Nicole Péruisset-Fache (avatar)

Nicole Péruisset-Fache

Professeure agrégée honoraire, Docteure de l'Université de Rouen, Qualifiée aux fonctions de maître de conférences, Chercheure en sciences humaines indépendante, poète à ses heures

Abonné·e de Mediapart

486 Billets

0 Édition

Billet de blog 23 octobre 2023

Nicole Péruisset-Fache (avatar)

Nicole Péruisset-Fache

Professeure agrégée honoraire, Docteure de l'Université de Rouen, Qualifiée aux fonctions de maître de conférences, Chercheure en sciences humaines indépendante, poète à ses heures

Abonné·e de Mediapart

Notre maison

Avec toi, notre petite maison loin de tout était mon havre de paix, mon abri, mon nid douillet, du moins je le croyais, dans un monde d’orages, d’ouragans, de guerres, un monde en folie.

Nicole Péruisset-Fache (avatar)

Nicole Péruisset-Fache

Professeure agrégée honoraire, Docteure de l'Université de Rouen, Qualifiée aux fonctions de maître de conférences, Chercheure en sciences humaines indépendante, poète à ses heures

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Notre maison

Avec toi, notre petite maison loin de tout était mon havre de paix, mon abri, mon nid douillet, du moins je le croyais, dans un monde d’orages, d’ouragans, de guerres, un monde en folie. Sans cesse, tout m’y parlait de toi, et je rêvais. Inlassablement, comme Pénélope ou la Reine Mathilde, je brodais en silence ma tapisserie, racontant la légende qui nous avait autrefois si tendrement unis, toi et moi. Tu m’avais promis l’éternité de ton amour, et j’y croyais. Mon cœur brûlait pour toi comme en d’autres temps celui de Juliette, d’Héloïse, d’Isolde, de Mélisande pour leur amant. En ton absence, au long des jours et des nuits sans fin, je t’attendais ; le mal de toi et la prière se partageaient mon âme. Je craignais pour toi le destin qui parfois arrête l'heure aux horloges des gares, des aéroports et, pour l’éternité, brise les vies, sans pitié.

A l’instant où tu rentrais, m’emportait alors l’élan d’une indicible joie. Enfin, c’était TOI ! Comme toutes les petites choses si précieuses et si éphémères de la vie simple, ton retour m’était miracle. Les meubles cirés décorés de fleurs fraîchement cueillies, la table dressée pour t’offrir tes mets préférés, la ferveur de mon amour resté celui de mes vingt ans malgré le passage du temps, célébraient ta venue tant attendue. Et je remerciais en secret les puissances tutélaires qui t’avaient protégé toutes ces années, et escorté sain et sauf jusque chez nous.

 « Chez nous » n’existe plus. Tu as fui soudain ailleurs, filant à l’anglaise, ayant semé la discorde entre nous, trahi ta foi, scellé ton choix de suivre tes anciens démons ranimés, sur la voie du parjure, en hors-la-loi sournois, après que ta voix cruelle eut proféré contre moi des menaces d’assassinat. Elles résonnent encore au salon où de nouveau tintait le piano. Depuis longtemps déjà, une Fée Carabosse hideuse et vulgaire t’avait leurré jusqu’à son bouge lointain, elle t’avait poussé au mensonge, à la trahison, ensorcelé. Tu n’étais plus toi.

Dans notre maison, il n’y a aujourd’hui pour moi plus rien ni personne à attendre, il n’y a plus de paix, il n’y a plus, parmi les ruines du passé, que mes sanglots que je suis seule à entendre et, sous mes doigts, parfois, la musique tragique du Nocturne en ut dièse mineur qu’en sa jeunesse, Chopin composa peut-être aussi pour moi.

   Aimée Saint-Laurent©          22 octobre 2023

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.