurs de haute marée, sous le fardeau de mes chagrins de femme.
18 août 2021