Nouveau Conte des mille et une Nuits
La pauvre Shéhérazade bouffie, au jaune tapis brosse qui lui tient lieu de chevelure, peau grasse et luisante, quadruple menton, aux yeux charbonneux de sa jeunesse miraculeuse en la cité interdite de la ville des abbés a changé de look. Veuve non éplorée, elle a maintenant soixante-trois ans, un ventre flasque et protubérant après tant de cabrioles et de naissances d'allocataire, un séant volumineux et rebondi, mais elle séduit encore le vieux sultan, comme aux temps bénis du Cialis et du lit.
Pour le distraire, elle lui conte encore fleurette ainsi que le récit de ses rencontres passionnantes au supermarché du coin avec ses commères, se lamente sur le prix des carottes, des pommes de terre, et pour émoustiller son protecteur lui chante la mélopée des séries télévisées brésiliennes, des belles images de Copacabana et de sa plage, les naïades en string que son 52 fillette ne lui a jamais permis d'exhiber.
La Shéhérazade de la cité a vieilli, ses cheveux ont blanchi, ses grands yeux éberlués sont devenus tirets minuscules et miteux, mais quand elle sourit de toutes ses petites dents jaunies pour le selfie, le visage enfoui dans un cou bovin aux mille plis, le prince des mille et une nuits la couve encore d’un regard attendri, se remémorant les jeux du déduit comme de l’égérie les multiples partenaires. Princesse grasse, promue par la grâce du canapé matrone en chef, elle tient d’une main ferme la laisse du vieux galant domestiqué, coq en pâte mué en toutou à sa mémère, amateur de fariboles, tout un symbole.
18 décembre 2024, Aimée Saint-Laurent © Chants coquins et autres fariboles